French Journal For Media Research

Abdelkader Ben Jdira et Fadhloun Itidel

La médiatisation de la crise socio-politique : quelles répercussions sur les représentations et projections dans l’avenir d’adolescents scolarisés ?

Full text

Introduction

1Depuis la pandémie de Covid 19, la Tunisie est plongée dans une crise multidimensionnelle. Les médias de masse, tant nationaux qu’internationaux, ont contribué, dans une large mesure, à en amplifier les divers impacts. A titre d’exemple, les mesures d’exception prises par le président Saied, le 25 juillet 2021, ont été qualifiées de « coup de force », « coup d’État constitutionnel / contre la Constitution»(voir plus loin : Surmédiatisation-amplification de la crise multidimensionnelle en Tunisie ) . S’en est suivie une instabilité politico-économique . Sur le plan social, cela s’est traduit par des mouvements de revendication touchant quasiment tous les secteurs. Au niveau éducatif, le taux d’échec s’accroit sans cesse, prenant des dimensions alarmantes. L’abandon scolaire est en hausse. Selon les données officielles, chaque jour 100 apprenants quittent définitivement l’école. Depuis un certain temps, l’école tunisienne ne prépare plus au marché du travail. La majorité des filières du supérieur manquent d’employabilité ce qui explique, en grande partie, l’accroissement du taux de chômage des diplômés1. Cette situation n’est pas sans accroître le malaise des jeunes scolarisés.

2Les médias de masse, qui n’ont de cesse de s’ériger en instance de « socialisation secondaire », se substituant aux autres instances classiques, comme l’école et le « groupe des pairs », véhiculent, à longueur de journée, des « idéaux-types » ne concordant pas avec la réalité des adolescents. Ils jouent un rôle, de plus en plus déterminant, dans le façonnement de leurs représentations.

3En fonction de la représentation de soi, de l’estime de soi, l’individu se projette dans l’avenir, se trace une trajectoire, opère des choix, souvent en rapport avec sa vision du monde, pouvant être en congruence / incongruence, avec l’image qu’il a de soi-même.

4Projet d’orientation scolaire, projet professionnel et projet de vie obéissent bien souvent à une « injonction paradoxale », l’adolescent se trouvant pris entre l’environnement, qui le pousse à « se doter d’un projet » et les contraintes personnelles ou sociales qui l’empêchent de réaliser son /ses projet(s) (Boutinet, 1990), surtout en ce qui concerne le projet professionnel. Celui-ci est pensé en termes de continuité, ce qui implique la présence/absence d’aspirations et motivations facilitant (ou freinant) la réussite dans les études. Il est en outre fonction de l’'estime de soi.

5Dans une situation de crise socioéconomique et politique d’extrême vulnérabilité - de plus en plus amplifiée par les échos qu’en font les médias de masse, classiques et sociaux- et sous l’effet des images dévalorisantes , voire dénigrantes , véhiculées du corps enseignant, quelles représentations ont les adolescents du système éducatif ?En fonction des opportunités qui leur sont offertes par le marché du travail, d’une part, de leurs représentations de la réussite dans la vie, d’autre part, auraient-ils une bonne estime de soi? Confrontés à un champ des possibles très restreint, auraient-ils une vision claire de leur avenir en Tunisie ?

6Notre recherche est de type exploratoire, à dominante qualitative, suivant une perspective descriptive beaucoup plus qu’explicative. Notre objectif est d’appréhender la représentation de soi, l’estime de soi et les projections dans l’avenir, d’adolescents, relativement « téléphages » et, surtout, « consommateurs lourds d’Internet ».

7Notre principal outil d’investigation c’est le questionnaire2 administré, entre le 20 février et le 9 mars 2023, à un échantillon aléatoire de 150 lycéens de la région du Sahel (Tunisie), âgés entre 15 et 17 ans. Les sujets retenus ont été sélectionnés en fonction, entre autres, de leur « consommation médiatique »3.

8En dépit de la grande popularité d’internet (usagers : 90,3% ; plus de trois heures par jour : 66,7 ; Facebook : 97,6)4 bon nombre d’enquêtés se sont révélés « téléphages »5 . La plus grande proportion d’entre eux (48%) consomme entre deux et trois heures de télévision, par jour ; la majorité (57%) privilégie le visionnage de la télévision6 et regarde le petit écran « quotidiennement » (56%) ou « souvent » (52%).

9Pour ce qui est de Facebook, parmi les 44,3% de sujets consommant entre deux et cinq heures par jour, 16 % peuvent être considérés « consommateurs lourds » (plus de cinq heures).

10Pour une population totale de 12 millions d’habitants, on dénombre 980463 collégiens et lycéens (l’année scolaire 2020-2021), dont 537293 filles, soit 54,8% et 443170 garçons, soit 45,2%7, ce qui correspond à la population-mère dont fait partie l’échantillon de notre enquête par questionnaire (57,4% de filles contre 42,6% de garçons). Un résultat quasi mimétique qui témoigne parfaitement d’une culture privilégiant l’instruction des filles et, dans la plupart des cas, le désir d’affranchissement et d’accès à des métiers dits prestigieux.

11Se basant sur l’interdisciplinarité, plus précisément la psychologie sociale et la sociologie politique, le présent travail comporte deux grandes parties.

12Dans la première partie, nous rendons compte, en premier lieu, de la médiatisation/ surmédiatisation du contexte socio-politique de l’après « 25 juillet ». En second lieu, nous procédons à un « état des lieux » de la réalité du « monde du travail », dans la Tunisie d’aujourd’hui et évoquons la migration, comme alternative à la « crise de l’emploi ». Dans la seconde partie, nous présentons les éléments théoriques et les données empiriques en rapport avec l’estime de soi des adolescents, leurs représentations sociales du système éducatif et de la réussite dans la vie, d’un côté, leur degré de confiance dans les institutions et envers les politiques ainsi que leurs projections dans l’avenir, de l’autre.

Médiatisation-amplification de la crise multidimensionnelle en Tunisie 

13Le contexte politico-social de l’après « 25 juillet 2021 » a suscité l’intérêt particulier de la presse écrite et audiovisuelle françaises, essentiellement, faisant de la conjoncture nationale une « affaire européenne ». Dans ce qui suit, nous procédons, dans un premier temps, à « une revue de presse », portant essentiellement sur des articles numériques du journal Le Monde. En second lieu, nous rendons compte, succinctement, d’une certaine image de la conjoncture nationale, véhiculée par trois chaînes de télévision françaises : M6, France24 et TV5 Monde. Nous terminons par le rôle supposé joué par certains écrivains tunisiens, d’un côté, et par certaines pages Facebook, de l’autre, en termes de « manipulation des masses ».

14Le choix de Le Monde provient du fait que c’est un journal d’opinion qui, avec l’émergence d’Internet, est devenu un média généraliste, se déployant sur de multiples supports (papier, ordinateur, tablette, smartphone…) et dont l’audience a considérablement grandi pour atteindre 22 millions de lecteurs par mois, selon l’ACPM8.

15Avant même le « 25 juillet 2021 », ce journal avait brossé un tableau noir de la situation en Tunisie en période de Covid 19 (Le Monde Afrique- Tunisie : « En Tunisie, la crise sur tous les fronts » ; 22 juin 2021).

16Le 26 juillet 2021, le journal titrait : « En Tunisie, le président gèle les activités du Parlement et démet le premier ministre de ses fonctions ». S’en est suivie une campagne de « contre propagande », dans laquelle Le Monde semble « s’acharner » sur l’exécutif en place, en la personne du Président Saïed. Cet « acharnement » transparait à travers des termes, expressions et phrases réitérant l’idée de « despotisme », d’« autoritarisme » . Les mesures prises le 25 juillet 2021sont qualifiées de : « coup de force », « dérive autoritaire », « tournant répressif » (Le Monde, 14-02-2023), d’« aventure personnelle dans laquelle Kaïs Saïed embarque le pays» (29 janvier 2023), ayant engendré « un pouvoir autocratique en Tunisie, bâillonnant la moindre voix contestataire » , Saïed détenant « tous les pouvoirs » et plongeant la Tunisie dans un état de «terreur »…(Idem)

17La conjoncture nationale est déterritorialisée, « internationalisée » (« En Tunisie, le tournant répressif du régime de Kaïs Saïed- Le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme s’inquiète de l’« aggravation de la répression ... »(14-02-2023),  source de « préoccupation » de l’Union Européenne, la Tunisie étant « un voisin très proche », lié par un « partenariat profond et stratégique » à l’Europe , avec qui elle œuvre « coude à coude pour assurer la paix, la stabilité et la croissance économique pour le bien de tous leurs citoyens » (Site du Service Diplomatique de l'Union européenne , 22.02.2023). C’est pourquoi l’U.E. suit de près les développements récents (Idem). De hauts responsables de l’U.E., tel Josep Borrel, expriment leur « préoccupation » (Idem). Les Européens « s’alarment du risque d’un « effondrement » de la Tunisie » (Le Monde ,21-03-2023).

18Des personnalités françaises bien connues (« Un collectif d’avocats, d’intellectuels et de journalistes »), en appellent à "l'ingérence dans les affaires intérieures" de la Tunisie, selon l’expression de Kaies Sayed (Le Monde, 14-02-2023). Dans une tribune au « Monde », ce « collectif » dénonce « le durcissement de la répression dans le pays » et s’inquiète de « l’absence de toute réaction de la part de la communauté internationale » (« La terreur se répand en Tunisie dans l’indifférence internationale » ; Le Monde, 28 -04- 2023).

19D’aucuns diraient que  Le Monde  a exploité la situation pour faire de la « contre- propagande » au régime en place. Réputé pour son indépendance depuis sa création9, donnant l’exemple en termes d’ « objectivité » , durant les années soixante-dix, le journal ne fait-il pas preuve de partialité, comme le montrent ses différents articles , aux titres combien révélateurs : « En Tunisie, l’inquiétant désenchantement démocratique »( 29-01-2023) ;  « La Tunisie criminalise les contacts avec les diplomates occidentaux » (24-03-2023) ; « Soit on suit les instructions, soit on risque la prison » : en Tunisie, des journalistes sous surveillance »( 12-04-2023 ) ; « Dans la Tunisie de Kaïs Saïed, « c’est l’arbitraire qui règne » »( 20-04-2023) ; « En Tunisie, blogueurs et artistes eux aussi soumis à la répression »( 25-03-2024) … ?

