Printemps arabe et presse écrite française : quelles représentations ? Cas du Figaro et du Monde
Résumé
La présente contribution vise, à travers une analyse de contenu des articles du Monde et du Figaro, à déceler la nature du discours journalistique adopté lors du « printemps arabe. »
Abstract
The following contribution carry out the analysis of content of the articles of Le Monde and Le Figaro for better understanding of the nature of the journalistic speech adopted by these media during the “Arab spring.”
Table of content
Full text
Introduction
1La vague de soulèvements ayant secoué le monde arabe en 2011 a suscité non seulement l’intérêt des médias mais aussi celui de l’opinion publique internationale. Le suicide du jeune tunisien Bouazizi en signe de protestation contre la confiscation de son « gagne pain » a provoqué une série de contestations sans précédent en Tunisie gagnant par la suite l’Egypte, la Lybie, le Maroc, le Yémen et la Syrie et bien d’autres pays arabes et occidentaux. En effet, « le Réveil arabe »si nous empruntons l’expression de S.Proulxa soufflé un vent de liberté ayant suscité une onde de choc sur le continent européen. Ainsi, la détermination des occupants de la place Tahrir, au Caire, lieu public fortement symbolique, fut une source d’inspiration pour les militants européens. Le mouvement social des Indignés madrilènes (indignados) a émergé à partir du 15 mai 2011 et s’est répercuté d’un pays à l’autre, en particulier parmi les populations des pays qui ressentaient le plus directement les effets de la crise des dettes publiques et les contraintes des régimes imposés d’austérité : Espagne, Grèce, Portugal, Italie. (Proulx 2012).
2Ces bouleversements sociopolitiques ont tous, à vue cavalière, un dénominateur commun : la technologie numérique. En effet, les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) et plus particulièrement les réseaux sociaux ont, selon de nombreux auteurs (F.B, Huyghe, 2011 ; M.el Oifi, 2011) et médias occidentaux(Emission C Dans L’air du 19/06/2013), joué un rôle incontournable dans le déclenchement des révolutions tunisienne et égyptienne. Cela montre non seulement l’importance de l’utilisation de ces outils dans cette partie du monde où la fracture numérique est flagrante mais aussi le changement des systèmes politiques en place par le biais de ces nouveaux moyens de communication différents comparés à ceux des générations précédentes : la presse, la télévision et la radio. La thèse d’une révolution 2.0 est également corroborée par les dires de O.Laraki directeur de la géolocalisation et de la recherche de Twitter qui soutient que durant les soulèvements en Tunisie et en Egypte, Twitter a enregistré une hausse importante du trafic depuis les pays de l’Afrique du Nord
3C’est dans ce contexte de bouleversements sociaux, politiques que nous analyserons les représentations et l’image du printemps arabe dans les médias notamment dans la presse écrite française où le printemps arabe, les NTIC sont fortement associés aux soulèvements ; en témoignent les différents articles publiés dans les colonnes des quotidiens Le Figaro et Le Monde1. La présente contribution s’inscrit en toute logique dans une optique de continuité avec nos travaux de recherche précédents2.
4Par conséquent, nous envisageons les NTIC comme vecteur de mobilisation et de changement secondaire. Nous appuyons notre hypothèse de travail sur les résultats de notre enquête menée en 2011 où l’ensemble des éléments/contextes analysés laissent transparaître une image d’un printemps arabe marquée par le seul sceau numérique plus que douteuse.
5Nous ambitionnons de mettre en lumière les caractéristiques du discours concernant « Le printemps arabe » à travers deux quotidiens français, le Figaro et le Monde. Notre choix est motivé par le fait que les deux quotidiens sont des journaux d’information générale et politique. En outre, ils représentent des critères similaires tant au niveau du tirage qu’au niveau des ventes3 ; il est à souligner également que ces journaux ont traité la question du « printemps arabe » d’une manière détaillée durant l’année 2010/2011 avec plus de 140 articles.
