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Pour une (socio)linguistique de l’Action : le langage comme instrument de l’invention/négociation du monde.
Exemple du débat télévisé
Résumé
Les débats politiques télévisés se caractériseraient par un ensemble de pratiques et d’occurrences conflictuelles. L’objet de cet article est d’adopter un autre point de vue : considérer l’affrontement des interlocuteurs comme un fait de surface et montrer qu’il procède d’un processus de co-construction de sens tout autant qu’un processus de co-construction du réel. Le débat politique télévisé serait davantage l’expression d’une relation interpersonnelle au cœur de laquelle les interlocuteurs, dans une dynamique interlocutoire conflictuelle, co-construisent un univers référentiel commun ; c’est-à-dire co-construisent un monde qui se dit et non un monde déjà là.
L’article prend pour cadre théorique les travaux et outils développés par les science studies pour ouvrir à ce que nous avons appelé une sociolinguistique de l’Action : le langage envisagé comme instrument de l’invention/négociation du monde. Nous nous appuierons sur les travaux de Bruno Latour et en particulier sur sa déconstruction de l’épistémologie politique de Platon pour re-questionner la place de la Raison et de la « technicisation » – en particulier le rôle joué par les experts – en montrant qu’elle participe d’une démarche fondamentalement anti-démocratique.
Abstract
The political debates on TV would be characterized by a set of practices and conflictual occurrences. The object of this article is to adopt another point of view: considering the confrontation between the interlocutors as a surface fact and showing that it is the result of a process of meaning co-construction as much as of a process of reality co-construction. The political debate on TV would be more the expression of interpersonal relationships within which, the interlocutors, in a conflictual interlocutory dynamics, co-build a common system of reference, that is to say, they build up a world that comes to life through the language and not a world that exists yet. The theoretical framework of this article is the work and tools developed by science studies, which then paves the way for a sociolinguistics ofAction: the language considered as the instrument of the invention, of the negotiation of the world. We'll rely on the work by Bruno Latour, and in particular, on his deconstruction of Plato's political epistemology to question again the place of reason and “technification” - in particular the role played by the experts - showing that it is fundamentally part of an undemocratic approach.
Table of content
Full text
Introduction
1 Partons d’un constat : les débats politiques télévisés se caractérisent par un ensemble de pratiques et d’occurrences conflictuelles.1 Ils se définiraient même d’emblée par cette dimension conflictuelle et ces joutes verbales dont parle le psycholinguiste Uli Windisch2 et seraient ainsi ressentis comme l’expression d’une situation endémiquement polémique. L’affrontement des sujets, l’adversité et le conflit, apparaissent comme l’une de leurs caractéristiques principales, et le lien structurel entre tous ces débats pourrait se résumer en un mot : le « duel » – titre donné explicitement par ailleurs aux débats dans l’émission France Europe Express. De fait, ils inscrivent le genre dans une dynamique d’affrontement, relation duale qui lui tient lieu de définition : l’interaction argumentative y est en effet définie comme une situation d’affrontement discursif où sont construites des réponses antagonistes à une question commune.3 Nous aurions ainsi affaire à une sorte d’objet creux, vide de sens, immobile, pour reprendre l’expression de Marianne Doury.4
2 C’est effectivement l’un des points de vue que l’on peut adopter sur ces débats. Mais ce n’est pas le seul. Il est ainsi possible de considérer l’affrontement comme un fait de surface – qui apparait certes dans la mise en mots –, mais qui procède d’un processus de co-construction de sens tout autant qu’un processus de co-construction du réel. Il ne s’agit pas de nier la dynamique conflictuelle, mais d’adopter une autre perspective : reconnaître la dimension agonistique des débats – comme élément constituant de leur contrat de communication télévisuel – mais voir aussi comment cela produit du sens. Dans cette perspective, ce qui se joue entre les acteurs du débat, bien davantage qu’un conflit, c’est une coopération communicative très forte – à l’intérieur d’un genre discursif qui est posé, et dont ils connaissent les règles et les contraintes spécifiques ; règles et contraintes qu’ils construisent en les reproduisant, de telle sorte qu’ils produisent un sens.5 Et ils ont besoin les uns des autres pour produire ce sens ensemble.6 Ces interactions conflictuelles visent à « faire faire », « faire croire » ou « penser », faire adhérer à une réalité, sociale, politique ou culturelle, qui produit des effets.
3 Notre problématique dans cet article est ainsi la suivante : le débat politique télévisé – en tant qu’activité de communication spécifique7 – est l’expression d’une relation interpersonnelle au cœur de laquelle les interlocuteurs, dans une dynamique interlocutoire conflictuelle mais aux règles partagées, co-construisent un univers référentiel commun. Cette relation interpersonnelle, réglée et porteuse d’enjeux identitaires, signifie un rapport commun au monde ;comme l’écrit John Gumperz, « interagir c’est aussi partager quelque chose ». (Gumperz, 1989, 155). Le débat politique télévisé – en s’articulant autour de déclinaisons identitaires – doit alors être pensé comme un espace contractuel de genèse intersubjective à travers laquelle les sujets actualisent ce rapport commun au monde ; c’est-à-dire co-construisent un monde qui se dit (dont la « communauté » au sens de ce qui est commun – se construit par le langage : sociolinguistique de l’Action), et non un monde déjà là.
Notre corpus
4 Nous avons sélectionné ici des séquences dialogiques dans deux débats issus de l’émission 100 Minutes pour convaincre8:
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Emission du 22/10/2002 – invité : Jean-François Mattei ;
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Emission du 24/04/2003 – invité : François Fillon.
