French Journal For Media Research

Carolina Duek
Serge Regourd, Laurence Leveneur et Susana Frutos (2015), Télévisions de France et d’Argentine. Enjeux, défis et perspectives

1Serge Regourd, Laurence Leveneur et Susana Frutos (2015), Télévisions de France et d’Argentine. Enjeux, défis et perspectives, Paris : L’Harmattan



2« La pluralité de la communication des idées permet aux sociétés la conformation des identités en fonction de ses propres intérêts » (p. 15). Claudio Schifer présente le livre avec cette réflexion centrale. Le droit à la communication, le pluralisme, l’égalité, les régulations, le pouvoir, les compétences, sont les thèmes centraux du livre Télévisions de France et d’Argentine. Enjeux, défis et perspectives. On y trouve les présentations des actes du colloque à l’Institut Universitaire de Rodez à Toulouse en 2013.

3Les chapitres du livre s’organisent autour des différents axes thématiques avec un cadre commun : un projet international de coopération entre la France (Université de Toulouse) et l’Argentine (Universidad Nacional de Rosario). Le premier chapitre analyse la législation audiovisuelle ; le deuxième, les tensions et articulations entre la dimension locale et nationale des productions audiovisuelles ; le troisième, le pluralisme et la politique de l’information et, finalement, le quatrième, les enjeux du pluralisme des contenus.

4Chaque chapitre se compose de différentes analyses sur un thème commun. Sur la législation, nous trouvons six articles dont l’affirmation en commun est la nécessité d’identifier les proches relations entre le pouvoir politique et les systèmes audiovisuels (Regourd, S.). Le cas français diffère du cas argentin : le système médiatique français est né dans un cadre public que l’argentine n’a pas connu jusqu’à 2009 avec la sanction de la loi 26.522 (Borgonovo et Seminara). La relation entre les entreprises privées et les systèmes médiatiques publics s’articule avec des conditions politiques, économiques, sociales et culturelles. Il est donc nécessaire de reconnaître que la France et l’Argentine ont des systèmes si différents qu'ils ne peuvent pas être comparés de façon directe : les conditions de naissance des systèmes des médias ne le permettent pas.

5En 1980 le monopole de l’État français a pris fin (Guignard, D.) et s’est transformé en un système dual (public et privé) : « Le droit de la communication ou des médias est également un droit publique » (p. 40). En 2009, avec la loi des services audiovisuels, l’Argentine a eu, pour la première fois dans son histoire, une législation qu’organisaient le système des médias publics, leurs obligations, défis, droits et conditions de productions de contenu audiovisuel. Frutos soutient qu’il y a une coexistence entre les débats sur la loi et l’application effective de ses caractéristiques. La transformation a été tellement débattue que son application n’a pas été simple : différents groupes affectés continuent à se disputer au sujet de ses conséquences (on trouve un exemple dans l’article de Muller, G.).

6Le deuxième chapitre aborde les articulations entre le local et le national et les problèmes des chaînes, des programmes et des régions en concernant la production des contenues médiatiques. La régionalisation est-elle la solution aux problèmes de centralisation des émissions et des contenues ? La centralisation peut-elle résoudre et inclure les différences réalités des régions argentines et françaises ? (Lafon, B.) Le chapitre ne fournit pas de réponse définitive mais on y trouve certaines clés et exemples pour réfléchir aux tensions présentées.

7Le troisième chapitre présente trois articles sur le pluralisme et la politique de l’information. Dalonso soutient que les lois existantes sur les médias en France et en Argentine se trouvent dans des cadres différents. En France, on accepte les normes à cause d’une tradition institutionnelle forte ; en Argentine, on n’est pas habitué à la nouvelle conformation du système médiatique. Tous les articles s'accordent sur l’importance du pluralisme en tant que droit social à conquérir (Laval, S.).

8Finalement, dans le quatrième chapitre, quatre articles travaillent sur les enjeux et défis du pluralisme des contenus. Leroy réfléchit à l’identité culturelle de la télévision publique : « Il convient alors de s’interroger sur la pertinence du volet ‘divertissement’ du secteur audiovisuel public » (p. 90). Elle soutient que la télévision publique doit proposer une offre nouvelle suite à la multiplication des chaînes. Son affirmation, bien qu’elle soit polémique, présente une réflexion approfondie sur le rôle des médias publics qui peut être appliquée aux deux pays qui constituent l’objet du livre. Les « missions éducatives » (Marty, F.), la «Chaîne école » et le « marathon audiovisuel » (Martínez de Aguirre, E.) sont quelques expériences « positives » qui se présentent dans le chapitre de façon illustrative.

9La lecture complète du livre donne aux lecteurs une idée de travail en progrès : il n’y a pas des conclusions conjointes, les cadres théoriques et bibliographiques ne sont pas partagés et la présence des deux pays dans les articles est inégale (dans certaines chapitres il y a plus de réflexions sur l’Argentine que sur la France et vice versa). Le niveau d’analyse de chaque article est divers (comme dans tous les ouvrages compilés) mais concernant la thématique, tous sont pertinents et appropriés. La préoccupation sur les questions législatives et la diplomatie (Hamdouni, S.) est, probablement, la dimension la plus inégale dans la comparaison entre les deux pays : la France apparait avec différents cadres législatifs vis-à-vis de l’Argentine qui est abordée seulement selon la loi 26.522 et ses débats et problèmes d’application. Il n’y a pas d’autres cadres ou contextes qui soient expliqués dans les articles compilés.

10De plus, le livre présente une caractéristique particulière : il est écrit en français et en espagnol. Les deux langues son intercalées dans les chapitres de la même façon que les analyses sur les cadres spécifiques de chacun des pays abordés. La France et son système audiovisuel et ses cadres législatifs sont présentés en français pendant que les particularités du système audiovisuel argentin sont présentées en espagnol. La décision d’intercaler les langages bien qu’elle soit intéressante, peut avoir comme effet inattendu l’impossibilité pour des lecteurs qui ne sont pas bilingues, de lire le livre complet. Les lecteurs « croisés » sont, probablement, ceux qui s'intéressent le plus aux particularités des régions et pays inconnus. Il serait ainsi important d’avoir la possibilité d’accéder aux traductions des articles en français et en espagnol pour profiter d’une lecture complète sur les analyses menées par des chercheurs.

11Si on s'intéresse à une comparaison entre deux pays avec des traditions législatives, médiatiques, politiques et socioéconomiques différentes, ce livre ne remplira pas les expectatives. Mais, si l’intérêt s’organise autour des réflexions diverses sur les thématiques des politiques médiatiques en France et en Argentine, dans Télévisions de France et d’Argentine. Enjeux, défis et perspectives, on trouvera des approches variées avec des exemples et des expériences. Dans l’ensemble, ces perspectives peuvent contribuer à la réflexion générale sur des aspects centraux des systèmes médiatiques des deux pays.

12Carolina Duek, chercheuse au CONICET,
Prof. Université de Buenos Aires, Argentine

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