Méthodologie
6Afin de cerner la question relative aux représentations et aux images du printemps arabe dans les deux quotidiens Le Figaro et Le Monde, nous avons opté pour une analyse de contenu des articles traitant de cette thématique. Notre démarche s’inspire de la méthode d’analyse de contenu de L.Bardin qui évoque le fait qu’un texte peut être analysé et découpé selon des thèmes-pivots, des sous thèmes, des genres, des personnages et des positions qui le constituent.
7Par ailleurs, la méthode adoptée s’articule autour de trois étapes principales :
8Dans un premier temps, nous avons procédé à une sélection des articles les plus pertinents ayant traité de près ou de loin les représentations et les images d’une révolution initiée par les NTIC durant l’année 2010/2011. Ainsi, les publications se répartissent comme suit :
-
Le mouvement de colère arabe 2010/2011 : Le Figaro propose quatre-vingt-cinq articles contre soixante et un articles pour Le Monde.
-
Le rôle du web 2.0 dans les soulèvements arabes : Le Figaro propose vingt-deux articles tandis que Le Monde en propose dix.
TABLEAU 1. -REPARTITION DES ARTICLES DU CORPUS DU FIGARO SELON LE NOMBRE ET LA TAILLE
1Evénements |
|
|||||||||||||||
Long (supérieur à 75 lignes |
Moyen (entre 40 et 75 lignes) |
Court (inférieure à 40 lignes) |
||||||||||||||
Révolution du Jasmin |
02 |
05 |
12 |
19 |
||||||||||||
Manifestations algériennes |
00 |
02 |
08 |
10 |
||||||||||||
M |
||||||||||||||||
Révolution libyenne |
00 |
00 |
04 |
04 |
||||||||||||
Manifestations marocaines |
00 |
00 |
09 |
09 |
||||||||||||
Révolution yéménite |
00 |
00 |
03 |
03 |
||||||||||||
Révolution égyptienne |
01 |
04 |
03 |
08 |
||||||||||||
M |
||||||||||||||||
Révolution syrienne |
01 |
07 |
10 |
18 |
||||||||||||
Printemps arabe en général |
04 |
08 |
02 |
14 |
||||||||||||
Total |
08 |
26 |
51 |
85 |
TABLEAU2. - REPARTITION DES ARTICLES DU CORPUS DU MONDE SELON LE NOMBRE ET LA TAILLE
1Evénements |
|
||||||||||||||||
Long (supérieur à 75 lignes |
Moyen (entre 40 et 75 lignes) |
Court (inférieure à 40 lignes) |
|||||||||||||||
Révolution du Jasmin |
01 |
03 |
00 |
04 |
|||||||||||||
Manifestations algériennes |
01 |
01 |
00 |
02 |
|||||||||||||
M |
|||||||||||||||||
Révolution libyenne |
02 |
04 |
07 |
13 |
|||||||||||||
Manifestations marocaines |
02 |
00 |
07 |
09 |
|||||||||||||
Révolution yéménite |
01 |
00 |
07 |
08 |
|||||||||||||
Révolution égyptienne |
00 |
00 |
02 |
02 |
|||||||||||||
M |
|||||||||||||||||
Révolution syrienne |
03 |
03 |
02 |
08 |
|||||||||||||
Printemps arabe en général |
02 |
05 |
08 |
15 |
|||||||||||||
Total |
12 |
16 |
33 |
61 |
9Dans un deuxième temps, une lecture attentive des articles permet d’abord de souligner les thèmes généraux des sujets traités puis de regrouper sous ces ’thèmes’ les mots-clés qui leur correspondent. A titre d’exemple, dans notre analyse de la thématique NTIC, nous avons relevé plusieurs mots se référant au même thème tels que : Internet, Facebook, Twitter, Réseaux sociaux. Le regroupement de ces mots tient compte de leur fréquence dans les articles analysés.
10Notre méthode consiste à dresser une fiche (voir tableau ci-dessous) pour chaque article. Une fois l’analyse du corpus terminée, nous procédons au regroupement des différentes composantes de nos articles Nous avons appliqué le même principe de regroupement sur les caractéristiques du genre, des personnages et des positions.
