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Ibara Maurice (2015), Logométrie et dynamique de l'écopublicité au Congo, Paris : L'Harmattan, 168 p.
1Cheville ouvrière de l'ouvrage Logométrie et dynamique de l"écopublicité au Congo, "la logométrie", de logos (discours) et métrie (mesure), est considérée comme une méthode d'analyse et d'interprétation des discours utilisée dans les sciences humaines et sociales assistée par ordinateur. Née dans les années 1990 et se rattachant épistémologiquement à l'analyse discursive, à la linguistique des textes et à la sémantique de corpus, elle combine la lecture qualitative et quantitative des corpus numériques, à travers une combinaison et/ou une lecture globale (tout le discours) et une lecture locale, qui, elle, est focalisée sur les unités du discours pour en construire une interprétation adéquate (Ibara, 2015, p. 27).
2En se rapportant à Francine Mazère (2005, p. 110), la logométrie est avant tout "un retour" assisté par ordinateur, vers les unités du discours afin d'en consolider l'interprétation. Sans le contredire, Laurent Rouveyrol (2005), à son tour, la définit comme une méthode ouverte et "interprétative" dont l'objet essentiel est de rendre compte de la relativité des stratégies discursives mises en place par les locuteurs.
3Se présentant comme un prolongement naturel de la lexicométrie, qui est une mesure du lexique, et un prolongement ambitieux de la textométrie, considérée comme une mesure du texte, d'après Pierre Fiala (2006, p. 134), seul le discours dans ses dimensions linguistiques et sociales en est l'objet. Les corpus ainsi analysés recueillent des discours dûment identifiés et critiqués par une étude qui entend produire une analyse sociolinguistique fine. C'est pour cela, soutient Damon Mayaffre (2005, p. 1-11), qu'elle se distingue du traitement automatique naturel -T.A.L-, en sigle, de la famille de textes ou l'analyse de contenu pour son souci philologique et linguistique pointu des textes et des discours.
4Ayant tenté d'étudier l'efficacité de l'offre et de la demande publicitaire des produits de consommation de masse dans un contexte de développement durable caractérisé par de multiples normes, dans son ouvrage "Logométrie et dynamique de l'écopublicité au Congo" de 160 pages, dans lequel se pose le problème de l'adaptation du message publicitaire aux contingences culturelles, Maurice Ibara, spécialiste du graphisme publicitaire, de sciences de la gestion et marketing, n'hésite pas de s'adonner brillamment à l'étude exploratoire des logotypes utilisés par les entreprises congolaises au moyen d'une approche dite logométrique orientée vers les fréquences des couleurs et des formes, en montrant les caractéristiques structurelles des messages de l'écopublicité, entendue comme un type publicitaire respectant et s'inspirant des comportements écologiques.
5Ces caractéristiques se reposant sur une synesthésie/marketing associant la couleur à l'acte d'achat et/ou de vente, l'étude exploratoire de Maurice Ibara essaie de montrer l'enracinement culturel de la communication intelligente comme vecteur de l'efficacité de l'écopublicité de l'agent écologique intelligent. D'où d'ailleurs la structuration d'une forme de publicité écologique promouvant un nouveau type d'agent économique : l'agent écologique intelligent défini, ici, comme un agent économique rationnel qui, en contact avec de diverses normes sur le développement durable, produit et consomme notamment et prioritairement les produits biologiques en fonction de ses représentations symboliques issues de l'équilibre entre les croyances locales de l'harmonie entre l'homme et son environnement et des croyances universelles d'une économie de plus en plus mondialisée (Ibara, 2015, p. 137). L'enracinement du message publicitaire dans cette exigence ouvre, d'après M. Ibara (ibidem), une nouvelle approche de la publicité nommée "écopublicité responsable et intelligente".
6Dans un contexte dominé par des normes culturelles multiples, la maîtrise de l'efficacité de l'offre et de la demande publicitaire dépend du degré d'intelligence de l'agent économique : plus le degré d'intelligence agentielle est élevé, plus la communication est efficace. Dit autrement, plus le degré d'intelligence agentielle est faible, moins la communication est efficace (Ibara, 2015, p. 137).
