French Journal For Media Research

Vindicien V. Kajabika et Alain Kiyindou

Introduction. « Réseaux sociaux numériques et nouvelles dynamiques médiatiques : des propositions aux contributions inédites »
Synthèse du colloque organisé à l’IUT de Montreuil – Université Paris 8, vendredi 16 juin 2017 de 9h à 18h30

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1L’expansion très poussée d’Internet et l’accès de plus en plus facilité aux technologies numériques de l’information et de la communication notamment ont fait émerger de manière presqu’inattendue de nouveaux médias en ligne. Ces médias numériques se multiplient chaque jour un peu plus et deviennent comme une émanation sociétale qui dynamise instantanément l’univers médiatique au point d’apporter des réponses aux préoccupations et attentes de nos contemporains (Mattelart, Neveu, 2008).

2Cette synergie, créée par ces nouveaux médias et plusieurs applications socioculturelles et techniques dont elles résultent, se traduit par une profusion de partages, d’interactions pour faire converger les aspirations et communier ensemble dans cet univers qui se confirme en permanence comme interconnecté et dans lequel les humains ne peuvent pas se passer de communiquer (Ellison, 2011 ; Etchegaray, 2013).

3Hassan Atifi, de qui l’on peut à raison penser que nous nous sommes inspirés, avait interrogé quelques mois plus tôt dans un appel à articles du numéro thématique "Nouvelles dynamiques médiatiques et numériques", l’intérêt que l’essor des vidéos d’appel dans l’entraide communautaire postées par des personnes vulnérables, proliférant sur YouTube et parfois relayées par le site Hespress, avait sur les révélations des mutations des solidarités traditionnelles (familiales), de nouvelles possibilités d’accès à l’espace public au Maroc et de certaines réalités économiques, sociales et culturelles du pays (Atifi, 2017).

4Sans chercher à inventer la roue de l’histoire, le colloque international « Réseaux sociaux numériques et nouvelles dynamiques médiatiques » a voulu rendre compte des prolongements et/ou des mutations en vigueur, entre autres, et primordialement dans les usages et pratiques médiatiques socialisées utilisant la connexion Internet pour accélérer et approfondir l’interactivité avec le public et occasionnant, par cette situation, de nouvelles synergies culturelles et sociales notamment.

5Les communications retenues essayent, à tour de rôles, d’interroger et d’analyser chacune dans son contexte et sa situation, ces mutations donnant à attester un rapport de causalité entre les réseaux sociaux en ligne et les nouvelles dynamiques.

6Des médias, on aurait cru, à un moment en avoir tout entendu. On aurait pensé avoir tout vu, tout étudié. Que ce soient notamment les notables prospectives de Marshall Mc Luhan (1977), les formalisations de Régis Debray ou les analyses de Francis Balle (1972), presque rien n’aurait permis de penser qu’après tant de sujets y afférents, tels que la question de l’Audimat ou de l’audience (Coignard, 2003 ; Cyran, Ba, 2005), la marchandisation des industries médiatiques (Miège, 2007 ; Moeglin, 2005 ; Moeglin, Tremblay, 2005 ; Bosquillon, 2010 ; Kajabika, 2011), la publicité (Bénilde, 2007), la formation et le statut des journalistes (Ruffin, 2003 ; Kajabika, 2014 ; Accardo, 2007), les conditions de travail (Joffrin, 2009), les sources d’information (Joffrin, 2009 ; Payalte (2011), le corporatisme, la connivence avec le monde politique et industriel (Nora, Minc, 1978 ; Bourdieu, 1985 ; Wolton, 1988 ; Jeanneney, 1990), la question de l’objectivité (Montoya, 2006 ; Touboul, et al., 2012), on pouvait encore avoir des choses à en dire.

7Ni les projections de Pierre Bourdieu (1996), ni les études de Dominique Wolton ou les statistiques monographiques de Jean Cluzel (1986 ; 1988 ; 1996), entre autres, n’auront suffi à épuiser tous les sujets que l’on pouvait aborder. Au demeurant, rien n’aurait permis de supposer qu’un type médiatique nouveau, avec ses effets collatéraux, émergerait quelques années plus tard du paysage des médias à l’échelle planétaire.

8L’émergence des réseaux sociaux et leur ancrage dans les pratiques socio-culturelles contemporaines ont néanmoins et notamment contribué à la survenue d’une nouvelle lecture et expression dont les médias s’illustrent de plus en plus, et plus spécialement les médias en ligne.

