French Journal For Media Research

CHEN Yali et Jiang CHANG

Médias sociaux et diaspora digitale
Entre l’identité et le développement de soi des immigrées chinoises en Suisse à travers l’utilisation de WeChat

Full text

1Résumé
En se basant sur le cadre conceptuel de la diaspora digitale, cet article emploie les méthodes qualitatives des entretiens semi-directifs et des observations en ligne pour découvrir et discuter des motivations, des objectifs, des stratégies et des résultats de l’utilisation de WeChat, l’une des plateformes de réseaux sociaux les plus utilisées en Chine par les immigrées chinoises en Suisse, afin de comprendre le rôle que jouent les médias sociaux dans la reconstruction de l’identité et la réidentification culturelles des femmes migrantes.
Mots-clés
:
médias sociaux, diaspora digitale, immigrées chinoises en Suisse, identité culturelle

Introduction

2À partir des années 1980, de plus en plus de recherches se sont penchées sur les problèmes des femmes migrantes (Morokvasic, 1983, 1984). À l’intersection de la nationalité étrangère et de leur position de genre, les femmes migrantes sont souvent discriminées vis-à-vis de leur culture, des droits et du travail dans le pays d’accueil, notamment en ce qui concerne la division sociale du travail. Cette situation se trouve également chez les femmes hautement qualifiées (Anderson, 1993 ; Kim, 2008 ; Liversage, 2009), et il apparaît que les femmes migrantes risquent plus de devenir victimes de violence domestiques que les femmes locales (Brounridge et Halli, 2002 ; Erez et al., 2009). De plus, avec la montée en puissance de l’extrême droite, certains pays commencent à restreindre les politiques d’immigration notamment en ce qui concerne la migration par le mariage. Etant donné que la structure sociale se base principalement sur la culture patriarcale traditionnelle, ce sont souvent les femmes qui subissent les influences négatives de ces politiques d’immigration strictes, notamment pour les femmes en provenance des pays moins développés et qui immigrent par le moyen du mariage dans les pays plus aisés, en Europe et en Amérique (Houstoun et al., 1984 ; Kawaguchi et Lee, 2016 ; Verkuyten, 2011).

3Depuis l’ouverture économique de la Chine au marché mondial en 1978 et notamment depuis l’adoption de la loi sur la libéralisation de la circulation de la population en 1985, le nombre de chinois ayant migré à l’étranger par différents canaux n’a pas cessé d’augmenter. Selon l’International Migration Report de 2017, le nombre de Chinois émigrés a atteint 10.0 millions en 2017, faisant de la Chine le quatrième pays après l’Inde, le Mexique et la Russie en termes de population migrant à l’étranger (Nations Unies, 2017, p.13). Dans les pays européens et nord-américains, bien que le niveau du revenu des immigrés en provenance de la Chine soit généralement supérieur à celui des autres immigrés des groupes ethniques minoritaires, les femmes chinoises ayant immigré vers ces pays par le mariage ou par autres formes de regroupement familial, sont souvent plus discriminées structurellement que leurs homologues masculins, notamment au niveau professionnel (Zong et Batalova, 2017). Les discriminations vécues par les femmes migrantes ne se reflètent pas seulement dans les domaines juridiques et politiques des droits de l’éducation, de l’emploi et de la santé, etc., mais sont également liées à la montée en puissance de l’extrême droite qui encourage le sexisme et l’objectivation des femmes migrantes (Lim, 2018). De ce fait, les femmes migrantes asiatiques, y compris les Chinoises, se trouvent souvent dans des dilemmes où elles reçoivent difficilement le respect de la société d’accueil et s’intègrent avec peine au marché de l’emploi local. Le phénomène migratoire des femmes chinoises encore dépendantes de leur père ou de leur époux diminue considérablement aujourd’hui. Et celles qui migrent en plus grand nombre à l’étranger possèdent, elles, souvent un niveau d’éducation plus élevé et des compétences professionnelles plus importantes que les générations précédentes. Et cependant les femmes Chinoises migrantes restent victimes d’inégalités de traitement dans la société d’accueil en raison d’une série de facteurs structurels liés à l’histoire de l’immigration du pays d’accueil. Pour cette raison, les femmes chinoises éprouvent des difficultés à s’intégrer dans la culture locale ayant souvent l’impression de vivre comme une outsider. Par conséquent, la vie des migrantes chinoises à l’étranger n’est pas seulement un problème social et juridique, mais également un problème culturel et politique.

4Cela fait également l’objet d’attention particulière de notre recherche qui critique trois structures historiques du phénomène de la migration des femmes chinoises, au niveau international, concernant les répressions des femmes provoquées par : les relations traditionnelles de genre, le regard et l’objectivation orientalistes, ainsi que le problème des différences de classes transnationales, consécutif au déséquilibre du développement économique mondial. De ce fait, les activités sociales et la conscience communautaire des migrantes chinoises sont devenues des enjeux heuristiques pour comprendre leur migration, leur identité et leur culture dans le contexte de la glocalisation.

5Avec l’émergence des technologies numériques et la vulgarisation de l’utilisation des médias sociaux, la migration internationale et le développement des cultures sont entrés dans une nouvelle ère. L’utilisation des médias sociaux par les migrants crée un effet culturel d’une « voix à double sens »1. D’une part, grâce à la vulgarisation leur utilisation et la facilité d’accès des médias sociaux, les migrants du XXIe siècle ont un canal plus fluide que jamais pour accéder et s’intégrer à la culture locale (Tapscott, 2009). D’autre part, les médias sociaux sont dotés d’avantages transfrontaliers et interculturels et font paraître moins nécessaire l’intégration culturelle locale pour les immigrés dans la société d’accueil ; ainsi, l’intimité émotionnelle et des ressources culturelles issues de la culture originaire coexistant avec la culture différente de la société d’accueil permet aux migrants de préserver, dans une certaine mesure, l’influence de la culture originaire sur leur vie dans la société d’accueil (Kim, 2017a). Pour le dire simplement, les médias sociaux ne fournissent pas que de nouveaux canaux de communication pour les groupes immigrés, mais ils transforment également les attributs des réseaux relationnels humains quotidiens des immigrés (Dekker et Engbersen, 2013), ce qui devient une perspective indispensable pour les études de migration quant à l’observation et l’interprétation de la culture des migrants.