20Un autre média de masse, le livre, grâce à sa diffusion à large envergure, contribue à diffuser des idées et à donner une image appréciative ou dépréciative des personnes et des Etats. Ces dernières années, l’image donnée du Président Kaïs Saïed n’est pas des meilleures. « Surnommé « Monsieur Propre » ou « Robocop », il est aujourd’hui accusé d’entraîner son pays très loin des espoirs du printemps arabe » (Le Monde Afrique, 30-04-2023). Certains « écrivains » sont passés maîtres dans l’art de le « caricaturer en prose », éditant des essais, dont deux ont été retirés des stands du salon du livre de Tunis. (« A Tunis, deux ouvrages sur le président Kaïs Saïed censurés lors de la Foire internationale du livre » ; Le Monde, 30-04-2023). Il s’agit de : « Le Frankestein tunisien », de Kamel Riahi et « Kaïs Saïed 1er, président d’un bateau ivre », de Nizar Bahloul. Selon Le Monde, « Frankestein tunisien est un essai politique dont la couverture verte est illustrée d’une caricature de Kaïs Saïed, croqué sous les traits du monstre né de l’imagination de Mary Shelley. Il propose une analogie entre le régime du chef de l’Etat (…) et le destin tragique de cette créature, être artificiel créé par le docteur Frankenstein, à partir de plusieurs cadavres avant d’être ramené à la vie » (Idem). Cette « caricaturisation » n’est pas sans véhiculer une image dépréciative de Kaïs Saïed, avec tout ce qui s’en suit comme répercutions sur les représentations des citoyens tunisiens, plus particulièrement les jeunes scolarisés…

21Des médias audiovisuels ont pris part à la campagne de « dénigrement », orchestrée autour de la situation en Tunisie, brossant un « tableau pour le moins obscur » du contexte social, considéré comme étant « catastrophique » sur tous les plans, y consacrant des émissions entières. Dans ce qui suit, nous en citons quelques exemples.

22Sur TV5 Monde, « Dossier- L'actualité en Tunisie » (30 -04- 2023), on lit ce qui suit10 : « …de vives tensions politiques traversent le pays depuis que le président Kais Saied s'est emparé des pleins pouvoir en juillet 2021 » ; « La Tunisie est-elle entrée dans l'ère de l'arbitraire ? » (24- 04- 2023) ; « Tunisie : Kaïes Saïed, plus de deux ans de pleins pouvoirs « (30-09- 2023).

23Il en est de même de France 24 : « … Moncef Marzouki qualifie le chef d'État tunisien de "putschiste". Il l'accuse d'un "ensemble de catastrophes" politiques, économiques, et diplomatiques ... Selon Moncef Marzouki, l'hôte du palais de Carthage a ramené son pays "trente ans en arrière... » (28-02-2023). Les titres ne sont pas du tout élogieux : « L'économie tunisienne est à l'arrêt avec seulement 0,4 % de croissance en 2023 et un taux de chômage qui a atteint 16,4 % fin 2023 (contre 15,2 % fin 2022) ... » (France 24-Afrique, 02-03-2024). A l’instar de Le Monde (« En Tunisie, le président Kaïs Saïed s’en prend aux migrants subsahariens » ,22-02-2023) , la chaîne exploite le drame de la « migration illégale » pour critiquer Saïed :« Le pacte entre l’UE et la Tunisie, un nouveau "modèle" face à la crise migratoire ? » ; « Il y a fort à craindre que cet accord n’aggrave encore la situation des migrants, déjà persécutés de manière absolument scandaleuse dans le pays"( France24- Afrique,17-07-2023)  ;  « "Je vais réessayer la traversée" : en Tunisie, les départs de migrants se multiplient » (Idem, 08/04/2023) ; "Un climat de frayeur" : en Tunisie, les migrants subsahariens stigmatisés et agressés »( Idem, 03/03/2023) ; « Moncef Marzouki, ex-président tunisien : "Kaïs Saïed veut couper la Tunisie de son milieu africain" » (28-02-2023) . Dans « Les arrestations d'opposants au président Kaïs Saïed continuent en Tunisie » (22-02-2023), on lit ce qui suit : « Ces arrestations s'inscrivent dans le cadre d'une répression des principaux opposants à Kaïs Saïed » ; « Répression coordonnée- Depuis qu'il a dissous le Parlement à l'été 2021 et s'est s'octroyé la quasi-totalité des pouvoirs, le président tunisien gouverne par décret … Ses opposants ont dénoncé un coup d’État» ( Idem) ; « Kaïs Saïed exerce une mainmise sur le pouvoir, jamais une répression coordonnée de l'opposition n'avait été mise en œuvre avant ce mois-ci» (Idem).

24M6 (03-03-2024) a diffusé son émission « Enquête exclusive », consacrée à la Tunisie (« Tunisie : entre misère et dictature, le grand retour en arrière »). On peut lire, sur le site de la chaîne : « …la Tunisie se dirige tout droit vers la dictature. A part une minorité de privilégiés, la crise économique n'épargne personne ». Selon Business News (04/03/2024), dans « Enquête exclusive », on brosse « le tableau noir de la situation en Tunisie ». Reprenant certains extraits des discours du président de la République, le magazine note les propos complotistes et même antisémites de Kaïs Saïed … Certains commentateurs trouvent « exagéré, sinon excessif », le traitement réservé à la Tunisie, parlent même d’une « manipulation médiatique du lobby sioniste en France » estimant que « ce lobby n’a pas apprécié les positions du président de la république Kaïs Saïed sur la question palestinienne » (Idem).

25Et les réseaux sociaux, quel rôle ont-ils joué dans cette campagne de « manipulation médiatique » ?

26D’après un article du Courrier international  intitulé « Réseaux sociaux. En Tunisie, une lutte contre les fake news à géométrie variable » (05 -02- 2024), on lit ce qui suit :  le régime autoritaire de Kaïs Saïed « affirme combattre la désinformation et les discours de haine sur les réseaux sociaux ».

27N’ayant pas effectué de recherche à ce sujet, il ne nous est pas permis, déontologiquement parlant, d’énoncer des « affirmations gratuites ». Nous nous contentons de supposer que des réseaux /médias sociaux se seraient joints à la « campagne de dénigrement » orchestrée par les opposants au régime actuel, en grande majorité des « privilégiés » de la gouvernance ayant prévalu durant la décennie post-révolution.

28D’après les statistiques publiées par « CDCP Digital Learning » (15 -12- 2023), les Tunisiens se révèlent être de grands usagers des différents réseaux sociaux, Facebook occupant la seconde place, avec 6,55 millions d’utilisateurs (soit 52,8 % de la population totale), la première place revenant à Youtube, avec 7,24 millions d’utilisateurs, soit 58,4 % de la population totale.

29Avec les réseaux sociaux, les individus ne sont plus de simples consommateurs. Ils sont désormais des acteurs impliqués dans l’échange d’informations et d’opinions, ou « pro-acteurs », selon l’expression de Fernandez(2020), grâce à l’interactivité du Web 2.0, « [s'appropriant] pleinement l'outil afin de publier, commenter, donner leur avis, partager, échanger des textes, photos, sons, vidéos... »(Idem).

30Les réseaux sociaux permettent, notamment, la diffusion d’informations auprès des internautes mais aussi auprès des journalistes. La transmission se fait rapidement, auprès d’un large public, qui ne se contente plus de naviguer, de surfer mais agit, devenant « webacteur » (xPisani et Piotet ,2008), en interaction avec des milliers de personnes, échangeant, partageant et organisant (/ « créant ») des évènements…

31Outre l’information, les médias sociaux sont susceptibles de jouer un rôle en matière de culture, une « culture participative, basée sur une mobilisation informationnelle par le bas » (Cardon et Granjon, 2010, pp. 137-138) 11, ce qu’on a tendance à appeler « cyberculture ». Celle-ci est sujette à un double discours.

32De nombreux chercheurs en communication ont attiré l’attention sur le fait que les réseaux sociaux, tels Facebook et Twitter, essentiellement, jouent un rôle en termes de désinformation, « forme raffinée de falsification » (Huyghe ,2005), dont le contenu « correspond à des attentes, des catégories ou des valeurs de la cible. Nul [n’étant] désinformé qui ne soit prédisposé à croire » (Idem).

33Ben Jdira (2013) a constaté que Facebook joue un rôle important en matière de désinformation, en se spécialisant, en quelque sorte, dans la « diffusion d’informations partiales, incomplètes ou fausses » (Simmonot , 2007) , périmées, biaisées ,c’est-à-dire influencées par des intérêts politico-idéologiques , destinées même à induire en erreur et surtout rédigées par une source incompétente. Onze ans plus tard, avec le foisonnement, la prolifération des « pages personnelles », dont une grande proportion de pages « partisanes » dédiées à la propagande, et surtout la contre-propagande, la situation aurait empiré, surtout qu’on assiste, désormais, à une activité multi- réseaux, la même personne pouvant être active sur plusieurs médias sociaux à la fois (Facebook, Youtube, Twitter/X, Instagram, Tik Tok…).

34Cette surmédiatisation du contexte d’ « après 25 juillet 2021 » serait-elle sans impacts sur le façonnement des représentations des adolescents et le modelage de leurs attitudes et comportements à l’égard des gouvernants ?

35Dans ce qui suit, après avoir donné un aperçu de la situation de l’éducation, de certains points de vue, nous exposons certains aspects du contexte socio-économique ayant prévalu durant la décennie post-révolution et s’aggravant, de nos jours, du fait de la crise multidimensionnelle que vit la Tunisie. En second lieu, nous procédons à un état des lieux du rapport école-marché du travail, après quoi nous exposons, succinctement, la fuite des cerveaux, une des « solutions » prises à titre individuel par certains Tunisiens.

L’école, dans une situation « désastreuse » ?

36La situation de l’éducation est qualifiée de « désastreuse ». Le recul de l’Ecole tunisienne a pour origine « des réformes mal pensées, décidées à l’emporte pièces depuis l’indépendance à nos jours » (Ben Raies, 2016). A titre d’exemple, l’instauration de l’enseignement de base a été « une catastrophe » pour le système (Idem). Elle a engendré des problèmes majeurs se situant, essentiellement, au niveau du passage d’un cycle à l’autre (Boughzou ,2016). 