7Il apparaît donc que si la responsabilité sociale de l'entreprise est l'application à son niveau des normes et politiques de développement durable, éléments nécessaires à la production et à la consommation des ressources rares par les générations actuelles sans compromettre les générations futures au Congo, la prise de conscience de cette responsabilité par les producteurs et consommateurs de produits de masse tend de plus en plus vers le développement de l'agent écologique intelligent.
8Cette prise de conscience se traduit par une veille de l'information économique que Maurice Ibara appelle l'intelligence économique. En tant que producteur de ressources, cet agent opère une synthèse entre les représentations culturelles locales et les représentations culturelles universelles liées à la responsabilité sociale pour adapter sa communication sociale, d'une part. Et en tant que consommateur, d'autre part, cet agent économique est à la recherche permanente de l'équilibre entre la communication et la protection de l'environnement, en s'informant et en choisissant de s'informer par les couleurs et le graphisme des messages publicitaires orientés essentiellement et notamment vers la préservation de l'environnement. Le profil des valeurs de l'écopublicité de l'agent écologique intelligent du Congo est dominé à 42,01% par le végétal, 47% par la terre et 42% par le cercle, la couleur dominante étant le rouge et le secteur dominant utilisant ce profil étant l'industrie.
9C'est d'une certaine manière à ce constat que débouche l'ouvrage de M. Ibara ; une conclusion intervenue non sans détours car l'auteur a eu à faire appel à plusieurs notions pour conforter sa démarche. C'est le cas de la tétranormalisation telle qu'évoquée par H. Savall et V. Zardet (2005, p. 23) et son rapport à la logométrie de l'écopublicité au Congo, la modification du modèle traditionnel de communication publicitaire par rapport aux effets de proximité et des aspects qualitatifs, stratégiques avec les concepts de mix proximité, d'après O. Torrès (1999) qui, après avoir défini la proximité comme un construit stratégique et organisationnel qui permet au dirigeant de la PME - Petite et Moyenne Entreprise -, particulièrement, de maintenir son emprise sur l'entreprise et son évolution, trouve qu’elle crée les conditions nécessaires à l'action dans une organisation centralisée, faiblement spécialisée, dotée des systèmes d'information interne et externe simples et privilégiant des stratégies intuitives ou peu formalisées (Torrès, 1997).
10Que ce soit le pavillon de normes (Saval, Zader, 2005, p. 31), les comptes-rendus de la Conférence de Stockholm en 1972, le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992, le Sommet de Johannesburg en 2002, la Conférence de Rio + 20 de Rio Janeiro en 2012, les domaines d'intervention environnementale et d'activités actuelles, la gestion des forêts du bassin du Congo ou encore et, entre autres, le cadre réglementaire et légal (les décrets-lois et dispositions légales) avec les lois-cadres, les objectifs et normes internationales, les cessions de terres, les politiques nationales congolaises pour la protection des terres et forêts, on a l'impression que Maurice Ibara n'a pas lésiné sur les moyens pour mobiliser les éléments d'analyse et de connaissance de son sujet de recherche ; sauf qu'à un moment cette convocation de savoirs semble, par moments, inappropriée et utilisée de manière quelque peu anarchique et/ou aléatoire.
11En outre, il apparaît que certaines références bibliographiques n'aient pas été citées de manière rigoureuse et utile. Sinon, comment expliquer que sur les 133 références bibliographiques convoquées, toutes se contentent de donner l'année de publication sans y joindre nécessairement le(s) numéro(s) de page(s), comme si cela suffisait à crédibiliser ses différentes citations et références de lecture. La plupart de temps, il est apparu lors de la lecture de l'ouvrage de Maurice Ibara que les éléments de connaissance encensés n'avaient pas toujours leur raison d'être. C'est le cas lorsque, sur les premières pages, une dizaine d'entre elles se basent sur l'histoire politique du Congo et son organisation socio-administrative apparemment sans grand intérêt et lien avec le thème exploité dans cet ouvrage consacré à la logométrie et l'écopublicité au Congo.
Vindicien V. Kajabika
chercheur au CEISME -CIM / Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle
vuninga@yahoo.fr
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