TABLEAU3. – FICHE D’ANALYSE D’UN ARTICLE
Nom du journal |
Thème |
Notions et nombre d’occurrence |
Genre (vocabulaire , style, registre, etc.) |
Personnage |
||||||||||
Titre de l’article Date : Page : Auteur : Taille : Résumé : |
|
11Enfin, nous avons effectué une étude comparative entre le Figaro et le Monde en soulignant les éléments dominants les champs thématiques, le genre, les personnages et les positions. En effet, la comparaison, pour chacun des événements analysés, est structurée en deux grandes étapes :
-
La première étape consiste à comparer la nature de traitement des thèmes, des personnages. La différence de la taille mais aussi les centres d’intérêt des deux corpus nous ont poussés à privilégier une comparaison quantitative à l’aide de nombre des occurrences
-
La deuxième étape donne particulièrement de l’importance à la comparaison/confrontation entre les définitions des notions dominantes dans chaque corpus
Le printemps arabe, NTIC, Internet, réseaux sociaux et blogosphère
12Fort présentes dans notre corpus, les NTIC et internet représentent un thème central autour duquel gravitent les autres éléments. Notons d’abord que l’intérêt accordé par chaque journal, d’un point de vue quantitatif, à cette thématique du printemps arabe et des NTIC n’est pas le même. Le Figaro a traité le rôle du numérique d’une manière plus détaillée avec 85 articles par rapport au journal Le Monde dont le traitement a concerné 61 articles.
13Les deux quotidiens représentent les nouvelles technologies de l’information et de la communication, notamment internet et les réseaux sociaux, tel un espace d’échange et d’interaction fortement utilisé par les manifestants durant les événements du printemps arabe.
14Ainsi, Le Monde affirme que c’est grâce à internet, dont les occurrences frôlent les trois cents, que la société civile s’impose partout comme le nouvel acteur imprévisible de la vie politique. Internet a favorisé une mobilisation efficace et rapide du peuple. L’information se propage rapidement contrairement aux révolutions « traditionnelles » où les pionniers des soulèvements doivent se mettre à la recherche des personnes porteuses des mêmes valeurs et des mêmes idées. Le Figaro va dans le même sens en affirmant qu’internet est un vecteur de la révolution et un outil favorisant la propagation rapide des idées révolutionnaires ainsi que les appels à manifester.
15L’image véhiculée par les deux quotidiens concernant le net le désigne comme étant un outil d’interaction et de communication efficace où toutes les personnes s’y expriment librement sans se soucier de la censure. Internet comme outil d’information et de communication a été cité 114 fois dans le corpus analysé. Une situation qui ne devait pas durer ni dans le temps ni dans l’espace affirme Le Monde car les autorités se sont rendu compte que l’organisation des manifestations se faisait sur internet. C’est à partir de ce moment-là qu’elles ont commencé à bloquer l’accès à la toile. Ceci montre qu’internet est l’un des vecteurs ayant contribué dans la mobilisation des peuples contre les régimes politiques en place.
16Facebook et Twitter, quant à eux, sont perçus tels les « leaders » du printemps arabe et des réseaux sociaux, dans la mesure où ils ont été très utilisés durant cette période de perturbation. A partir de notre analyse des articles du Figaro, nous avons pu relever cent neuf références à Facebook et trois cent cinquante-quatre occurrences référant aux réseaux sociaux en général. Le Figaro met en perspective le rôle joué par le web 2.0 dans le mouvement de grogne populaire en représentant la rue comme un espace public de manifestation tandis que la toile est un espace propice de contestation dans le sens où les réseaux sociaux sont des vecteurs ayant permis la mobilisation rapide des peuples. En effet, durant le printemps arabe, les internautes ont mené une lutte sans précédent contre les régimes politiques autocratiques. Les réseaux sociaux avaient favorisé une diffusion rapide de l’information : slogans, rendez-vous, organisation des manifestations. Nous pourrons également donner l’exemple d’une phrase qui a fait le tour des foyers en quelques minutes : « Monsieur le président, ton peuple est en train de s’immoler4 ». Désormais, tout se prépare sur le net avant que les manifestations ne se déclenchent dans les rues.