5 Nous avons également intégré des séquences issues de deux débats de l’entre-deux tour des élections présidentielles :
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Débat télévisé du 5 mai 1981 entre MM. Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand (présentation : Michèle Cotta, Jean Boissonnat).
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Débat télévisé du 2 mai 1995 entre MM. Jacques Chirac et Lionel Jospin (présentation : Alain Duhamel et Guillaume Durand).
6Le choix de ces deux émissions télévisées repose sur le fait qu’elles se donnent ouvertement pour objectif de présenter deux interlocuteurs qui se font face : à ce titre, elles sont emblématiques du genre « débat télévisé » (Nel, 1990) : par leur disposition scénique, leur mise en scène (et en sens) des échanges, la recherche de la contradiction et du « face-à-face », autrement dit l’inscription du genre dans une dynamique conflictuellemise en relief par la réalisation, par exemple avec l’utilisation de split screen pour l’émission 100 Minutes pour convaincre.
Cadre théorique
7 Les travaux et outils développés par les science studies nous semblent pertinents pour traiter notre problématique, en ce qu’ils permettent de dépasser la linguistique informationnelle (héritée des conceptions platoniciennes sur le langage – adéquation monde/langage) pour ouvrir à ce que nous avons appelé une sociolinguistique de l’Action : le langage envisagé comme instrument de l’invention/négociation du monde.9
8 En effet, la méthode des science studies consiste à regarder les choses en train de se faire – et non plus les considérer comme étant déjà constituées. Le renouveau des science studies est précisément venu du fait que les anthropologues des sciences se sont penchés sur les pratiques scientifiques et non plus seulement sur les discours ou sur « la Science », comme s’il s’agissait d’un objet achevé.10
9 Ce même travail est à engager pour « le Social » : celui-ci n’est pas, mais il est en constante re-négociation, tout comme le monde : c’est-à-dire que le social et le monde se redéfinissent l’un l’autre. La politique, le social et le monde sont en re-construction/re-négociation continuelle. De sorte que le monde n’est pas naturel, ou déjà là, (vs social ou symbolique) mais qu’il ad-vient : c’est-à-dire qu’il est à construire en permanence par le biais du langage, y compris dans le conflit (sociolinguistique de l’Action).
10 Nous nous appuierons sur les travaux de Bruno Latour et en particulier sur sa déconstruction de l’épistémologie politique de Platon (le Grand Partage – distinction du « monde naturel » et du « monde social »). Nous revisiterons avec lui le mythe de l’allégorie de la Caverne symbolisant l’aristocratisme – opposition entre le savant-philosophe et le peuple ignorant – pour re-questionner la place de la Raison et de la « technicisation » – en particulier le rôle des experts, ou le recours à la parole des experts dans les débats politiques télévisé – qui participe d’une dérive fondamentalement anti-démocratique.11
Le Grand Partage platonicien
11 La tradition épistémologique classique (platonicienne) a radicalement conditionné notre rapport au monde. Dans le système platonicien, le logos s’oppose à la doxa, qui est chargée de tous les maux : influençable, irrationnelle, instable, dangereuse, etc. Dans le paradigme platonicien, le monde est ainsi partagé en deux sphères hétérogènes : d’un côté le monde naturel (de la Science), le monde des faits, des choses telles qu’elles sont (logos) –, de l’autre le monde social (de la politique), le monde du Sujet et des représentations (doxa).
Figure 1 : paradigme platonicien
12Dans la lignée du système platonicien, pour la linguistique informationnelle (relevant d’une linguistique immanentiste héritée des premières philosophies du langage), le langage dit le monde, il ne le crée pas – ou alors seulement sur le plan symbolique.12 La linguistique est fondée sur la « métaphore du conduit » (communication codique : schéma Emetteur-Récepteur) : le langage est fondamentalement informationnel (et le monde naturel), c’est-à-dire qu’il transporte l’information de ce sur quoi il porte et qu’il dédouble. C’est le principe de la théorie du signe – même si elle ne dit rien de la construction du rapport entre signifié et référent.13
13 Il s’ensuit donc que « d’un côté, lorsqu’on dit “scientifique”, ou lorsqu’on enseigne les sciences, on attribue à celles-ci “le pouvoir de dire ce qu’il en est des choses”. De l’autre, la politique recouvre l’ensemble des décisions des citoyens “par rapport à ce qui doit être”. »14
Figure n°2
14De plus, comme l’illustre le schéma ci-dessous proposé par Bruno Latour, le « Grand Partage intérieur » – séparation entre la Nature et le Social – explique le « Grand Partage extérieur » : nous serions les seuls (occidentaux) à établir une différence radicale, absolue, entre la Nature et la Société. Nous séparons le monde naturel du monde social/politique (en nous efforçant de ne surtout pas mélanger)alors que tous les autres mélangent, « qu’ils soient chinois ou amérindiens, zandés ou barouyas, [ils] ne peuvent séparer vraiment ce qui est connaissance de ce qui est société, ce qui est signe de ce qui est chose, ce qui vient de la nature telle qu’elle est de ce que requièrent leurs cultures. »15
Figure n°3 : grand partage intérieur et extérieur
15Le Grand Partage extérieur réside dans cette distinction entre « Nous » et « Eux » : mobilisant la Nature telle qu’elle est, telle que la Science la (re)connaît, ou la dévoile – et non pas simplement une représentation symbolique de celle-ci – l’occident ne serait donc pas une culture comme les autres, ou pas seulement une culture.