9C’est donc pour rendre compte des prolongements et/ou des mutations en vigueur dans les usages et pratiques médiatiques socialisées de ces dernières années, utilisant la connexion Internet pour accélérer et approfondir les échanges avec le public que le colloque « Réseaux sociaux numériques et nouvelles dynamiques médiatiques » s’est tenu à l’IUT de Montreuil – Université Paris 8, le 16 juin 2017, sous la coordination de Vindicien V. Kajabika (CEISME, Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle), Catherine Ghosn (CORHIS, Université Paul Valéry Montpellier III) et Alain Kiyindou (MICA, Université Bordeaux-Montaigne).

10D’entrée de jeu, faisant suite au mot de bienvenu d’Alain Kiyindou, relayé par Catherine Ghosn dans une communication Skype, Vindicien V. Kajabika a proposé, après une longue présentation des assises, d’aller disséquer la fanfiction, un genre -apparemment nouveau-  mais qui prospère de l’opportunité et des facilités de partages de contenus entre fans autour des œuvres et productions préexistantes. Dans sa contribution intitulée « Les réseaux sociaux numériques et les médias en ligne : entre nouveauté et recyclage. Cas de la fanfiction », l’exercice a consisté essentiellement à démontrer que la fanfiction, qui apparaissait comme un genre médiatique nouveau, était, en réalité, une espèce de recyclage dans laquelle les auteurs nouveaux ne faisaient pas que recycler les œuvres préexistantes. Ils s’appuyaient sur le substrat critiqué pour prolonger, modifier, d’après leur imagination et volonté, sérialiser, comme pour le cas de certaines œuvres connues comme Star Wars, jusqu’à déboucher, par moments, sur de nouvelles intrigues, aussi proches qu’éloignées de l’intrigue initiale.

11Caractéristique des industries créatives (Miège, 2000 ; Moeglin, 2015 ; Bouquillion, 2008), la fanfiction produit du neuf avec du vieux et donne à penser que son avènement est l’occasion du renouvellement de l’industrie culturelle. En ce sens, la production écrite et audiovisuelle, selon le type de fanfiction, va (se) rafraîchir et (se) diversifier, s’enrichir et enrichir, à travers la panoplie de propositions faites par le public pour le public, au fil des critiques, au point d’occasionner une grande interactivité, et selon le support de diffusion, une grande audience.

12Après coup, le relais a été donné aux chercheurs de l’Université de Lubumbashi en République Démocratique du Congo, où Stéphane Kaludi Ndondji et Sacha Bahati N’Sanda, par le bais du Skype, ont communiqué sur le Tchat. « Comprendre l’héritage de Grice à travers les conversations sur les réseaux sociaux : « le tchat », un nouveau genre de corpus linguistique. » était l’intitulé de la contribution que ces chercheurs ont proposé pour traduire l’impact des réseaux sociaux numériques sur les nouvelles dynamiques des médias actuels. Dans cette communication, l’idée privilégiée par ces deux chercheurs reposait principalement sur le principe de coopération dans les échanges électroniques. Au travers de quatre maximes conversationnelles, ils ont réussi à montrer que le Tchat s’inscrivait bel et bien dans l’héritage de Grice et que la lecture à en faire donnait à percevoir les médias sous un jour nouveau.

13Quant à Abel Billong, de l’université de Lyon 3, « Les enjeux juridiques de l’utilisation de nouveaux médias à des fins commerciales en Afrique » a nourri l’objet de son intervention et a servi d’intitulé à sa communication. Au cours de son intervention, le régime de presse, les questions d’adaptation de droit, les résolutions des litiges du commerce électronique notamment ont fait l’objet d’une bien sérieuse scrutation. A la suite de sa présentation, il est parvenu à la monstration selon laquelle l’acte uniforme de l’OHADA (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires) n’est pas adapté au droit commercial du commerce électronique. Cette conclusion mûrement réfléchie, par celui qui est aujourd’hui fondateur de l’Observatoire de l’OHADA, aura permis, par la suite, de reconnaître les insuffisances juridiques et jurisprudentielles accompagnant le développement du commerce électronique dont, pourtant, les industries médiatiques tirent de plus en plus, non pas nécessairement l’essentiel, mais au moins une part non négligeable, de leurs ressources financières.

14Avec « L’actualité politique vue de la toile. Le cas des élections présidentielles : un affrontement par réseaux sociaux interposés durant la crise post-électorale au Gabon (Août 2016 – février 2017) », Nielle Rockaya Ditengou (LABSIC, l’Université Paris 13), a poursuivi l’intérêt de ce colloque focalisé sur les nouvelles dynamiques médiatiques à la suite du développement des réseaux sociaux numériques. Il y a développé l’évolution des médias au Gabon en rapport avec l’implication et l’accès populaire aux médias. La stratification sociale des usages et la numérisation des réseaux sociaux ont permis, selon elle, d’établir une relation de cause(s) à effet(s) entre les avancées démographiques politiques et le développement des réseaux sociaux numériques dans les pays à système politique fragile comme le Gabon.