37Une enquête effectuée par le F.T.D.E.S.12 portant, entre autres, sur les origines du décrochage scolaire a révélé que 71% des jeunes interrogés ont abandonné l’école pour des raisons purement scolaires ; 90% des déscolarisés ont échoué au moins une fois durant leurs parcours scolaires. Concernant la qualité des programmes, les données de l’enquête ont permis de constater que l’abandon de l’école peut trouver ses origines dans les programmes proposés. En effet, plus de 50% des déscolarisés déclarent que ceux-ci sont très chargés et contiennent parfois des matières sans utilité, difficiles pour eux ou mal présentées par l’enseignant. D’ailleurs, pour un grand nombre d’enquêtés les difficultés proviennent, en partie, de la qualité des enseignants ainsi que de la pédagogie adoptée (Boughzou ,2016) 

38Avec l’avènement de Ben Ali, sous prétexte de « démocratisation », on a enregistré une « massification » de l’enseignement supérieur, ayant entrainé une hausse incontrôlable des diplômés chômeurs, dépassant de loin la capacité d’absorption de l’économie. (Boughzou ,2016). En 2022, le taux de chômage était de l’ordre de 15,6 % (contre 16,1 % au premier trimestre et 15,3% au deuxième trimestre). Au deuxième trimestre de 2023, 38,1 % des personnes actives âgées de 15 à 24 ans étaient au chômage (contre 40,2 % au premier trimestre ; hommes : 39,2 % - femmes : 35,8 %) (Idem,2016).

39Le nivellement par la position sociale des parents entraina une aggravation des inégalités sociales. L’Ecole n’est pas unique : dans les écoles d’ingénieurs, la faculté de médecine ou de pharmacie, nous trouvons plutôt des étudiants issus de familles aisées. Ceux des familles défavorisées se situent plutôt dans les facultés de lettres, de sciences humaines et sociales caractérisées par leur faible employabilité. L’Ecole – longuement considérée comme « ascenseur social » – s’avère aujourd’hui incapable de briser les inégalités sociales. Pendant un certain temps, le système éducatif avait bien fonctionné, et l’ascenseur social était devenu un rêve permis pour les classes défavorisées.

40De nos jours, nous assistons au schéma inverse : des diplômés de master, au chômage pour une durée de parfois plusieurs années, finiront par accepter des postes d’opérateur dans des centres d’appel. En parallèle, des non diplômés, décrocheurs pour la plupart n’ayant pas franchi le stade secondaire, ont plus de chance d’intégrer la sphère économique, notamment dans le secteur informel. En témoigne le taux de chômage des diplômés (40%, en 2013) qui dépasse le double de celui des analphabètes (18%, en 2013). Ce taux de chômage de diplômés s’accentue encore davantage pour quelques spécialités que le ministère de l’emploi appelle le « noyau dur ». C’est ainsi que ce chômage atteint par exemple le taux de 50% pour les techniciens supérieurs, et 70% pour les diplômés de sciences sociales (Ettalmoudi, 2012). En voulant démocratiser le système éducatif, la Tunisie, est tombée dans la massification de l’éducation qui a engendré une inflation des diplômes. Cela est de nature à démoraliser les enfants, notamment ceux issus de familles pauvres, et à favoriser leur décrochage : « Si les aînés sont au chômage avec des diplômes, à quoi bon continuer ? » (Mandraud, 2014).

Ecole-marché du travail : l’ascenseur social « en panne » ?

41Dans « L'Ecole publique tunisienne, l’ascenseur social en chute libre »13,Ben Raies14 brosse un tableau sombre du système éducatif tunisien . Il énumère certaines données de la situation « désastreuse » de l’Ecole dont, notamment, la crise d’employabilité des « « outputs».

42Jusque récemment, « ceux qui ne parvenaient pas à s’élever dans l’échelle sociale ou au moins à y maintenir la position sociale étaient regardés comme des anomalies » (Molénat ,2012). Les phénomènes de « descension objective » sont qualifiés de « névrose de classe » (De Gaulejac ,1987), expression qui désigne « cette structure psychique particulière qui touche les individus dont la promotion sociale, à travers l'école notamment, a été vécue douloureusement » (Poncet ,2002).

43La névrose de classe est une contribution à l’étude des phénomènes de mobilité sociale. De Gaulejac(1987 : 137-138) considère qu’il y a névrose « à partir du moment où les conflits liés à la trajectoire sociale et les conflits liés au développement psychosocial s’étayent réciproquement et produisent un renforcement naturel ».

44Quant à la métaphore de l’« ascenseur social » , elle est utilisée pour désigner la mobilité sociale, c'est-à-dire des changements de statut social des individus ou des groupes sociaux au cours du temps. En analysant la mobilité intergénérationnelle, on peut parler de mobilité ascendante (d’« ascenseur social ») quand une progression dans l'espace social est assurée pour la génération suivante.

45La logique de la mobilité sociale par l’Université se trouve concurrencée par celle des réseaux d’influence et des solidarités parallèles. Dans cet ordre d’idées, depuis les années 1960-1970, la sociologie de l’éducation démontre que les enfants qui sont issus des classes les plus favorisées ont davantage de chance de réussir scolairement que les élèves provenant des catégories sociales défavorisées (Henri-Panabière, 2010). Dès lors, l’institution scolaire est perçue comme le lieu de reproduction des différences sociales et culturelles déjà existantes (Lahire, 1998). « Il est possible d’identifier les élèves issus des catégories scolairement dotées qui sont eux-mêmes en réussite à l’école comme des héritiers, dont le capital culturel est en cours de certification » (Idem).

46En dépit de la prétendue « égalité des chances », l’école contribue à la reproduction des inégalités scolaires (Jourdain et Naulin, 2011)15 qu’elle légitime par un discours méritocratique. Ceci étant, on peut affirmer que le fait même de croire en une mobilité sociale est aussi important que la mobilité réelle (Duru-Bellat et Kiefferb,2006).

47Outre les inégalités scolaires selon l’origine sociale, Amos distingue également des inégalités d’orientation. Selon lui, les inégalités de réussite se définissent « par un retard croissant à mesure que l’on descend dans la stratification sociale » (Amos, 1979 : 163). Les inégalités d’orientation se réfèrent aux choix d’orientation des acteurs sociaux et sont fortement renforcées par les inégalités de réussite. Aussi, les jeunes issus de milieux favorisés sont-ils plus avantagés dans leurs choix d’orientation que ceux issus des classes populaires (Idem).

48Pour Bourdieu et Passeron (1970), l’Ecole se présente avant tout comme une instance de reproduction sociale : les inégalités sociales transformées en inégalités scolaires redeviennent ensuite des inégalités sociales à la sortie du système scolaire. Elle transforme une hiérarchie sociale non légitime – car reposant sur l’héritage familial – en une hiérarchie sociale relativement identique mais légitimée par les titres scolaires, qui sont censés être attribués en fonction de mérites personnels.

49Les études comparatives sur les pays de l’OCDE16montrent que plus les diplômes sont « rentables » sur le marché du travail, plus les inégalités sociales d’accès à l’éducation sont fortes, car la compétition pour obtenir un diplôme est alors d’autant plus rude, entre des individus dotés d’atouts inégaux (Dubet et alii., 2010).

50Les années soixante marquent un tournant dans les représentations de la société en termes d’importance des études, qui deviennent nécessaires pour participer à la vie sociale et professionnelle. Le diplôme prend une place déterminante dans la vie sociale et professionnelle des individus (Lahire, 1995). Les inégalités en termes de réussite se retrouvent au niveau de l’accès à la vie professionnelle. À l’épreuve de la crise actuelle, l’emploi est devenu, pour certains, un facteur d’exclusion. L’Ecole qui, auparavant, avait joué son rôle d’« ascenseur» social et économique, se trouve confrontée au problème du chômage de «ses» diplômés, de plus en plus nombreux, auxquels s’ajoutent les cohortes de jeunes en situation d’échec scolaire , qui quittent l’école sans qualifications.

Chômage des diplômés du supérieur : état des lieux

51Le chômage des DS17 n’est plus réductible à quelques « ratés » de la croissance ou à un accident touchant exclusivement la « périphérie » , mais menace aujourd’hui les régulations sociales, contribuant à déstabiliser des représentations bien établies , dont, notamment, l’ascension sociale par le diplôme ( Hafaïedh, 2000).Pour la nouvelle génération de diplômés, l’Université, parenthèse sans aboutissement, devient le lieu de « retraite des jeunes », une retraite à risques, où on peut à tout moment basculer dans l’incertain (Idem).

52Comme le montrent certaines études élaborées au début des années 2000, le chômage des « outputs » du supérieur ne date pas d’aujourd’hui et constitue un « héritage » de l’ère anté-révolution. En effet, en 2004, le taux de chômage de la population âgée de 25 à 60 ans était de l’ordre de 10%, celui de la tranche d’âge entre18 et 24 ans s’établissait à 28%. Ce taux serait nettement plus élevé si l’on comptabilise les jeunes bénéficiaires des stages d’initiation à la vie professionnelle et des formations complémentaires subventionnés par l’État. Plus de 70% des chômeurs ont moins de 30 ans. Par ailleurs, la population juvénile concernée par le chômage est de plus en plus instruite. Globalement, le taux de chômage des individus ayant un niveau d’instruction supérieur est passé de 8,6% en 1999 à 14,8% en 2005, dans un contexte de massification où les effectifs annuels de diplômés ne cessent d’augmenter, entraînant un allongement progressif des délais d’attente avant l’insertion dans la vie professionnelle (Melliti,2011).

53Certains affirment que les filières de l’enseignement supérieur, hormis celles dites « prestigieuses », constituent « des pépinières de chômeurs ». C’est que le taux de chômage des DS ne cesse de s’accroître, touchant tous les cursus universitaires, y compris le 3ème cycle.