L’allégorie de la Caverne
16 Ce Grand Partage est construit par Platon avec l’allégorie de la Caverne qui définit les rapports de la Science et de la Société – racontée par Platon dans le livre II de La République.16 L’allégorie de la Caverne présente les individus comme incapables d’avoir accès au monde réel : ceux-ci sont prisonniers des apparences dans une caverne obscure (symbolique de leur ignorance) et seul le philosophe-savant est en mesure d’échapper à l’enfer de la Caverne, du Social, où règnent conflits et chaos, pour contempler la réalité – et non plus seulement son reflet – et revenir ensuite délivrer les ignorants de leurs fictions et de leurs représentations subjectives.
17 Le mythe platonicien construit dans un même mouvement une certaine représentation de la Science (rationnelle, objective, neutre, etc.), et un monde social en proie aux conflits et au chaos, règne des représentations et des émotions subjectives, irrationnelles. De fait, la définition de la Science n’est jamais neutre. Marianne Doury a ainsi montré que la Science, dans l’imaginaire social, se caractérise émotionnellement : celle-ci est froide, impersonnelle, c’est-à-dire justement non-émotionnelle. « Il semblerait que très profondément et depuis très longtemps, la science soit appréhendée comme incompatible avec l’émotion. » (Doury, 2000, 96)
18 Le mythe construit donc, dans un même mouvement, une certaine idée de la Science et de la Société, qui lui sert de repoussoir. Dans ce cadre épistémologique, l’enseignement et la vulgarisation de la Science doit permettre aux individus de se « détacher » de l’opinion, de la doxa, de la tyrannie des émotions et passions, pour accéder à la réalité. Aussi, pour Latour, c’est « à force de Raison » que les modernes pensaient pouvoir se laver du « péché de l’opinion » ; « à force de Raison », ils pensaient pouvoir passer de la doxa au logos, devenir enfin raisonnables, objectifs, rationaliser le monde humain et les sociétés qui mélangeaient (encore) les faits et les valeurs, la Nature et la Société, la Science et la politique.17 Ne reconnaissant pas l’existence de possibles conflits – car seules les représentations subjectives et superficielles étaient en jeu (et n’engageaient donc pas le monde réel) –, les modernes n’auraient ainsi jamais fait la guerre mais juste dispenser le progrès par les armes, n’ayant pas d’ennemis mais seulement de « mauvais élèves ».
19 Dans le Gorgias, Socrate et Calliclès sont d’accord sur l’essentiel : la populace a besoin de dirigeants, sophistes pour l’un, philosophes pour l’autre. Cette discussion n’a en fait rien perdu de son actualité18 : l’utilité du mythe de la Caverne réside aujourd’hui en ce qu’il permet une Constitution organisant la vie publique en deux chambres : d’un côté l’enfer du monde Social, de l’autre le monde naturel, le monde des choses telles qu’elles sont, le monde des faits, insensibles à nos querelles et nos fictions partisanes ; et toute l’autorité du modèle réside dans la capacité donnée au scientifique-expert (incarnation moderne du philosophe-savant d’hier) de passer – dans les deux sens – d’une chambre à l’autre.
20 La subtilité de cette épistémologie politique repose aujourd’hui sur le pouvoir conféré au scientifique-expert de « faire parler » les faits – parce qu’il appartient à la première chambre – et donc de « dire vrai » – puisqu’il peut s’arracher au monde Social (par la Science) et, en revenant dans la chambre basse, faire taire le bavardage incessant des ignorants.
La double rupture du mythe platonicien
21 L’allégorie de la Caverne marque donc deux ruptures : la première fait que le philosophe – et aujourd’hui le scientifique, ou l’expert – s’il veut accéder à la Vérité, doit s’arracher à la tyrannie du Social, de la politique, de la doxa, c’est-à-dire sortir de la Caverne. La deuxième rupture traduit le fait que le scientifique/expert, une fois parvenu à s’extraire de l’enfer du Social, peut – autant de fois qu’il le souhaite – revenir dans la Caverne et, par le biais de résultats indiscutables et de vérités établies (les faits), y faire taire les débats, les conflits, les dissensions, les controverses, etc.
22 Aussi, l’inusable efficacité du mythe de Platon s’explique et tient sans doute au fait qu’aucune de ces deux ruptures n’empêche pourtant leur exact contraire qui se trouve combiné dans la seule figure héroïque du Philosophe-Savant, à la fois Législateur et Sauveur. Bien que le monde de la vérité diffère absolument et non relativement du monde social, le Savant peut malgré tout passer à l’aller comme au retour de l’un à l’autre monde : le passage fermé pour tous les autres est ouvert à lui seul. En lui et par lui, la tyrannie du monde social s’interrompt miraculeusement : à l’aller, pour lui permettre de contempler enfin le monde objectif ; au retour, pour lui permettre de substituer, tel un nouveau Moïse, l’indiscutable législation des lois scientifiques à la tyrannie de l’ignorance. Sans cette double rupture, il n’y a pas de Science, pas d’épistémologie, pas de politique sous influence, pas de conception occidentale de la vie publique. (Latour, 1999, 23)
23 Si dans le mythe originel de Platon, le philosophe-savant revenant dans la Caverne était mis à mort, aujourd’hui de vastes laboratoires et de puissants équipements permettent aux chercheurs de faire « en toute sécurité » l’aller-retour du monde Social à celui des Idées. Mais ce qui n’a pas changé, vingt-cinq siècles plus tard, c’est la double rupture que la forme du mythe a imposée. Nous demeurons fidèles à l’idée selon laquelle la Science n’a de possible existence qu’en séparant les choses telles qu’elles sont des représentations que l’on s’en fait ; la division entre les questions d’ordre ontologique et épistémologique demeurant garante de la vie morale et sociale. Sans Nature, nous ne pourrions pas distinguer le vrai du faux, comprendre ce que sont les choses et donc pacifier la vie publique, politique, sans cesse menacée de conflits.