17Dans la même perspective, Le Monde a qualifié les réseaux sociaux notamment Twitter et Facebook de « caisse de résonance. » C’est une caisse d’où émanent les voix des internautes. Les réseaux sociaux sont devenus de plus en plus intéressants à partir de la révolution tunisienne. En effet, la révolution est venue de là où les autorités ne s’y attendaient pas. Les régimes politiques en place censuraient la presse et les médias mais ils n’ont jamais imaginé que les révolutions allaient voir le jour grâce au net et aux réseaux sociaux. Le Monde souligne le fait qu’au-delà de la transmission d’informations factuelles, Facebook a conféré la parole aux acteurs directs des soulèvements.
18Par ailleurs, il n’y a pas une manifestation, pas un rassemblement qui n’ait été rendu publique sur Facebook (40 fois) ou sur Twitter (22 fois), et ce grâce aux téléphones portables qui ont permis l’enregistrement et la diffusion de ce qui se passait sur les scènes des révolutions. Le monde entier a eu la possibilité de suivre de près le monde arabe grâce aux réseaux sociaux.
19Cela montre bel et bien que ces derniers ont joué un rôle de relais et de vecteur selon le quotidien français Le Monde.
20En effet, la contestation se fait sur le Net et la révolution dans la rue. Les manifestations qui se font d’une manière traditionnelle avec des revendications des droits dans la rue, sont souvent sujettes à de violentes répressions.
La blogosphère : espace d’un journalisme citoyen
21Ce sous-thème est abordé dans une optique de continuité, par les deux quotidiens, avec les sous-thèmes ci-dessus. Conscientes de la grande influence des blogs sur la population, les autorités ont mis en œuvre des mesures draconiennes en procédant au filtrage sélectif d’internet. Cependant et en dépit de ces mesures prises par les régimes politiques en place, les internautes recouraient aux proxys et demandaient régulièrement l’expertise d’autres pays arabes afin d’éviter tout filtrage ou censure.
22La toile est désormais devenue un espace de liberté sans précédent et surtout une échappatoire à toute forme de censure. Cet espace de communication, d’interaction et surtout de coordination des actions communes a donné naissance à une nouvelle forme de journalisme dit journalisme citoyen qui se traduit par l’utilisation de la blogosphère, et ce en y diffusant des articles et des images commentées. Le Figaro souligne le rôle majeur de la blogosphère durant les soulèvements arabes. Avec vingt-trois occurrences, les blogs sont présentés tels des espaces de communication et d’échange, donnant par ce fait naissance à une nouvelle forme de journalisme citoyen. Les blogueurs durant les soulèvements arabes ont fait de ces espaces d’expression de vraies « caisses de résonnances » pour reprendre les termes d’un article du Monde. Selon le quotidien français, là où les médias et la presse traditionnels ont échoué, la blogosphère a réussi. Encore faut-il ajouter que les autorités ont essayé par tous les moyens de déclencher la guerre contre les blogueurs afin de freiner la propagation rapide des appels à manifester mais en vain. En outre, Le Monde souligne que les blogs ont représenté durant le printemps arabe une plate-forme favorable d’échange et de publication des points de vue variés sur les protestations qu’a connues le monde arabe.
Images des Figures d’E activisme dans la presse
23Dans le même ordre d’idées, nous sommes en mesure de noter la différence au niveau de l’évocation des personnages symbolisant la révolution numérique. Chaque journal a opté pour des symboles différents de la contestation via la toile. Si le choix de ces emblèmes est différent, il n’en demeure pas moins que l’idée véhiculée est la même : Les révolutionnaires de la toile ont contribué à la propagation rapide de l’information et se sont intéressés également aux détails logistiques mais ils n’étaient pas la source principale du déclenchement des révolutions ; ils en étaient le vecteurs.