54Le risque de chômage étant, normalement, d’autant plus faible que la scolarité a été longue, bon nombre de diplômés, trouvant toutes les issues d’accès au marché du travail bloquées, optent, bon gré mal gré, pour un rallongement de leur cursus universitaire, dans l’espoir d’être recrutés, demeurant de la sorte « chômeurs en puissance ». Cette « alternative » s’avérant, souvent, sans efficacité, le nombre d’ « outputs » en quête d’insertion dans le monde du travail progresse sans cesse, ce qui est de nature à « aggraver davantage la situation marquée par un manque d’employabilité accru… » (Anissa Sghayer, de l’Union des docteurs et doctorants au chômage)18.

55Pour l’année universitaire 2018-2019, on dénombrait 11.629 doctorants et 2.359 docteurs. En 2020, le nombre de docteurs chômeurs était évalué entre 3.500 et 4.500, auxquels s’ajouteraient 13.750 docteurs, dans les mois à venir (Anissa Sghayer) 19. En même temps, le nombre de postes à pourvoir a chuté pour des raisons budgétaires et démographiques.

56Selon la vision « rentabiliste », le baccalauréat, la licence et même le doctorat ne produisent aucune efficacité en termes de placement professionnel, sans intervention d’ordre personnel ou administratif. Les disciplines des sciences humaines et sociales sont généralement considérées comme peu rentables (Hafaïedh,2000). N’empêche, le chômage des DS a touché certaines formations « prestigieuses », supposées à forte employabilité, comme l’ingénierie et les sciences médicales…

57 Les jeunes DS, nombreux à être au chômage, sont « le fer de lance des mobilisations contestataires » (Delanery ,2017) dans le pays. « La jeune génération éduquée, mais incapable de s'insérer dans le monde du travail, ne s'est pas reconnue dans les partis et syndicats traditionnels. Elle a fondé son propre syndicat en 2006, l'Union des diplômés chômeurs, ayant connu un succès fulgurant (16 000 membres depuis 2011) » (Idem ,2017).

58Du fait du système de l’orientation universitaire, consistant en une « gestion des flux de bacheliers » sur la base de la méritocratie, les DS en chômage, en grande partie de filières « mal cotées », « sans prestige », sont victimes d’une double frustration : d’abord pour ne pas avoir suivi la filière de leur choix, ensuite pour se retrouver sur le banc des « chômeurs », parfois pour une durée indéterminée, du fait de l’inadéquation entre la formation, le niveau de diplômation et l’emploi. Être un diplômé au chômage c’est faire partie d’une catégorie sociale bien spécifique, ayant reçu un capital culturel non rentabilisé.

L’« ailleurs » comme alternative à la crise de l’emploi

Migration des cerveaux

59La migration de tout type de personnel qualifié est un phénomène auquel s’appliquent les concepts de « fuite des cerveaux » (brain drain), d’« exode des cerveaux » ou d’ « exode de compétences » . Le départ de ces hauts potentiels, de ce « gisement de compétences » (Samet, 2017) constitue une perte pour la Tunisie. Les enseignants et chercheurs, les ingénieurs et architectes et les autres cadres constituent les catégories de compétences les plus présentes à l’étranger. 39.000 ingénieurs ont quitté la Tunisie entre 2015 et 2020 (Dernières News, 07-12-2021). Au cours des 5 dernières années, environ 3 000 médecins tunisiens ont quitté le pays, selon les chiffres publiés par l’I.N.S. 36 000 Tunisiens quittent le pays chaque année, tandis que les sondages révèlent qu’environ 90 % des jeunes Tunisiens envisagent d’émigrer (African Manager ,01-11-2023).

60Le journal cite Abdeljalil Bedoui20 selon qui le nombre croissant de ceux qui souhaitent partir fait que « l’économie tunisienne travaille pour le compte d’autrui ». Le nombre total de compétences détachées à l’étranger par l’intermédiaire de l’Agence tunisienne de coopération technique a presque doublé, en dix ans, passant de 13000, en 2012, à 25.084, au 31 décembre 2023. Le professeur Bedoui pense que ce nombre demeure faible par rapport à la migration des compétences par leurs propres méthodes.

61Une répartition de ce type de migration suivant le domaine d’activité montre que le secteur de la santé arrive en tête, avec 1. 839 personnels médicaux et paramédicaux, soit 41% du nombre total des recrutements, suivi du secteur de l’éducation avec 904 enseignants, puis de l’administration 303 coopérants. Arrive le sport avec 253 personnes, les services 249 et l’informatique et les médias avec 228 employés (Dridi, 2024). 

62L’enquête Tunisia Hims (2020) révèle que 20% des Tunisiens ont l’intention d’émigrer. Cette proportion est constituée de 50,4% d’hommes âgés entre 15 et 24 ans et de 34% de femmes de la même tranche d’âge. 18,5% de ceux qui envisagent d’émigrer sont professionnellement occupés, 35,8% d’entre eux sont au chômage et 36,6% sont célibataires. 14,3% des migrants potentiels, soit 3%, ont déjà entamé les démarches pour réaliser leur projet. 78,4% souhaitent émigrer pour rechercher de l’emploi et de meilleures conditions de vie et 66,3% choisissent l’Europe comme destination potentielle (Dernières News, 07-12-2021).

63Selon des statistiques de l’OTE, l’évolution du nombre de cadres tunisiens à l’étranger, quoique pas très importante (de 7 234, en 2010, à 7 280 , en 2012), montre que la révolution tunisienne a encouragé l’exode des personnels qualifiés(Samet, 2017). Abdellaoui (La Presse,29-05- 2023), qualifie de « suicidaire » la marche entamée par le pays durant plus d’une décennie. La période transitoire, qu’a connue la Tunisie en 2012, était caractérisée par l’insécurité et l’instabilité politique, ce qui ne contribuait pas à retenir les cadres tunisiens. Abdellaoui qualifie d’« effrayants » les chiffres de l’OTE: plus de 8.000 cadres supérieurs, 4.000 ingénieurs, 2.300 enseignants-chercheurs, 1.000 médecins et pharmaciens et 450 informaticiens ont quitté le pays.

64En 2018, plus de 8 204 Tunisiens ont migré, soit : 2 300 ingénieurs, 2 300 universitaires, 1 000 médecins et 100 informaticiens21. Cette migration des cerveaux constitue, pour les pays d’’accueil, un « cadeau béni » , tombé du ciel et pour lequel ils n’ont payé aucun sou  22, alors que pour les pays d’origine , c’est « un grand désastre » , une « véritable hémorragie qui le saigne à blanc , le prive de ses compétences et l’empêche de réaliser ses plans de développement » (African Manager ,28-03-2024).

65Pour certains économistes, ce type de migration engendre « la dépréciation du capital humain » et freine la croissance économique, du fait du manque à gagner qui peut en résulter. Bouden23, assurant qu'un « tiers des ingénieurs tunisiens ont quitté le pays, ces dernières années », qualifie ce phénomène de « préoccupant », susceptible d’entraîner des « pertes importantes dans le domaine de l'investissement de l'État pour le renforcement des capacités et limite ses espoirs de parvenir à la prospérité » (Webdo.Tn ,23-05- 2022).

66Sur Mosaïque FM (30-03-2018), le coordinateur général de l’union des professeurs universitaires et chercheurs tunisiens, Nejmeddine Jouida, a lancé un « cri de détresse » pour les compétences universitaires qui quittent le pays24 . Il cite le secrétaire d’Etat à l’Immigration selon qui 90 mille compétences tunisiennes, dont 30 mille chercheurs universitaires sont installés à l’étranger.

67A côté de cette migration « légale », s’est développée une autre forme de migration, qualifiée de « clandestine » / « illégale », en direction de l’Europe, via l’Italie. Elle tend à se transformer en « phénomène », prenant des proportions alarmantes et générant des milliers de nafragés et disparus en méditerranée (« Plus de 20 000 migrants ont perdu la vie en tentant de rejoindre l'Europe depuis 2014 », (Euronews, 30-06-2023).

Migration irrégulière / illégale

68« La migration, surtout irrégulière, est un « vote par les pieds ». Quand vous partez, vous êtes en train de voter contre l’espace que vous quittez » (Hassen Boubakri, chercheur spécialiste des migrations)25.

69Les jeunes travailleurs moins favorisés, les déscolarisés, les chômeurs, ont les yeux sur les traversées clandestines. Beaucoup de ces jeunes imaginent leur avenir à l’étranger, loin de la Tunisie. D’après les statistiques nationales, en 2020-202126, près de 40% des jeunes de 15 à 29 ans souhaitaient émigrer. 5,5% se disent prêts à l’émigration irrégulière , si la démarche légale n’aboutit pas (Dernières News  , 07-12-2021).

70Selon l’Italie, plus de 32 000 migrants, dont 18 000 Tunisiens sont arrivés clandestinement sur les côtes du pays depuis la Tunisie en 2022 (TV5-Monde, 07-04-2023 :« 18 000 migrants tunisiens arrivés clandestinement en Italie en 2022 »).

71Déjà en 2005, Boubakri et alii. se demandaient si la Tunisie, à l’instar d’autres pays du Maghreb, se transformerait malgré elle en pays de transit en direction de l’Europe, voire d’immigration pour les étrangers sub-sahariens, pour qui la Tunisie présente plusieurs avantages comme zone de départs non réguliers vers l’Italie. Elle leur offre « des opportunités de travail et de séjour pour la préparation des traversées clandestines vers l’Italie » (Boubakri et alii.,2005). Ces dernières années, ce phénomène a pris de l’ampleur et la Tunisie s’est transformée en « relais » pour les « sub-sahariens », fuyant les conflits interethniques, les guerres civiles et les crises humanitaires, dans l’attente de migrer en Europe, via l’Italie.

72De problème humanitaire, la « migration de transit » (Bel Haj Zekri, 2009) a été transformée, en problème tunisien, surtout après les déclarations du Président Saïed et les affrontements qui s’en suivirent, les médias contribuant à amplifier le problème et à le détourner de ses origines historiques et politico-économiques27 , « les réponses aux impacts [de ce type de migration] et aux défis qu’elle pose pour la zone méditerranéenne [ne pouvant être ]que globales et prises au niveau régional »(Idem). Or, depuis des décades, « les États maghrébins sont soumis (…) à la sollicitation de la part des pays européens pour collaborer de plus en plus activement dans la lutte contre les migrations irrégulières » (Boubakri et alii.,2005).