24 Cette forme d’épistémologie que constitue la double rupture du mythe pose définitivement la Science comme unique salut contre l’enfer du monde Social – et ses préoccupations politiques. Fondée sur aucune enquête empirique, et contraire même au sens commun, tout autant qu’à la pratique quotidienne des chercheurs dans les laboratoires, « rien n’y fait, la police épistémologique annulera toujours cette connaissance ordinaire en créant cette double rupture entre des éléments que tout relie, et en peignant ceux qui la mettent en doute comme des relativistes, sophistes et immoraux, qui veulent ruiner toutes nos chances d’accéder à la réalité extérieure et ainsi de réformer, par ricochet, la société. » (Latour, 1999, 26)
L’événement Galilée
25 Platon valorisait le pouvoir qu’avaient les démonstrations mathématiques de « mettre tout le monde d’accord » sur leurs énoncés. Avec Galilée, « les enfants de Platon » auraient réussi, en donnant l’impression de produire enfin un savoir stable sur le monde – c’est-à-dire un savoir qui soit débarrassé de l’opinion, de la doxa (et donc aussi paradoxalement hors des pratiques démocratiques).19
26 Isabelle Stengers estime en effet que les « sciences modernes » prétendent supplanter les philosophies qui, hier, théorisaient leur rupture avec l’opinion ; soulignant que les sciences positives exigent – et c’est là sans doute leur motif inaugural – « de faire taire ceux qui prétendraient que “ce n’est que de la fiction”. Tel est, selon [elle], le premier sens de l’affirmation “cela est scientifique”. » (Stengers, 1993, 94) Aussi, « Au nom de la science », « au nom de l’objectivité scientifique », nous avons vu se construire des définitions et des redéfinitions des problèmes impliquant la vie publique.
27 L’ « événement Galilée » fut ainsi un « événement » en ce qu’il imposa le silence aux autres démarches, contrairement à Kepler, dont les innovations astronomiques ne produisirent pas de rupture avec l’astrologie par exemple. Aussi, un tel événement fait rupture et produit des héritiers. Selon Stengers, la science galiléenne inaugure la science moderne, modelant un nouveau territoire – la physique – susceptible de faire taire les autorités anciennes et de convertir, en les disqualifiant, les autres discours en simples « opinions ». Ainsi
28Dans le Discours de 1608 apparaît l’idée que les énoncés de Salviati-Galilée ne sont nullement des opinions d’auteurs comme le prétend Sagredo, puisque quiconque s’y oppose se voit démenti non par leur auteur, mais par la réalité elle-même, grâce au dispositif expérimental du plan incliné. (Jouary, 1999)
29 Pour Stengers, le véritable événement réside ainsi dans la mise en scène expérimentale elle-même, qui impose le silence à quiconque s’oppose à la façon galiléenne de poser le problème du mouvement. Car, dans ce dispositif, « si la science respecte les faits, tous les faits ne se valent pas ». (Jouary, 1999) Les faits, ici, sont construits (élimination théorique des frottements par exemple), créant un lien sélectif entre les mots et les phénomènes capable de fabriquer un témoin fiable apte à « faire taire ».
« L’appel à Galilée »
30 Dans ses travaux sur l’argumentation dans les débats médiatiques, Marianne Doury met à jour un fait argumentatif récurrent – corroborant le sentiment exprimé par Stengers – qu’elle nomme l’appel à Galilée.20 Celui-ci fonctionne comme une sorte « de lieu commun argumentatif dans le sens de fait argumentatif récurrent dans un champ discursif donné. » (Doury, 1993, 123) En effet, la plupart des polémiques cherchent à s’inscrire dans une sorte de « tradition polémique », par rapport à laquelle elles s’identifient et se légitiment. Et au sein de cette « mémoire polémique », les interactants isolent un moment polémique particulier – jugé représentatif – qui va constituer l’événement fondateur, matriciel, par rapport auquel la polémique va trouver sa cohérence : c’est justement l’affaire Galilée, et plus précisément même le procès de Galilée.
31L’argumentation basée sur l’appel à Galilée peut viser deux types de conclusions, l’une plus forte que l’autre. Le premier mouvement argumentatif est radical, puisqu’il présuppose la validité de la nouvelle théorie. L’interlocuteur, qui lui est opposé, est pressé non pas de réserver son jugement, mais de changer d’opinion. Il doit émettre un jugement favorable sur la théorie novatrice sous peine d’attirer un jugement défavorable sur sa propre personne, puisqu’en rejetant cette théorie, il reproduit l’anti-modèle. Pour illustrer ce cas, la comparaison même avec Galilée, si elle n’est pas assortie de réserves, présuppose la validité de la théorie. (Doury, 1993, 123-124)
32 L’appel à Galilée agit ainsi comme un déplacement de la polémique, du contenu de la théorie discutée, vers une interprétation plus globale de la situation polémique impliquant alors une évaluation des protagonistes. Doury montre aussi qu’il permet de passer d’une controverse scientifique à une polémique argumentative :
33Ce cadre argumentatif correspond à une théorie argumentative qui détourne le débat de la théorie elle-même vers une lecture globale très contraignante de la controverse. Elle impose une interprétation du discours des deux camps en fonction des rôles qui leur sont assignés par l’appel à Galilée, qui joue sur la peur du ridicule : le risque d’être identifié aux inquisiteurs, aux « scientistes » frileux, aux ennemis de la modernité, incite efficacement à la réserve. (Doury, 1993, 124)
34 Ce lieu commun argumentatif s’avère donc constituer un cadre imposant une interprétation argumentativement orientée de la polémique, qui témoigne surtout de la prégnance culturelle en occident de « l’événement Galilée » et de son historicité (héritage du système platonicien).