15C’est cette idée qu’a manifestement rallié, d’une certaine manière, Slimane Mamane (MICA, Université Bordeau-Montaigne). Dans « Usage de l’Internet via les technologies mobiles dans les zones de conflit », l’intitulé de sa communication, il a essayé d’entretenir l’idée selon laquelle l’importance et le poids acquis par les télécoms dans le développement économique et social à l’échelle mondiale sont sans commune mesure avec le passé les ingrédients de l’ère de l’information et de la communication. Préoccupé par les attributs du Web Security, dans une zone géographique tourmentée par les relents terroristes comme au Niger, il en est arrivé à la conclusion selon laquelle en rendant médiatiquement proche ce qui est physiquement lointain, les télécommunications nomades définissent une nouvelle dimension dans laquelle les échanges se déclinent sous le mode de l’insanité. Le développement de la téléphonie mobile connaît une étape importante et des succès indéniables sont observables dans la région de Diffa, sa zone d’étude, dans l’est du Niger.

16Tiburce Privath Makanga (Journaliste, Université de Versailles) a, quant à lui, dans « Le rôle des médias sociaux dans la bonne gouvernance au Congo », essayé de montrer que les médias sociaux en République du Congo ont eu un impact sur l’éveil de la conscience et les comportements sociaux publics. En se servant de Michel de Certeau qui a fait un distinguo entre une stratégie et une tactique, il revient à démontrer que la cyberdémocratie ou la démocratie électronique est le lieu par excellence de la structuration et de l’organisation politique de la société.

17Enfin, Ayoub Chafik (Laboratoire de recherche, textes et cultures, Université d’Artois) a, dans « les mutations de la blogosphère en Egypte », retracé l’évolution de l’activisme politique au sein de la blogosphère égyptienne. La promotion étatique de l’outil Internet y est justifiée par l’ambition de perpétuer la centralité régionale du pays sur le plan cybernétique. En s’appuyant notamment et principalement sur l’état d’urgence et la crise politique égyptienne, Ayoub Chafik en est arrivé à la conclusion selon laquelle les leaders de l’activisme citoyen ne constituaient point un bloc monolithique. Une telle hétérogénéité impose de souligner l’existence d’une véritable force citoyenne libre et dotée d’une conscience politique ; force rendue possible grâce notamment et spécialement au développement des réseaux sociaux numériques et certaines pratiques médiatiques émergentes, comme les blogs…

18Riche en conséquence, ce colloque a été aussi riche en enseignement au point d’avoir permis de comprendre très rapidement le rapport très étroit que l’on pouvait établir entre une décision politique, un mouvement social et un tweet, per exemple, ou un message WhatsApp, pour ne citer que cela. Sans céder ni à l’angélisme, ni à la fatalité, le colloque « Les réseaux sociaux numériques et les nouvelles dynamiques médiatiques » peut avoir au moins le mérite de redéfinir de manière sereine et adéquate les médias et de permettre de comprendre aujourd’hui en quoi un message envoyé par Facebook Messenger ou une vidéo Snapchat, consulté en quinze secondes, entre autres, peuvent avoir plus d’impact et de visibilité, de nos jours, qu’une émission diffusée sur un média classique ; pour la simple raison que ce message envoyé instantanément est lu et délesté par des milliards d’âmes sans que l’émetteur ait eu à dépenser une fortune, ni que le récepteur ait eu à s’abonner onéreusement pour bénéficier de ces signaux qui périment aussi vite qu’ils sont générés par de nombreux anonymes désintéressés lucrativement.  

19Dit autrement, il nous aura fallu confronter les différentes contributions et explorer profondément l’activité des médias en ligne pour crédibiliser encore plus la définition médiatique selon laquelle selon toute vraisemblance, un média désigne tout moyen de diffusion direct comme le langage, l’écriture, l’affiche et/ou indirect ou par dispositif technique comme la radio, la télévision, Internet, presse (écrite) permettant la communication, soit de façon unilatérale (transmission d’un/des message(s), soit de façon multilatérale par un échange d’informations (Balle, Emery, 1996 ; Violet-Surcouf, 2014).

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Vindicien V. Kajabika et Alain Kiyindou, «Introduction. « Réseaux sociaux numériques et nouvelles dynamiques médiatiques : des propositions aux contributions inédites »», French Journal For Media Research [online], Médiatiques numériques, Browse this journal/Dans cette revue, last update the : 25/01/2018, URL : https://frenchjournalformediaresearch.com:443/lodel-1.0/main/index.php?id=1594.

Quelques mots à propos de :  Vindicien V. Kajabika

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Quelques mots à propos de :  Alain Kiyindou

Professeur des universités, Chaire Unesco Pratiques émergentes des technologies et communication pour le développement, Mica, Université Bordeaux-Montaigne

 

 

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