73Après cet « état des lieux » de la réalité du « monde du travail » en Tunisie, dans la seconde partie, nous présentons les éléments théoriques et les données empiriques en rapport avec l’estime de soi des adolescents, leurs représentations sociales du système éducatif et de la réussite dans la vie, d’un côté, leur degré de confiance dans les institutions et envers les politiques ainsi que leurs projections dans l’avenir, de l’autre.

Estime de soi28, identification, représentations sociales29 et projections dans l’avenir d’adolescents tunisiens30

Estime de soi

74Pour appréhender l’image qu’ils se font d’eux-mêmes, sonder leur estime de soi, nous avons posé la question 631, portant sur l’auto-évaluation de soi du point de vue des performances scolaires. Les données montrent que la majorité des enquêtés (65%) a une estime de soi relativement bonne, s’autoévaluant entre Assez-bon et Excellent.

75Au cours de son développement psychosocial, l’adolescent, faisant la synthèse entre son propre système de valeurs, les valeurs familiales et celles transmises par les médias en général, pourrait se sentir troublé par un trop important manque de cohérence entre certains des messages véhiculés. Dans la mesure où il attachera une grande crédibilité aux médias – autant et parfois plus qu'à ses parents et ses enseignants – le jeune pourra alors confondre son propre système avec celui de ses idoles présentes sur le petit écran, entre autres.

76Partageant l’idée selon laquelle « l’individu et les groupes construisent leur identité autant à travers leurs actes qu’à travers les représentations qu’ils s’en donnent » (Charaudeau, 2005), nous avons émis l’hypothèse selon laquelle les adolescents seraient imprégnés des représentations stéréotypées et que la réalité représentée à travers les médias, pas du tout en conformité avec leur vécu social, influerait sur leur perception de la réalité. Par ailleurs, des images transmises dans les dispositifs communicationnels, ces adolescents - dont la personnalité est en cours de construction - puiseraient des valeurs , attitudes et comportements , propagés ou suggérés à travers certains genres médiatiques , ainsi que des « idéaux », des modèles sociétaux, des supports identificatoires. Ils vont, parfois , jusqu’à s’identifier aux personnages, voire les mimer, le modèle de l’identité se façonnant ou s’ « informant » (au sens étymologique du latin informare, « donner forme ») par l’habituation du corps à interagir avec le dispositif, dans un processus de modelage et remodelage (Idem) .

77Les TIC, en général, ont de nombreux impacts dont les « nouveaux enchevêtrements liant des dimensions vitales de la construction identitaire des individus, des familles, des groupes, des nations » (Proulx et Laberge, 1995 : 139).

78Une étude canadienne intitulée « Vie quotidienne, culture télévisuelle et construction de l’identité familiale » (Proulx et Laberge, 1995), menée en 1993, a mis au jour le rapport entre les dispositions et attitudes adoptées durant l’enfance et les changements intervenus à l’âge adulte.

79Dans ce qui suit, nous allons définir le concept d’« identification » et présenter le rôle que peuvent jouer les médias en matière de construction identitaire.

Identification

80Entre l’enfance et l’âge adulte, l’adolescence correspond à une période bien spécifique qui est celle de l’apprentissage des rôles sociaux. Ce temps de passage coïncide avec ce que les sciences sociales appellent « socialisation secondaire », c’est-à-dire une socialisation en dehors du cadre familial (Dubar,1991). Les adolescents sont, ainsi, soumis à un processus d’adaptation et d’intégration les préparant à être des « citoyens respectueux des valeurs de la collectivité » (Idem). Toutefois, il est reconnu, par les psychologues, que le processus de socialisation ne se déroule pas toujours de façon harmonieuse. Au contraire, il est sujet à une tension sociale entre jeunesse et société (Mannheim,1990).

81Dans nos sociétés contemporaines, « les sociétés différenciées de la modernité » (Dumora et alii. ,2008), les individus sont confrontés à des principes d'identification multiples. Dans des sociétés où on reconnaît beaucoup plus facilement les mérites d’un joueur de football ou d’un chanteur que ceux d’un universitaire ou d’un homme de science (Hani, 1997), nous émettons l’hypothèse suivante : Sous l’influence des modèles de réussite véhiculés par la télévision, les adolescents « téléphages », plus particulièrement, auraient tendance à s’identifier à certaines célébrités et à opter pour leur cursus (cas du « sportif de haut niveau »).

82Le rapport de l'individu à l’institution est transformé par un triple mouvement de projection (par lequel l'individu se projette dans l'organisation), d'introjection (par lequel l'organisation devient partie de l'individu) et d'identification (par lequel il y a confusion entre l'organisation et l'individu). L'organisation tend, dès lors, à être incorporée au psychisme individuel. Cela fait dire à Pagès et alii : "l'individu se trouve imprégné petit à petit d'une personnalité d'emprunt, envahi par des conflits qu'il ne peut maîtriser, ballotté entre le plaisir et l'angoisse, et les reproduisant" (Pagès et alii.,1979 : 190).

83C’est le cas de l’adolescent qui se cherche, est en proie à des tiraillements de différents types, émanant de différentes instances de socialisation. De ce fait, la culture des pairs supplanterait celle des pères, la transmission s’effacerait devant l’imitation. Pour être à la hauteur du regard des autres, ceux de sa classe d’âge, l’adolescent se trouve en conflit avec ses parents, les adultes en général, la formation de l’identité commençant, selon Erikson, là où cesse l’utilité de l’identification et surgissant de la « répudiation sélective et de l’assimilation mutuelle des identifications » (Erikson,1972 :122). Le modèle offert par les adultes étant souvent périmé, l’adolescent se tournerait, souvent, vers les « modèles-types » que lui offre sa « culture médiatique ».

84Il existe plusieurs types d’identité dont l’identité culturelle, résultat complexe de la combinaison entre « continuisme » des cultures dans l’histoire et « différencialisme » du fait des rencontres, des conflits et des ruptures, entre la tendance à l’« hybridation » des formes de vie, de pensée et de création et la tendance à l’« homogénéisation » des représentations à des fins de survie identitaire.

85Ayant posé la question « A quelle personnalité voudriez-vous ressembler plus tard ? » (+ justification), nous avons recueilli une panoplie de données. La carrière sportive (« sportif de haut niveau ») a acquis l’adhésion de la plus grande proportion d’interviewés (45%), vient au second rang celle d’« homme d’affaires (qui réussit) », avec 32 %. Les carrières d’« homme politique »( qui réussit) et « professeur », semblent n’exercer qu’un très faible attrait sur nos interviewés (respectivement 2%).

86Cette image de soi valorisante qu’ont les adolescents est-elle en congruence avec les représentations-perceptions qu’ils ont du système éducatif et ses composantes ? Pour répondre à cette question et interpréter les données recueillies, nous introduisons, dans ce qui suit, le concept de représentations sociales.

Comment les adolescents tunisiens se représentent-ils le système éducatif ?

87Les représentations sociales sont le produit et processus « d’une activité mentale par laquelle un individu, ou un groupe, reconstitue le réel et lui attribue une signification spécifique » (Abric,1994 :64).Ce sont des « programmes de perception »(Kalampalikis,2003), des « constructions sociales » »( Doise et Papastamou,1987) , des « systèmes d’interprétation » (Jodelet ,1991) .C’est « un univers symbolique, culturellement déterminé où se forgent les théories spontanées, les opinions, les préjugés, les décisions d’action, etc. » (Garnier et Sauvé, 1999 : 66). Elles servent à analyser les phénomènes sociaux, permettent de croiser différents niveaux d’analyse de la réalité (Doise,1984).

88Ce sont des « phénomènes cognitifs engageant l’appartenance sociale des individus par l’intériorisation de pratiques et expériences, de modèles de conduites et de pensée » (Jodelet 1989 : 53). Cette intériorisation, chez les jeunes, et plus particulièrement les adolescents, s’effectue à travers l’une des instances de socialisation, les médias32, ou ce que certains appellent « culture médiatique ». En effet, bon nombre de recherches ont démontré que les genres télévisuels consommés contribuent, dans une large mesure, au façonnage de la perception-représentation de la réalité en présentant, non le réel, mais un réel-représenté, la « représentation [n’étant] jamais le reflet objectif d’une réalité mais le reflet du point de vue que portent sur cette réalité ceux qui produisent cette représentation » (Macé ,2010).

89Dans cet ordre d’idées, Tafani et alii. (2007) considèrent que la théorie des représentations sociales (TRS) permet non seulement de saisir le décalage potentiel entre une réalité posée comme objectivement donnée, mais aussi la façon dont les individus se la réapproprient. Ils rejoignent en cela Moscovici (1984) et Abric (1987).

90En Tunisie, l’image de l’enseignant n’a de cesse de ternir du fait de la dégradation de son statut social. A cela s’ajoutent les campagnes de dénigrement auxquelles il est sujet, sur certaines chaînes de télévision. Parmi les « produits médiatiques » ayant soulevée une polémique - « à la mesure de son succès : énorme »33- figure le feuilleton Falloujah, diffusé pendant le ramadan 2023 sur la chaîne de télévision privée Elhiwar Ettounsi et ayant réuni pas moins de 2,3 millions de spectateurs lors de son lancement, le 24 mars, après la rupture du jeûne, frôlant les 70 % de part d’audience34.

91Le ministre de l’Education avait qualifié cette série de « mascarade ». Deux avocats ont de leur côté déposé un recours auprès du tribunal de première instance de Tunis, réclamant l'arrêt immédiat du feuilleton. "Cette série porte délibérément atteinte aux mœurs et au système éducatif par la diffusion d'obscénités", ont notamment écrit dans leur requête les avocats Saber Ben Ammar et Hssan Ezzedine Diab.
La Fédération de l'enseignement secondaire a violemment critiqué la série qui "porte gravement atteinte aux enseignantes et aux enseignants" et appelé le ministère de l'Education à enquêter "sur les circonstances qui ont permis son tournage par une chaîne privée dans une école publique"35.
La plus grande proportion d’interviewés(56%) est constituée de « consommateurs assidus » de télévision . Les émissions télévisuelles, les réseaux sociaux virtuels semblent avoir contribué, dans une large mesure, au façonnement de leur perception du procès éducationnel. Les données recueillies ont démontré que la majorité d’entre eux se fait une image négative de l’apprentissage (contenu et méthodes). Cela découlerait, entre autres, du fait que le dispositif médiatique est conçu en fonction des représentations qu’a son producteur des récepteurs et de la meilleure manière de les influencer (Courbet ,2004 : 24).