Un savoir objectif
35 Ce qui nous importe ici c’est de souligner que l’événement galiléen, dans la lignée de l’héritage platonicien, consacre un nouvel usage de la Raison. Il invente, à propos des choses, un « comment » qui définit le « pourquoi » comme son reste, sélectionnant ceux qui seront autorisés à participer à la discussion du « comment » (scientifiques, experts) – à son extension et à ses modifications –, et définissant du même coup les autres (simples citoyens), comme ceux qui viennent après, dans un monde structuré par un partage stabilisé entre ce qui est « scientifique » – affaire des scientifiques – et le reste. Il s’agit de souligner combien ces deux traits sont tous deux politiques : le premier s’adressant aux choses, seul habilité à prescrire la manière dont il convient de s’employer à les traiter ; le second s’adressant aux humains et distribuant les compétences et les responsabilités dans ce traitement.
36 Se dégage alors l’un des aspects politiques du label de scientificité : l’expert est celui qui s’adresse au public comme détenteur d’un savoir objectif – demeurant fidèle en cela au mythe platonicien de l’allégorie de la Caverne. Finalement, c’est « toujours le pouvoir qui se dissimule derrière l’objectivité ou la rationalité lorsque celles-ci deviennent argument d’autorité ». (Stengers, 1993, 96) Jouary explique ainsi que des penseurs comme Hume, Locke, Descartes ou Kant, représentent ces théoriciens de la connaissance auxquels l’épistémologie classique fait traditionnellement référence comme à son point de départ.
37Avec eux, la pratique scientifique tente de se dire pratique « objective », en droit généralisable à l’ensemble des champs de savoir positif : « le même scientifique » pourrait étendre « le même type d’objectivité » à tout ce à quoi il s’adresse. […] (Jouary, 1999)
38 Cette image des théoriciens de la connaissance, incarnant une démarche scientifique objective, n’aurait eu aucune pertinence si dans un même mouvement elle n’avait rencontré un certain nombre de protagonistes très intéressés par les avantages procurés par ce label de scientificité. Car le titre même « d’expert » confère à celui qui s’en réclame des droits et des devoirs.
39Toute définition, ici, exclut et inclut, justifie ou met en question, crée ou interdit un modèle. De ce point de vue, les stratégies de définition par rupture ou par recherche d’un critère de démarcation se distinguent de manière tout à fait intéressante. La « rupture » procède en établissant un contraste entre « avant » et « après » qui disqualifie positivement les prétendants légitimes au titre de science. (Stengers, 1993, 34)
40 Dans les travaux de Doury sur l’argumentation, il apparaît ainsi clairement que l’intérêt de la recherche d’un critère de démarcation entre les sciences et les parasciences (ou non-sciences) tient à la volonté de donner une définition positive de la « vraie » science.21 De telles lectures des sciences sont tout à fait édifiantes dans la mesure où, « comme la vie des saints illustre le pouvoir de la grâce, la vie des sciences ou des concepts illustre alors une idée de la raison. […] Elle fait de l’objectivité le destin général de nos savoirs, l’idéal qu’ils doivent viser. » (Stengers, 1993, 45-46).
Une disjonction anti-démocratique
41 Toute légitimité – dans une société démocratique – est sensée venir du peuple, c’est-à-dire émanée des citoyens et de leurs opinions. Or la définition donné à la Science dans nos sociétés – tout autant que la façon dont on l’enseigne (dès le cycle secondaire) et qui imprègne fortement les futurs citoyens – charge l’opinion d’un certain nombre de « péchés » : celle-ci serait influençable, manipulable, frivole, irrationnelle, etc., la force de la Science étant justement de s’en dégager.22
42 Et cette définition du peuple, comme incapable de produire un savoir cohérent et de se positionner sur les problèmes de société, est propice à une confiscation du politique par d’autres types d’intérêts : c’est pourquoi il revient en dernier ressort aux « experts » – et à eux seuls – de dire au peuple ignorant ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire.
43 Nous héritons ainsi d’une disjonction paradoxale entre la Science (qui permet de se dégager de l’opinion – dangereuse, irrationnelle, etc.) et l’opinion, la doxa – source même de légitimité en démocratie. Cette opposition tend donc à nous engager dans un discours anti-démocratique.
44 Ce clivage entre la Science et l’opinion (Logos/Doxa) fonctionne en effet comme une sorte de modèle implicite dans le traitement médiatique des affaires publiques, politiques, où le recours à l’expertise est devenue monnaie courante : l’autorité scientifique (« les experts sont formels ») servant le plus souvent de cadre normatif de légitimation aux situations conflictuelles : l’expert étant seul en mesure d’exercer l’indispensable travail de séparation des faits et des valeurs (ou des discours).23 Aussi, le recours indirect des interlocuteurs, dans les débats, à l’autorité des « spécialistes » et des « experts », fonctionne toujours comme argument d’autorité – défini comme un schème argumentatif reposant sur l’existence d’un lien entre certaines caractéristiques d’une personne et le crédit qu’il convient d’accorder à son jugement.24
45Il y a argument d’autorité quand le Proposant donne pour argument en faveur d’une affirmation le fait qu’elle ait été énoncée par un locuteur particulier autorisé, sur lequel il s’appuie ou derrière lequel il se réfugie. La raison de croire (de faire) P n’est donc plus recherchée dans la justesse de P, son adéquation au monde tel qu’il est ou devrait être, mais dans le fait qu’il est admis par une personne qui fonctionne comme garant de sa justesse. (Plantin, 1988, 88)
46Dans les séquences de débat politiques télévisés qui suivent, le recours à l’expertise relève de l’argument d’autorité indirect, au second degré : « le locuteur exploite le crédit dont jouit une personne qui “fait autorité” dans un domaine donné pour donner plus de poids à une proposition qu’il souhaite soutenir » (Doury ; à paraître) :
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100 Minutes pour convaincre – le 24/04/2003
François FILLON
La deuxième condition, c’est que le taux de chômage baisse bien, comme le prévoient l’ensemble des rapports des experts, lié à la démographie.