24Les quotidiens Le Monde et Le Figaro ont accordé une place importante aux figures « numériques » du printemps arabe. En effet, l’analyse de contenu de notre corpus montre que les deux quotidiens se sont attardés sur les personnages virtuels emblématiques. Ainsi, Le Figaro fait allusion aux « hacktivistes5 », en les érigeant en véritables e-symboles qui se sont illustrés par leurs attaques contre les sites gouvernementaux tunisien avec comme « figure de proue » de la « révolution du jasmin » le blogueur Slim Amamou6 qui n’a eu cesse de créer des problèmes aux autorités tunisiennes et ce en pénétrant illicitement dans les sites gouvernementaux. Il a été brièvement incarcéré dans les jours qui ont précédé la chute de Ben Ali pour avoir tenté de déjouer la censure. Dans le premier gouvernement de transition, il est nommé secrétaire d’état, il a depuis renoncé à ses fonctions. Autre « e-figure » est le mouvement des « anonymous » qui s’est engagé aux côtés des manifestants en Egypte dans leur lutte contre Moubarak.
25Par ailleurs, Le Monde a choisi d’évoquer les cas du blogueur Yassine Ayari qui avait mené une lutte acharnée contre le pouvoir tunisien. Il avait une seule conviction « changer les choses » et de Waël Ghonim qui a demandé à l’armée égyptienne un calendrier clair pour son départ du pouvoir. Ce symbole de la révolution Internet avait administré une page Facebook qui avait largement contribué à déclencher le soulèvement anti-Moubarak. Le Monde s’est attardé sur le cas de Razan Ghazzawi qui est considérée comme une e-révolutionnaire et jugée pour avoir affaibli le sentiment national en Syrie et pour avoir créé une organisation visant à changer le statut social et économique de l’Etat.
26En résumé, le discours des deux quotidiens sur le rôle joué par les NTIC, internet, réseaux sociaux et blogosphère durant le printemps arabe est marqué par une ambivalence voire par une contradiction dans le sens où ce discours a évolué en fonction des différentes révolutions à travers le monde arabe.
27Les deux quotidiens soulignent la place occupée par les réseaux sociaux durant les révolutions arabes. Toutefois, il mentionne à maintes reprises que la révolution a été surtout déclenchée par les jeunes révoltés qui ont fait face aux régimes autocratiques en place. Les réseaux sociaux ont contribué à initier une sorte de révolution virtuelle sur le net. Ces révolutions se sont traduites sur le plan de la réalité par des mouvements de grogne populaire et des affrontements secouant les rues et les villes de différents pays arabe et maghrébin.
28Ainsi, Le Figaro et le Monde à travers tous les articles analysés soulignent le rôle incontournable joué par les NTIC dans les soulèvements arabes. Cependant, il est à noter que le discours adopté par les quotidiens est ambivalent. Par exemple, Le Figaro affirme, d’une part, queles réseaux sociaux facilitent la propagation de l’information d’une manière rapide, favorisant de la sorte un grand nombre de manifestants et que si mobilisation il y a, ce ne sont certainement pas les réseaux sociaux qui en sont la cause principale mais ils en sont les vecteurs. Dans le même ordre d’idées, de nombreux articles abordant cette problématique, affirment, d’autre part, que durant le printemps arabe, il y a eu beaucoup de messages diffusés sur les réseaux sociaux tels que Facebook et Twitter. Ces messages esquivent la censure des autorités, ces appels à manifester ont bel et bien démontré le nouveau rôle joué par Internet dans la mobilisation des foules.