92Nous avons noté l’usage d’une panoplie de termes et expressions à connotation dépréciative, dont nous mentionnons les plus récurrents(es) : les méthodes sont « insuffisantes », « archaïques », « mauvaises » « pitoyables », « inadaptées à l’époque moderne », « pas d’usage des TICE ». Certains sujets ont exprimé un jugement dépréciatif à l’égard du système éducatif, dans sa globalité : « l'enseignement en Tunisie a échoué au maximum », « … le système éducatif a été créé pour produire des fonctionnaires esclaves du capitalisme », « le contenu scientifique est bon, excellent et riche, alors que les méthodes ont besoin de plus de réforme, parfois elles sont mauvaises et épuisantes ».

93Pour ce qui concerne l’enseignant-modèle, les adolescents insistent sur les compétences psychopédagogiques, considérant que celui-ci doit avoir une capacité « de transmission du savoir », « de communication », «de motivation », « d’écoute », de « compréhension », « d’accompagnent psychologique » de l'élève. Par ailleurs ils semblent plutôt idéalistes, voire utopistes. Ils mettent l’accent sur certaines qualités humaines comme, le « respect », la « bonté », la « gentillesse » « la douceur », l’« amabilité » , la « patience » , la « générosité », la « sociabilité ». Selon eux, l’enseignant-modèle doit être doté d’« une mentalité réceptive », « contemporaine », « adéquate à celle des élèves ». Il ne doit pas être « violent », ni « fanatique d'aucune idée ». Certains sujets ont développé leur opinion sur la question, du genre : « Un enseignant qui réussit a des objectifs clairs. Il se distingue par une pensée renouvelée, est passionné pour l'apprentissage et le développement de ses méthodes, bien versé dans le sujet, communique avec les parents » ; « L'enseignant idéal est celui qui a pleinement conscience qu'il est tenu de délivrer l'information à l'élève, quel que soit son degré d'assimilation, et tient à en faire un amoureux non un détesteur de ses cours ».

94Dans leurs représentations de l’élève-modèle, les répondants mettent l’accent sur des qualités comportementales comme la « bonne éducation », la « politesse », le « respect » (de l’institution et de l’enseignant) et des compétences requises :la « motivation », la « passion », la « rigueur », l’« intelligence », le « sérieux », le « labeur »…

95Certains se sont montrés explicites, considérant que l’élève-modèle est celui qui « respecte son enseignant, fait le travail qu'on lui demande et se concentre sur la leçon» ; « Il persévère dans ses études, est discipliné à l'intérieur et à l'extérieur de la classe, participe aux activités nationales et n'endommage pas les biens de l'État » ; « Il est bien élevé, respecte le cadre pédagogique et essaie d'être bon dans ses études, même si son niveau est faible » …

96Enfin, nous avons noté un croisement entre les perceptions qu’ont les sujets de l’enseignant-modèle et l’image qu’ils se font des relations supposées exister entre l’élève et l’enseignant. Selon eux, celles-ci devraient avoir pour fondements : « le respect », « le respect mutuel », « l’amitié », « le paternalisme », « la coopération », « la confiance », « la compréhension », « l’appréciation / reconnaissance mutuelle » ...

Influence de la crise multidimensionnelle sur les projections dans l’avenir des adolescents tunisiens ?

97Après la crise économique survenue pendant la pandémie de Covid-19 et suite au blocage institutionnel et aux luttes politiques intestines pendant des mois, la Tunisie s’est trouvée confrontée à une crise constitutionnelle qui a impacté lourdement la situation socioéconomique. L’article 8036 de la Constitution de 2014 permet au Président de la République de prendre des mesures exceptionnelles pendant 30 jours. C’est en vertu de cet article que le 25 juillet 202137, le président Kais Saied a gelé le Parlement et révoqué les ministres du gouvernement de Mechichi.

98Du point de vue économique, la situation en Tunisie a été qualifiée de « catastrophique » par de nombreux médias. Le FMI parle de « décennie perdue », l’économie tunisienne n’ayant enregistré qu’un taux de croissance annuelle de 0,7%, pour la période 2011-2020, une dette publique de l’ordre de 90,2% du PIB, plus de 600000 chômeurs, pour la plupart des jeunes et des femmes, pour 12 millions d’habitants38.

99L’inadaptation de la formation à l’emploi demandé se révèle être un autre facteur du chômage, du fait d’un mésappariement entre l’offre et la demande de qualifications (Boughzala ,2019).

100Malgré l’amélioration du niveau d’instruction, le système éducatif ne prépare plus à l’entrée dans la vie active. Boughzala pense que « l’expansion du secteur informel s’explique par la différence entre le coût de l’appartenance au secteur formel et celui de l’appartenance au secteur informel » ( Boughzala et alii.,2020).

101Les données fournies par l’enquête par panel sur le marché du travail en Tunisie (TLPMS), montrent que 78,5% des Tunisiens préfèrent travailler dans le secteur public (Idem).

102Ce contexte socio-économique découlerait, notamment, de la gouvernance néophyte et multicéphale, depuis 2011, qui a eu des incidences négatives sur plusieurs secteurs. Les mouvements revendicatifs n’ont pas épargné le secteur éducatif, paralysé pendant des mois, à plusieurs reprises depuis 2019. Les candidats au baccalauréat ont constitué les premières victimes de cette crise, du fait d’un taux d’absentéisme des enseignants frôlant les 45%39.

103Lassés de subir la rigidité de la nouvelle gouvernance, les Tunisiens subissent encore les perturbations de la crise économique causée par la pandémie40, et doivent, de surcroît, subir les retombées des conflits politiques.

104Comment, dans un tel contexte de crise, les jeunes tunisiens pourraient-ils établir ou maintenir un rapport de confiance dans les institutions ? Comment le personnel éducatif pourrait-il convaincre les jeunes d’une issue favorable à leur investissement scolaire ? Quelles perceptions ont ces jeunes de leur avenir ?

105Totalement désintéressés de la vie politique et des affaires
locales à la suite des élections municipales de mai 2018(Heinrich-Böll-Stiftung ,2018), depuis l'émergence de Kaïs Saïed sur la scène politique en tant que candidat à la présidentielle, une partie de la jeunesse tunisienne a repris confiance : plus de 37% des jeunes électeurs âgés de 18 à 25 ans, auraient voté pour lui (Bouazizi , 2019).

106De nombreux facteurs ont contribué à forger une opinion publique hostile à la classe politique, surtout après les échecs des gouvernements successifs d’exaucer les aspirations fondamentales des jeunes. A cela s’ajoute le rôle joué par les médias - qui ont contribué, largement, à ternir l’image du gouvernement, des politiques et des partis- et plus particulièrement la télévision. L’état de passivité et de fascination du téléspectateur devant le petit écran serait lié aux caractéristiques naturelles de l’image- mouvement. En effet, l’image est dotée de propriétés « charismatiques », sinon magiques : « elle est naturellement séductrice ; elle happe l’attention de qui la regarde ; elle a une puissance particulière de mobilisation » (Chambat et Ehrenberg,1990 :159). Chambat et Ehrenberg considèrent que « ces vertus(ou vices) fascinatoires ne sont pas expliquées, sinon par une caractéristique intrinsèque analogue à « la vertu dormitive de l’opium »41 » .

107Les enquêtés se font une image très dépréciative du gouvernement (Q.8- a- Le gouvernement). Une très faible proportion d’entre eux (2%) se projette dans « l’homme politique connu ». En contrepartie, 45% se projettent dans le « sportif/sportive de haut niveau » et 53,4% ont choisi la réponse « Autre » (homme/femme d’affaire, youtubeur(se) etc.). Les sujets justifient cette quasi absence d’identification aux politiques comme suit :« Ne représente personne », « Faible », « Je n'ai rien à voir avec le gouvernement », « Trop de corruption », « Je n’ai aucune confiance », « Je n'ai rien à voir avec eux / elles », « Je ne connais pas », « Ça ne me plait pas ».

108Cela s’expliquerait par le fait que les déchirements politiques ont engendré une large déception chez les jeunes Tunisiens. Ecœurés par la médiatisation des conflits partisans, lassés par les débats stériles entre politiciens, orchestrés par de pseudos « analystes », ils ont fini par boycotter la vie politique sous toutes ses formes.

109L’usage récurrent de termes connotés négativement traduit leur parti-pris à l’égard de l’actuel gouvernement : « catastrophique », « médiocre / très médiocre », « mauvais / très mauvais », « insatisfaisant », « corrompu » « un gouvernement défaillant », « un gouvernement incapable de mettre en œuvre et de répondre aux demandes du peuple », ce qui n’est pas sans rappeler l’Etat autoritaire et inéquitable.

110D’autres expressions traduisent une certaine déception : « Performances en dessous de zéro », « Performance médiocre et irresponsable », « Performances très faibles », « Corrompu, ne m’inspire pas confiance », « absence de responsabilité », « mauvais à tel point que je voudrais renverser ce gouvernement », « Nous entendons encore des discours présidentiels promettant la fin à ceux qui ont essayé de détruire le pays, mais nous n’avons rien vu. », « Un gouvernement défaillant face aux exigences de son peuple, injuste et tyrannique …». Dans certaines réponses, la situation politique est qualifiée d’« atroce », d’ «horrible(2), de « déplorable » , de situation qui «empire ».