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Débat présidentiel – le 02 mai 1995
– débat Chirac/Jospin
JACQUES CHIRAC
Si l’on examine la situation politique telle que les experts de tous bords l’analysent, il y a tout lieu de penser que nous nous trouverons dans une période de cohabitation.
47Les locuteurs s’appuient sur cette autorité légitime – caution scientifique – afin de renforcer leurs propos :
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Débat présidentiel – le 05 mai 1981
48– débat Giscard/Mitterrand
FRANÇOIS MITTERRAND
… Chômeurs, 1 700 000… On nous en promet, ce sont les experts, 2 500 000 si votre politique continue pour les années prochaines, d’ici à 1985. C’est une association d’économistes qui disait que nous aurions 500 000 chômeurs de plus dans les années prochaines …
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Débat présidentiel – le 02 mai 1995
49– débat Chirac/Jospin
LIONEL JOSPIN
Tout cela a été chiffré par des experts indépendants et cela peut représenter plus de 600 000 emplois créés par an, c’est-à-dire, comme il y a des classes plus nombreuses qui viennent sur le marché du travail, […]
50La référence « aux experts » agit comme justification a priori :
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100 Minutes pour convaincre – le 22/10/2002
Jean-François MATTEI
[…] on a pensé que l’expérience, ce n’est pas moi qui ai fixé les chiffres, ce sont les experts et même internationaux, à 300 accouchements par an, ce n’est pas la guillotine…
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Débat présidentiel – le 02 mai 1995
51– débat Chirac/Jospin
JACQUES CHIRAC
Là, pour le coup, tous les experts sont d’accord. Il faut, effectivement, rétablir cette situation et, pour cela, il faut donner aux entreprises les chances d’innover, d’investir, d’embaucher.
52et leurs réalisations discursives passent alors souvent par des constructions langagières relevant du discours rapporté. Christian Plantin souligne ainsi que l’argument d’autorité rappelle le fonctionnement des énoncés performatifs, pour lesquels « l’acte s’assimilant au dire, rapporter le dire suffit pour attester ou contester l’acte. » (Plantin, 1990, 91) :
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Débat présidentiel – le 02 mai 1995
53– débat Chirac/Jospin
LIONEL JOSPIN
150 000.
JACQUES CHIRAC
Non.
LIONEL JOSPIN
Étude de la Banque de France.
JACQUES CHIRAC
Non, c’est tout à fait contesté par la plupart des experts…
La concrétisation moderne du système platonicien
54 Nous avons sous les yeux la concrétisation moderne de l’allégorie de la Caverne : les citoyens étant incapables d’avoir accès au monde naturel, c’est l’expert – actualisation ou incarnation moderne du philosophe-savant platonicien – qui leur « apporte la lumière » pour les sortir de leur obscurantisme et les conduire sur le chemin de la Vérité, sur le chemin du monde tel qu’il est.
55 Il s’agit d’une tentative d’imposition, par les experts (ou au nom des experts), d’un monde déjà constitué et ainsi d’un engagement dans un processus fondamentalement non-démocratique (disqualification de l’opinion). La parole de l’expert doit imposer le monde, au nom de la Science, faire taire les conflits (négociation d’un monde commun) sans autre parti pris que celui de la « neutralité scientifique » ; ce qui corollairement justifie le recours à une certaine « technicisation » des enjeux et des pratiques politiques. Le savoir politique, exprimant le retour à la vision platonicienne élitiste et positiviste du politique, est donc un savoir « qui vient de l’extérieur » et se transforme ainsi en savoir technique. Aussi, la conception élitiste de la démocratie moderne rejoint concrètement les positions platoniciennes en ce que ce savoir technique vise à remplacer le pouvoir du consensus démocratiquement construit (y compris sur et par le conflit). La technicisation des enjeux est sous doute même activement recherchée dans la volonté d’exclure le citoyen – irrationnel, prisonnier de la Caverne et du monde des apparences trompeuses – de la vie politique. L’expertise et la professionnalisation de la vie politique – fondée sur une représentation dévoyée des sciences, héritière des conceptions platoniciennes sur la Science25 –, traduisent aussi la volonté de garantir une administration professionnelle (extérieure à la Caverne) – et donc non partisane – de la vie politique.
56Si c’est la « raison », le « logos », qui domine, la politique sera elle-même subordonnée, jugée, par la dualité de ses rapports avec une instance non politique, Bien ou Vérité, qui permet de faire taire les opinions discordantes et incertaines. Les sophistes, experts du logos qui infléchit, agence, crée l’opinion, doivent être condamnés. Ce fut la position de Platon, c’est la lecture que propose Heidegger d’Aristote, c’est aussi le « sentiment établi » qui préside à la définition moderne d’une science « hors politique », qui ne peut appréhender le jeu éventuel du politique en son sein qu’en termes d’impureté, de défaut, d’écart à l’idéal. […] (Stengers, 1993, 73-74)
57 Cette « dérive » élitiste, fondée sur la quête de rationalité, conduit de fait à une épuration de l’activité politique, à une sorte de neutralité qui s’incarne, et s’exprime, dans des déclarations telles que « les chiffres parlent d’eux-mêmes », « les experts sont formels », etc.