29Autre caractéristique du discours des deux journaux et qui confirme cette ambivalence de discours, c’est le recours à des citations de personnages qui remettent en cause et minimisent le rôle des NTIC en général. A titre d’illustration, Le Figaro, dans l’un de ses articles7, n’a pas hésité à citer le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, interrogé à Paris lors de l’e-G8 quant au rôle de Facebook dans le mouvement révolutionnaire secouant le monde arabe. Le fondateur en minimisa la portée : « Nous serions bien présomptueux de penser que nous jouons un rôle déterminant dans ce qu’on appelle le printemps arabe. Ce ne sont pas les réseaux sociaux mais les peuples qui portent la révolte »
30Autre exemple est celui du directeur des nouveaux médias d’Al-Jazzera M.Nanabhay qui confirme qu’ [Internet] est un accélérateur indéniable, mais les révolutions reposent essentiellement sur le courage de ceux qui se sont soulevés contre l’oppression8 . »
Conclusion
31La position des journaux Le Monde et le Figaro à l’égard du rôle des NTIC dans le déclenchement des révolutions arabe et maghrébine est tout à fait identique : il n’y aurait peut-être pas eu de révolution arabe sans le numérique dans le sens où le web a joué un rôle de relais durant les mouvements révolutionnaires. Toutefois, les deux quotidiens nuancent leurs propos en recourant à différentes citations des personnages qui mettent l’accent sur le fait que les dénominations « Révolution 2.0 », « Révolution Facebook », « Révolution Twitter »… sont dénuées de sens, dans la proportion où la révolution repose spécialement sur les épaules des révolutionnaires présents sur le terrain. Cette ambivalence dans le discours pourrait être expliquée par le fait que les deux journaux n’ont fait que suivre les événements sur le terrain en adoptant leur contenu à chaque contexte.
32L’ensemble des résultats obtenus suite à l’analyse de contenu des articles du Figaro et du Monde conforte l’hypothèse selon laquelle les NTIC ont joué un rôle infime dans les révolutions et mouvement de grogne dans le monde arabe. Nous avons pu dresser le même constat suite à une recherche sur le terrain où nous avons souligné que les taux de pénétration importants de la télévision dans les foyers notamment marocains et surtout la présence des antennes paraboliques pour capter les chaînes du moyen orient particulièrement Al jazzera qui, en jouant sur le registre linguistique et religieux, a participé depuis les années 90 à une métamorphose en profondeur du paysage de l’information et à une refonte de l’opinion publique arabe. Le point commun entre la Tunisie, l’Egypte et le Maroc, c’est le fort taux de pénétration des antennes paraboliques 93 % et un faible taux de pénétration du haut débit.
33De ce fait, l’hypothèse selon laquelle les réseaux sociaux sont la cause principale des mouvements de grogne populaire se trouve fragilisée. Le rôle des médias classiques est d’ailleurs reconnu aussi bien par les meneurs de la révolution de Tunisie que par les intellectuels affirmant qu’Al jazzera s’est imposée comme le média libre du pays au détriment des chaînes nationales et des autres télévisions étrangères et c’est cette combinaison entre les nouveaux médias, la TV satellite qui a favorisé les soulèvements populaires.
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Notes
1 Cécilia, Gazon, Quand le net s’enflamme pour une cause, Le Figaro, publié le 05/12/2011. Hélène, Bekmezian, Facebook, une caisse de résonance, Le Monde, publié le 08.04.2011.
2 Voir la bibliographie. Fathallah Daghmi, Farid Toumi Abderrahmane Amsidder, (2013), Abderrahmane Amsidder , Fathallah Daghmi, Farid Toumi, 2011, Abderrahmane Amsidder , Fathallah Daghmi, Farid Toumi, 2012, Toumi F., Daghmi F., Pulvar O , 2011, Toumi F., Daghmi F, 2009.
3 Le Figaro 308455 vendus, Le Monde 283577 vendus,La répartition des ventes de presse quotidienne nationale française (PQN) au cours de l’année 2010/2011 (source OJD).
4 Isabelle, Mandraud , En Tunisie, la révolution est en ligne , Le Monde , 18/01/2011.
5 Benjamin, Ferran, Ces « hacktivistes » qui rêvent d’imposer la démocratie, Le Figaro, publié le 26/01/2011 à 21 :31
6 Arielle, Thedrel, Slim Amamou l’e révolutionnaire, Le Figaro, publié le 05/06/2011 à 21 :45.
7 Felix, Marquardt, Le printemps arabe et les réseaux sociaux, Le Figaro, Publié le 05/10/2011 à 17 :54.
8 Mohammed Nanabhay, Directeur des nouveaux médias d’Al Jazzera.
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