111Certains jeunes enquêtés affichent un négationnisme politique (« j'imagine que le gouvernement n'existe pas, car il fait des promesses et ne les tient pas »). L’image du politique est perçue comme un reflet de l’image du pays. Pour ainsi dire, la situation en Tunisie serait le fruit de la gouvernance des politiques : « à mon avis, la Tunisie est sur le point d’être détruite », « notre pays, la Tunisie, est en danger et nous devons lui venir en aide », « j'espère qu’il y aura une secousse positive pour que le pays se relève »…

112Malgré ces représentations dépréciatives du gouvernement et des gouvernants, quelques lueurs d’espoirs persistent tout de même chez une très faible proportion de jeunes : 3% des sujets sont en faveur de l’actuel gouvernement : « excellent », « en amélioration », « je pense que le président Kaïs Saïed fait le nécessaire. », « on attend l’amélioration et le meilleur », « en amélioration progressive depuis le 25 juillet » …

113Cet état de fait ne freine en rien l’enthousiasme et l’optimisme des adolescents tunisiens (Q.10 et 11)42. En effet, en dépit de l’incertitude quant au futur, ceux-ci se projettent positivement dans l’avenir et demeurent ambitieux : « obtenir la première place dans notre spécialité », « excellence », « vous devez réussir pour atteindre vos objectifs », « la victoire », « briller et progresser », « avec le succès, nous avançons vers le meilleur », « réaliser toutes les aspirations », « le succès signifie que la personne atteint son objectif ». Toutes ces expressions traduisent la persévérance et le désir de surmonter cette crise, grâce à une forte estime de soi : « Être persévérant », « ne pas abdiquer ».

114Dans cet ordre d’idées, l’OCDE43 a publié un rapport sur le renforcement de l’autonomie et la confiance incontestée des jeunes tunisiens. Elle souligne la diversification des modèles matrimoniaux et la volonté de sauvegarde des transmissions culturelles, parfois cultuelles. C’est pour cela que, malgré leur jeune âge, les sujets lient la réussite dans la vie à la fondation d’une famille (« fonder une famille », « avoir … une belle femme et des enfants », « stabilité familiale »…) et accordent une certaine importance à la notion de solidarité en évoquant l’assistance aux parents :« aider ses parents », « améliorer la situation financière de ma famille », « satisfaire ses parents »…

115Le sentiment de désillusion a certainement renforcé le « refuge dans la spiritualité », surtout que bon nombre de jeunes se trouvent « sous le feu » de certaines chaînes de télévision « prêchant la bonne parole », comme IQRA TV 44. Cela se reflète dans certaines réponses faisant appel à la religion, un facteur déterminant de la motivation et de la persévérance de bon nombre de sujets : « … et ne pas oublier la prière, car c'est la bonne façon de se rapprocher du Dieu Tout-Puissant et le début du succès », « se rapprocher de Dieu », « le succès dans la vie, c'est quand vous réalisez pour la première fois que vous avez été créé pour la misère et non pour le confort, et après cette prise de conscience, tout ce qui vous arrive est considéré comme une leçon ou un succès. » , « …et la Omra45 , si Dieu le veut », « avoir de la foi »… », « la foi en Allah et la prière et la simplicité ».

116Si l'école a pour finalité, entre autres, de préparer les jeunes à s’insérer dans le monde du travail, elle a également pour grand objectif de former les futurs acteurs du pays. Comment parvenir, dans cette crise socio- politique, à transmettre aux jeunes les valeurs éducatives et citoyennes ?

117L’analyse des données recueillies nous montre à quel point la crise a impacté le rapport des jeunes avec les politiques et les institutions. La surmédiatisation et l’environnement auraient une grande part de responsabilité dans le modelage des perceptions, attitudes et comportements des sujets.

118En effet, les réponses des lycéens à la question 946 sont assez significatives. Nous relevons le champ sémantique de la désillusion et du désespoir, à travers l’emploi de termes et expressions paroxystiques et emblématiques d’un contexte de profonde crise généralisée. 80% des réponses sont à connotation négative (« Chacun pour soi », « je suis déçu et désespéré », « le gouvernement ne laisse pas les jeunes tranquilles », « grave », « insuffisant », « très pauvre », « corrompu », « nul », « nous n’entendons que des choses négatives ») ce qui rappelle l’idée d’une surenchère médiatique et environnementale sur la situation de crise.

119Sachant que l’école est l’une47 des instances majeures de « socialisation primaire » (Ben Jdira ,2017), l’effet de la crise sur les jeunes comporte quelques éléments qui joueraient en faveur de leur développement personnel. 83% des réponses à la question 10 montrent que les jeunes ont d’emblée une alternative à un niveau individuel : « achever ses rêves », « garder la motivation », « fonder une famille, pouvoir l’assumer, aider ses parents, pouvoir voyager… », « avoir un travail et une belle femme », « le succès, c'est progresser dans la vie et apprendre de ses erreurs », « travailler et faire des sacrifices à un jeune âge pour assurer un avenir prospère ».

120La recherche d’échappatoires peut être considérée comme une forme de résistance en temps de crise. Que ce soit à travers le religieux, la famille, l’ambition de réussite personnelle ou encore l’idée de quitter le pays, tout semble s’inscrire dans la recherche permanente et quasi individuelle d’une issue à crise.

121Le climat socioéconomique tunisien alimente un autre phénomène, celui de la migration illégale qui n’a pas cessé de prendre de l’ampleur, depuis la « révolution du jasmin ». De juillet à août 2017, 1 040 personnes ont tenté une traversée clandestine vers l'Italie (Boukhayatia ,2018) contre plus de 2000, de janvier à août 2022. Selon le FTDES48 , 10139 Tunisiens ont pu atteindre les côtes italiennes, en 202249. De plus en plus de jeunes Tunisiens déclarent vouloir émigrer et le sentiment de détresse et le désir d'amélioration des conditions économiques sont les plus cités pour justifier cette décision. De nombreux travaux lient le choix migratoire à une possibilité de s’émanciper sur le plan socioéconomique et parfois politique dans le cas de restriction des libertés et de persécution dans le pays. C’est dans cet ordre d’idées que nous avons ajouté ,à la question 1650, l’item relatif à la migration.

122Si une minorité de sujets (10%) considère que « la réussite dans la vie passe par la réussite aux études », un certain nombre d’entre eux (14%) considère que « la réussite dans la vie peut avoir lieu ailleurs que dans le pays », ce qui peut être interprété comme une pensée relativement précoce de la possibilité d’émigrer. En fonction de la perception de soi, l’individu a une certaine conception de la « Réussite dans la vie ».

Représentations de la réussite dans la vie et Projections dans l’avenir des adolescents

123Pour mieux appréhender la conception qu’ont les sujets de la réussite dans la vie, nous leur avons posé la question 10. Les réponses obtenues sont variées. Certains sujets établissent un lien entre la richesse matérielle et la réussite dans la vie : « être riche », « se créer une source de financement », « l’argent », « avoir de l’argent », « vivre avec confort », « un confort matériel », « gagner de l'argent et vivre dans le confort absolu », « une vie confortable » …

124D’autres semblent « idéalistes » , liant la réussite dans la vie à des apports d’ordre plutôt moral , comme la réalisation de (ses) rêves (« réaliser ses rêves », « achever ses rêves », «le succès, c'est quand un individu peut réaliser ses rêves ») et aspirations (« réaliser toutes vos aspirations », « accomplissement des aspirations », «réaliser ses ambitions », « réaliser ce qu’on aime » , « réaliser ce qu'une personne souhaite pour elle-même et pour la société »), le succèssuccès dans quelque chose que l’on aime », « atteindre / réaliser ses objectifs » , « faire ce qu’on veut et être fier de soi-même »). Il s’en suit la satisfactionêtre satisfait de soi »), le bonheurêtre heureux et épanoui », « la joie », « le bonheur » …).

125Bon nombre de sujets lient la réussite dans la vie à la réussite aux études (« c’est réussir dans ses études », « le succès dans les études », « fournir un effort particulier dans tes études », « l'obtention du diplôme »), à l’acquisition et l’exercice d’un travail ( « avoir un bon travail », « dur labeur », « une personne doit travailler dur pour atteindre le succès », « être fier de votre travail », « le succès dans le travail » , « le travail », « cela signifie travailler toujours » , « avoir un emploi stable », « avoir une bonne carrière »), d’où l’intérêt accordé par les adolescents tunisiens à la « valeur travail » , qui a tendance à disparaitre un peu partout dans le monde.

126Concernant la voie qui mène le mieux à la réussite dans la vie (Question 11), les enquêtés ont présenté une panoplie de réponses que nous avons pris soin de classer en deux grandes catégories, comme suit :

127• Critères intrinsèques (qualités) : le travail (« par le travail , le travail et le travail », « la persévérance », « la diligence » , « la détermination » , « l’ambition » , « la constance » , « la persistance », « ne pas abdiquer » ,« la passion » , « avoir des vocations » , « le sens du sacrifice ») , la poursuite d’un rêve / d’un objectif (« se concentrer sur son objectif »,« se fixer un objectif et s'efforcer de l'atteindre », « attachement aux objectifs … », le « sérieux », la «volonté »…

128• Critères extrinsèques (environnement favorable) : « les études », « étudier dur et réussir », « réussite dans les études », « études et succès ».

129Nous sommes convaincus que les représentations sociales ont un impact certain sur les attitudes et comportements des acteurs sociaux, ici les apprenants (Ailincai et al.,2018). D’un autre côté, nous considérons que dans l’inconscient collectif, une bonne estime de soi, synonyme d'une bonne adaptation sociale, permet de se projeter positivement dans l’avenir, en termes de choix professionnels (Ben Jdira ,2014).

130C’est pourquoi, nous avons cherché à connaitre l’influence de ces perceptions, plutôt négatives, du système éducatif sur les projections dans l’avenir des sujets, sur le plan professionnel (Q.1351), d’une part, sur leurs conceptions de la réussite dans la vie, d’autre part.

131Nous constatons que les sujets, dont l’estime de soi est relativement bonne, se sont projetés dans des professions qualifiées de prestigieuses52 et nécessitant, en général, un cursus universitaire « de longue haleine », des études longues et difficiles (Ben Jdira ,1999), comme la médecine, l’ingénierie, le barreau. Toutefois, certains ont exprimé une préférence pour des métiers nécessitant un don bien particulier comme les métiers de l’Art.

132D’autres sujets semblent encore indécis : « avocate / sportive », « avocate / institutrice », « ne sais pas encore », « en cours de réflexion ». D’autres encore se montrent plutôt « idéalistes » : « personne qui réussit », « citoyen efficace dans n’importe quel domaine », « un sage », « quelque chose que j’aime ».

133Le politologue Hamza Meddeb estime que « le système enchaine les jeunes à la marge » en les maintenant « dans une forme de subalternité sociale. Ils sont les derniers arrivés sur le marché du travail, ce qui les exclut de la sécurité économique »53.