58 Le poids de l’expertise scientifique et technique dans les débats politiques est aujourd’hui si prégnant qu’Olivier Martin montre que les informations chiffrées possèdent cette caractéristique qui les rend – a priori – crédibles. Car dans une société où la Science occupe cette position centrale et se définit comme détenant la Vérité sur le monde, à travers des lois quantitatives, toutes les données chiffrées s’apparentent alors à des résultats scientifiques, et donc à des vérités indiscutables.26 Les données chiffrées se veulent objectivantes et doivent donc pouvoir témoigner avec « neutralité » de telle ou telle action politique. Les chiffres font ainsi figure – dans les débats télévisés – de véritables arguments d’autorité, puisqu’ils disent ce qui est et « parlent » eux-mêmes :
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Débat présidentiel – le 02 mai 1995
59 – débat Chirac/Jospin
Jacques CHIRAC
Mais il ressort des chiffres, que j’ai pris dans le Journal Officiel, tout bêtement, qu’aussi bien en 1981 qu’en 1988 on a fait une lessive – il n’y a pas d’autres termes – complète de tous les fonctionnaires qui n’étaient pas strictement socialistes, pour nommer quasiment exclusivement dans tous les postes importants des socialistes. Si vous voulez qu’on aille plus loin dans ce débat, je veux bien sortir mes chiffres, ils sont parlants…
Conclusion
60 Ce recours à un certain « fatalisme » (« les chiffres parlent ») révèle le legs que l’on doit à la pensée grecque et son rapport à un certain type de rationalité défendue par Platon. Les statistiques présentent à ce point les traits du « savoir authentique », du logos, qu’elles sont rarement analysées pour elles-mêmes et apparaissent plutôt comme des données naturelles : pour nombre d’analystes, les statistiques constituent des « faits » – incontestables donc –, dont il s’agit simplement de saisir les conséquences ou les causes : magazines et journaux proposent ainsi à leurs lecteurs des encarts sur les « chiffres essentiels » ; les médias audiovisuels possèdent tous des rubriques « indicateurs socio-économiques » qui permettent de prendre la température du pays, etc.
61 On le voit, cette expression de la politique « scientificisée », centrée sur l’exigence de « rationalité » et la parole de l’expert, risque de rendre sans objet toute expression de la volonté démocratique car il n’est plus question ici de débattre, encore moins de se battre, puisque le recours à l’expertise démontre rationnellement – naturellement – et sans engager le débat démocratique : « la science parle, taisons-nous ! »
62Pourquoi cette atonie, cette désespérance, cette longue crise de la consommation, de l’investissement, de l’espoir ? Parce que les lois d’airain de l’économie ont enfin triomphé ; parce que l’ordre des choses doit se dérouler fatalement, factuellement. À l’ancienne fatalité fait suite la « faitalité ». Nous n’y pouvons rien. Nous ne pouvons plus rien. Les faits parlent pour eux-mêmes. (Latour, 1997, 107)
63 Il importe donc de redonner au débat politique télévisé, et à la parole politique, son indispensable dimension conflictuelle : « modelage mutuel d’un monde commun au moyen d’une action conjuguée : c’est notre réalisation sociale, par l’acte de langage, qui prête vie à notre monde ». (Varela, 1990, 115) Les interactions conflictuelles dans les débats télévisés n’ont de sens que dans un enlacement mutuel aux contextes et aux mondes, dans la mesure où il n’y a pas qu’un seul monde (naturel, et déjà constitué), mais des mondes, des réalités à inventer et à négocier ensemble, tout un univers référentiel à co-construire – y compris dans le conflit – pour le rendre comm-un.
64 Il s’agit donc de rompre, définitivement, avec une linguistique structurale interne, relevant du paradigme platonicien, pour s’engager sur la voie d’une sociolinguistique de l’Action, dans le sillon épistémologique tracé par les science studies, qui fait du langage, fondamentalement, un acte politique : l’instrument de l’invention/négociation du monde. Le langage ne dit pas – car il ne peut pas dire – le monde (posture gnoséologique) : mais il crée du sens, comme l’acte politique d’un vouloir vivre ensemble. Il a vocation, non plus seulement à communiquer ou à transmettre des messages ou de l’information sur un monde déjà là, mais à concrétiser un monde en devenir.
65DELPORTE Christian (2001), « Corps à corps ou tête-à-tête ? Le duel politique à la télévision (des années 1960 à nos jours) », in Mots, n°67, La politique à l’écran : l’échec ?, ENS Editions, Lyon.
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Notes
1 Voir DESMARCHELIER (D.), « Les mots de la violence, la violence des mots dans le discours politique français contemporain », in Rhétorique politique et violence, Actes du colloque de Cerisy, Argumentation et discours politique. Antiquité grecque et latine, Révolution française, Monde contemporain. Sous la direction de Simone Bonnafous, Pierre Chiron, Dominique Ducard et Carlos Lévy. Presses Universitaires de Rennes 2, 2003.
2 Voir WINDISCH (U.), Le K. O. verbal, la communication conflictuelle, L’Age d’Homme, Lausanne, 1986.
3 Voir DELPORTE (C.), « Corps à corps ou tête-à-tête ? Le duel politique à la télévision (des années 1960 à nos jours) », in Mots, n°67, La politique à l’écran : l’échec ?, ENS Editions, Lyon, décembre 2001.
4 Voir DOURY (M.), Le débat immobile. L’argumentation dans le débat médiatique sur les parasciences, Editions Kimé, Paris, 1997.
5 Voir FORTIN (G.), « L’interaction conflictuelle : mode d’expression symbolique du jeu politique démocratique », in Cahiers de l’Institut de Linguistique de Louvain (CILL), vol. 30, n°4, Louvain, 2004, pp. 55-72.