134Ce constat explique en partie le fait que 53,4% aient choisi la réponse « Autre », à la question 13. Un choix d’orientation qui illustre l’incongruence entre contexte socioéconomique et estime de soi ou ce qu’on désigne, dans la théorie sociale cognitive (Bandura, 1982) par  sentiment de compétence ou d’auto-efficacité (self-efficacy en anglais). Bandura suppose que la perception subjective des chances de réussite peut déterminer en partie les comportements du développement de carrière. Le sentiment de compétence facilitera des comportements efficaces de planification des carrières (Stevanovic et Mosconi, 2007).

Conclusion

135Le chômage et l’injustice sociale étaient au cœur des protestations de 2011. Les réformes politiques n’ont pas permis de réduire les inégalités et les disparités, ni en matière d’éducation , ni en matière d’emploi,.

136De nos jours, la Tunisie fait face à de multiples phénomènes de déstabilisation susceptibles d’altérer les perspectives d’avenir des adolescents. Les données recueillies grâce à cette enquête ont mis au jour la perte de confiance des jeunes lycéens dans les institutions et envers les politiques. Cette désaffiliation a impacté leur degré de confiance dans l’institution éducative et ses représentants. En matière d’identification, ils semblent puiser leurs supports de leur vécu télévisuel, voire virtuel (réseaux sociaux). Il parait évident que les modèles-types ainsi que les idéaux-types véhiculés par les médias ne sont pas sans modeler leurs représentations et influer, dans une large mesure, sur leur système identificatoire.

137Ceci étant, leurs projections dans l’avenir ne concordent pas avec le contexte socio-économico-politique. Ils gardent une haute estime d’eux-mêmes et s’acharnent à trouver des créneaux à leur réussite personnelle, notamment par le biais de la contestation et parfois de la migration. L’icône révolutionnaire Lina Ben Mhenni avait prédit, en 2011, que « les enfants de la révolution » (les 10-15 ans) seront « meilleurs que les générations qui les ont précédées, qu’ils ne pardonneront pas et reprendront la lutte avec des moyens nouveaux, audacieux et intersectionnels » (Haddaoui,2021).

138L’État tunisien n’ayant pas de perspectives professionnelles ou d’avenir à offrir à sa jeunesse, la solution résiderait dans la mise en place d’un dispositif de gouvernance capable d’assurer la formation, l’intégration et l’adhésion des jeunes ainsi que le passage par une forme d’empowerment individuel et collectif (Fadhloun,2018).

139Pour y parvenir, il faudra pouvoir sortir de la vétusté d’un système éducatif qui a visiblement atteint ses limites, incontestablement inadapté aux nouvelles générations. Au-delà des réformes urgentes à mettre en place, l’issue tant souhaitée à cette crise ne pourra se concrétiser qu’à travers l’instauration d’un nouveau régime de gouvernance. Pour voir ce nouveau paysage, faudra-t-il révolutionner la révolution tunisienne ?

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Notes

1 . Selon les indicateurs de l’emploi et du chômage du troisième trimestre 2022 publiés par l’Institut national de la statistique (INS), le taux de chômage des diplômés de l’enseignement supérieur a augmenté pour atteindre 24.3 % au troisième trimestre 2022 , contre 22.8 % au deuxième trimestre de la même année. Ce taux est de 15.2 % chez les hommes et de 32.0 % chez les femmes au troisième trimestre 2022.

2 Que nous avons pris soin d’arabiser et adapter au niveau des répondants

3 Médias classiques et sociaux

4 https://www.intt.tn/upload/files/Rapport%20Enqu%C3%AAte%20.pdf

5 Consommant plus de trois heures de télévision par jour

6 Aux autres activités de loisir

7 Statistiques scolaires – Ministère de l'éducation Tunisie (education.gov.tn)

8 Alliance pour les chiffres de la presse et des médias

9 Voir à ce propos Wikipedia

10 Sur le site de la chaîne

11 Cités par Cabedoche (2012)

12 Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux

13 https://www.leaders.com.tn(2016)

14 Universitaire, Enseignant - chercheur en droit public

15 Cités par Stiassny(2020)

16 Organisation de Coopération et de Développement Economiques

17 Diplômés du supérieur

18 Les docteurs et doctorants sans emploi entament une « semaine de colère » : Quand l’élite revendique sa dignité !(Par Khalil JELASSI, Equipe Rédaction, La Presse de Tunisie , Publié sur 19/11/2020- https://lapresse.tn/79180/les-docteurs-et-doctorants-sans-emploi-entament-une-semaine-de-colere-quand-lelite-revendique-sa-dignite/)

19 Khalil , Jelassi, « Les docteurs et doctorants sans emploi entament une « semaine de colère » : Quand l’élite revendique sa dignité » ! La Presse de Tunisie, 19/11/2020

20 Universitaire et homme politique tunisien.

21 Fuite des cerveaux : comment les entreprises tunisiennes répondent au défi (21 octobre 2023 https://managers.tn/2023/10/21/fuite-des-cerveaux-comment-les-entreprises-tunisiennes-repondent-au-defi/)

22 Mohamed Hedi Abdellaoui , « Tunisie: Fuite des cerveaux, un grand désastre ! »- ARAB NEWS.COM (29 mai 2023)

23 Najla Bouden, ex-cheffe du gouvernement tunisien

24 https://www.businessnews.com.tn/en-tunisie-des-laboratoires-de-reere-ferment-a-cause-de-la-fuite-des-cerveaux,520,79025,3

25 https://information.tv5monde.com/afrique/migrations-des-jeunes-tunisiens-quand-je-vois-la-situation-ici-je-me-dis-quil-vaut-mieux

26 Idem

27 Voir plus haut, « Surmédiatisation-amplification de la crise multidimensionnelle en Tunisie »

28 Question 6

29 Questions 7, 8, 10, 11, 12,14,15,16

30 Questions 9 et 13

31 « Comment évaluez-vous, en gros, votre niveau scolaire ? » + 6 possibilités)

32 « La famille et les médias constituent deux agents importants de socialisation pour l'enfant ». (Proulx et Laberge, 1995).

33 https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/04/11/

34 Idem

35 https://www.voaafrique.com/a/tunisie-haro-sur-une-s%C3%A9rie-t%C3%A9l%C3%A9vis%C3%A9e-diffus%C3%A9e-pendant-le-ramadan/7019745.html

36 L’article 80 de la Constitution Tunisienne prévoit des mesures « en cas de danger imminent menaçant l’intégrité de la patrie ou la sécurité du pays et son indépendance, d’une manière qui entraîne l’impossibilité de poursuivre le fonctionnement normal des institutions de l’État. »

37 Jour de la fête nationale

38 Chiffre ne prenant pas en compte les 1,5 millions de Tunisiens résidant à l’étranger

39 https://www.francophonie.org/tunisie-covid19

40 La crise de la Covid 19 en Tunisie est elle-même à l’origine d’une contraction de plus de 10% de l’économie tunisienne. https://africacenter.org/fr/spotlight/la-tunisie-en-crise-une-explication/

41 Entre guillemets dans le texte d’origine

42 Question 10 : « Que veut dire, pour vous, « réussir dans la vie » ?» et 11 « Quelle est, à votre avis, la voie qui mène le mieux à la réussite dans la vie ? »

43 L’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) est une organisation internationale qui œuvre pour la promotion des politiques publiques pour l’égalité des chances en favorisant la prospérité.

44 IQRA TV est une chaîne de télévision par satellite et Internet appartenant à Arab Media Corporation. Fondée en 1998, elle se présente comme un "havre de paix pour la famille musulmane".

45 La Omra ou Umra (arabe : ʿumra, عُمْرة, petit pèlerinage) est une forme de pèlerinage à la ville sainte de La Mecque (Arabie saoudite). Elle n'est pas obligatoire contrairement au hajj.

46 « Sans doute, il vous est arrivé de suivre les informations sur la situation du pays (crise économique et politique). A travers ce que vous avez regardé à la télévision ou entendu dans votre entourage sur les institutions et le gouvernement, comment vous représentez-vous la Tunisie ».

47 L’autre étant la famille

48 Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux

49 https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/08/25/migrants-plus-de-2-000-mineurs-tunisiens-arrives-clandestinement-en-italie-depuis-janvier_6138978_3212.html

50 Question 16. Quelle est l’opinion qui se rapproche le plus de la vôtre au sujet de la « réalisation de soi » / réussite dans la vie ? Parmi les 5 choix, nous avons ajouté le suivant : « La réussite dans la vie peut avoir lieu ailleurs que dans le pays »

51 « Que projetez-vous de devenir plus tard ? »

52 En 1981, Linda Gottfredson a proposé une modélisation des représentations des professions en les classant sur deux axes simples : masculinité/féminité et niveau de prestige. ( Voir Gottfredson L. (1981), in « Circumscrition and compromise : A developmental theory of occupational aspirations ». Journal of Counseling Psychology, vol. XXVIII, n° 6, p. 545-597.

53 https://blogs.mediapart.fr/nadia-haddaoui/blog/030221/qu-est-ce-qui-souleve-la-jeunesse-tunisienne

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Abdelkader Ben Jdira et Fadhloun Itidel, «La médiatisation de la crise socio-politique : quelles répercussions sur les représentations et projections dans l’avenir d’adolescents scolarisés ?», French Journal For Media Research [online], Browse this journal/Dans cette revue, 19/2024 Varia - publications en cours, Articles, last update the : 06/11/2024, URL : https://frenchjournalformediaresearch.com:443/lodel-1.0/main/index.php?id=2284.

Quelques mots à propos de :  Abdelkader Ben Jdira

Abdelkader Ben Jdira

Docteur -Chercheur en sciences de l’information-communication - IPSI-Université La Manouba (Tunis)

abdel.bjdr@gmail.com

Quelques mots à propos de :  Fadhloun Itidel

Itidel Fadhloun

Docteure - chercheuse en science politique, Laboratoire Triangle, UMR 5206 du CNRS, IEP

Lyon, ENS Lyon. UJM St Etienne

Professeure à l’IAE de l’université Jean Monnet Saint Etienne

itidel.ldh@gmail.com

 

 

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