6 Ce qui dépasse l’idée première qui consisterait à dire qu’ils « font semblant ».
7 La situation de communication télévisuelle instaure un dispositif particulier – tripolaire – avec une interaction symétrique entre les interlocuteurs directs et une communication asymétrique entre les interlocuteurs d’une part, et les récepteurs, témoins muets de l’échange d’autre part (téléspectateurs ou spectateurs). Cette situation communicationnelle médiatique, télévisuelle, est gérée par un contrat de communication constituant – selon la terminologie de Nel – le niveau de « l’espace télévisé ». L’autre niveau, ou instance, liée à l’interaction au sein de ce contrat médiatique, est constitué par le réalisateur ; pour ce qui est des implications consécutives du cadrage, des différents plans, ou de la synchronisation des images, voir NEL (N.), Le débat télévisé, Armand Colin, Paris, 1990.
8 Magazine d’information mensuel de France 2, diffusé en direct de septembre 2002 à juin 2005, présenté par Olivier Mazerolle, avec la participation d’Alain Duhamel (rédacteur en chef : Pierre Géraud, assisté de Franck Bardou ; réalisateur : Jean-Jacques Amsellem).
9 Voir FORTIN (G.), « Une sociolinguistique de l’Action: construction du sens et interprétation en contexte », Actes du Colloque international du CERCI, Peter Lang, Bruxelles, 2012.
10 Voir Fourez (G.), La construction des sciences. Les logiques des inventions scientifiques. Introduction à la philosophie et à l’éthique des sciences. De Boeck Université, Bruxelles, 1992. Voir aussi LATOUR (B.), Petites leçons de sociologie des sciences, Le Seuil, Paris, 1996.
11 Nous nous appuierons pour l’essentiel sur les travaux de Bruno Latour et Isabelle Stengers – en particulier sur les ouvrages suivants : LATOUR (B.), Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique, La Découverte, Paris, 1991 & LATOUR (B.), Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie, La Découverte, Paris, 1999 ; STENGERS (I.), L’invention des sciences modernes, La Découverte, Paris, 1993.
12 Voir par exemple SAUSSURE (F.), Cours de linguistique générale, [1916], Tullio, Paris, 1972.
13 Le schéma a été complété pour prendre en compte le monde social : le langage permettant aussi de construire des identités sociales (même si ce mode de construction reste à éclairer).
14 JOUARY (J-P.), Rencontres Philosophiques. Isabelle Stengers : La science a besoin d’alliés !,in Les Idées, sept. 1999 [en ligne] ;
15 LATOUR, (B.), Nous n’avons jamais été modernes, op.cit., pp. 134-135.
16 Voir PLATON, La République, Livre II, op. cit., VII, 514a1-517a7.
17 Voir LATOUR (B.), Sur le culte moderne des dieux faitiches, Les empêcheurs de penser en rond/La Découverte, Paris, 2009.
18 Voir FORTIN (G.), « Une dérive néo-sophistique ? Les pratiques argumentatives dans les débats politiques télévisés » in Communication & Langages. Dialogues politiques : images et miroirs, n°148, Juin 2006, pp. 53-68.
19 Voir STENGERS (I.), « Les Affaires Galilée », in Serres M. (ed.), Eléments de l’histoire des sciences, Bordas, Paris, 1989, pp. 223-249.
20 DOURY (M.), « L’appel à Galilée », in C. Plantin (éd), Lieux Communs. Topoï, stéréotypes, clichés, Kimé, Paris, 1993, pp. 123-132.
21 Voir DOURY (M.), « Les procédés de crédibilisation des témoignages comme indices des normes argumentatives des locuteurs », in Rigotti Eddo (ed.), Rhetoric and Argumentation. Proceedings of the International Conference, Lugano, April 22-23, 1997, Tübingen : Niemeyer, 1999, pp. 167-180. Voir aussi sur ce point LATOUR (B.), Sciences et parasciences : une question mal posée ? [en ligne] ; (texte révisé par l’auteur d’une conférence tenue à l’Université de Genève le 11 mai 2001). Disponible sur <http://www.ensmp.fr/~latour/poparticles/poparticle/p097.html> (page consultée le 3 mars 2004).
22 Voir JOUARY (J-P.), Rencontres Philosophiques, op. cit.
23 Et s’il est jugé – rarement – non-objectif, c’est simplement qu’il aura « mal fait son travail » ; car la Nature, quant à elle, demeure immuable.
24 Voir DOURY (M.), « L’argument d’autorité en situation : le cas du débat médiatique sur l’astrologie », in CEDISCOR (Syled), Papiers de travail n°12, (à paraître). Voir aussi MARTEL (G.), (dir.), Autour de l’argumentation. Rationaliser l’expérience quotidienne, Nota bene, Québec, 200 p., 2000 (avec la participation de Christian PLANTIN, Marianne DOURY, Véronique TRAVERSO, Laurent, PERRIN, Corinne ROSSARI et Diane VINCENT). Et PINTO (Louis), « “C’est moi qui te le dis”. Les modalités sociales de la certitude », in Actes de la recherche en Sciences Sociales, 52-53, 107-108, 1984.
25 Voir Jouary (J-P.), Enseigner la vérité ? Essai sur les sciences et leurs représentations, Stock, Paris, 1996.
26 Voir MARTIN (O.), « Les statistiques parlent d’elles-mêmes ». Regards sur la construction sociale des statistiques, in Club Merleau-Ponty, La pensée confisquée, quinze idées reçues qui bloquent le débat public, La Découverte, paris, 1997, pp. 173-174.
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