6En se basant sur l’observation et l’analyse de l’utilisation des médias sociaux des femmes migrantes chinoises en Suisse, notre recherche présente la manière dont ces femmes utilisent la technologie numérique pour améliorer leur situation de la vie en Suisse, pour se reconstruire une identité stable, et pour contester diverses oppressions structurelles et politiques, par différentes stratégies. Cet article a ainsi pour objectif d’expliquer la diaspora digitale chinoise et d’essayer de construire la notion du statut politique numérique des femmes migrantes.

Migrants, Médias sociaux et Diaspora digitale

7Les médias sociaux jouent un rôle de plus en plus important dans la construction de la communauté et l’identification culturelle des groupes migrants grâce à sa vulgarisation dans la vie quotidienne (Dekker et Engbersen, 2013 ; Kim, 2017b ; Oh, 2016). D’un point de vue politique, les médias sociaux peuvent être utilisés par les forces conservatrices en tant qu’outil pour faire circuler des discours stéréotypés anti-migrants (Don et Lee, 2014 ; Esses et al., 2013). Mais les médias sociaux peuvent aussi devenir un moyen pour les groupes migrants pour s’adapter à un nouvel environnement culturel le plus rapidement possible et ainsi chercher une nouvelle identification dans le pays d’accueil (Chen, 2010 ; Khvorostianov et al., 2011). Du point de vue du développement personnel, les médias sociaux brisent en quelque sorte les contraintes géographiques en offrant la possibilité de la co-présence en ligne, par exemple pour aider les migrants à gérer plus efficacement les affaires familiales ainsi que l’éducation des enfants dans leur pays d’origine (Nedelcu, 2002). Cette pratique est également bénéfique pour la santé psychologique et émotionnelle des migrants notamment pour les migrantes féminines (Nedelcu et Wyss, 2016).

8Dans la littérature de la migration, le comportement des jeunes migrants et les femmes migrantes attirés par l’utilisation des médias sociaux est plus remarquable que celui des hommes migrants. Ce phénomène est probablement lié au statut social plus défavorisé de ces deux groupes par rapport à celui des migrants masculins. Bunge et al. (2016) ont souligné que les jeunes migrants sont plus aptes que les autres groupes d’âge de migrants à utiliser les médias sociaux pour surmonter les difficultés émotionnelles, comportementales et cognitives rencontrées dans la vie migratoire dans le pays d’accueil. Ils peuvent souvent accéder à de très riches ressources culturelles par le biais des médias sociaux afin de rendre la transition identitaire culturelle plus facile (Bunge et al., 2016). De plus, Helsper (2013) a constaté que les femmes sont émotionnellement plus sensibles que les hommes en général au niveau de la construction sociale du genre, les femmes migrantes utilisent ainsi les médias sociaux plus fréquemment que leurs compatriotes masculins pour communiquer avec leurs parents et amis restés dans le pays d’origine et exprimer leurs émotions à distance (Helsper, 2013). Dans une certaine mesure, l’utilisation des médias sociaux affaiblit la structure hiérarchique originale des groupes migrants, rend la compétence numérique de plus en plus importante pour leur développement personnel (Noguerón-Liu, 2013) et améliore indirectement leur profil public et leur visibilité culturelle en particulier pour les jeunes migrants et des femmes migrantes.

9Depuis la perspective de la culture de la migration transnationale, la vulgarisation de la technologie numérique et des médias sociaux a fait de la vie de la migration et de sa culture une réalité bien au-delà des limites de l’espace physique. Les groupes migrants sont devenus des communautés virtuelles de différentes identités. Étant donné que les migrants de nombreux groupes ethniques et culturels manifestent différents comportements en utilisant des sites Internet et des outils de communication numériques distincts, les communautés digitales se forment de façons diverses et complexes, notamment en termes de langues, de comportements économiques, de valeurs culturelles et de quadrants politiques, etc. Ce mécanisme de formation de communauté est largement soutenu dans les recherches sociales sur les migrants chinois, érythréens et russes (Bernal, 2006 ; Chen, 2006 ; Elias et Shoren-Zeltser, 2012). Ces travaux présentent les communautés virtuelles des migrants et leurs descendants qui utilisent la technologie numérique et des plateformes digitales pour communiquer et interagir culturellement comme la diaspora digitale. Dans le contexte de la mondialisation, la diaspora digitale, à l’aide de la diffusion et l’échange d’information sur la base de la même culture, redéfinit les frontières nationales et favorise la formation d’une nouvelle identité nationale digitale pour les migrants (Laguerre, 2010). La recherche d’Halperin (2018) sur l’utilisation des technologies numériques des immigrés palestiniens au Royaume-Uni a montré que la formation et le développement de la diaspora digitale ont un impact significatif sur la vie réelle géopolitique (Halperin, 2018). Ainsi, l’étude de Zhang et Wang sur l’état actuel de l’utilisation des médias sociaux par la communauté chinoise en Australie a également démontré des résultats similaires (Zhang et Wang, 2019).

10Le cadre conceptuel de la diaspora digitale constitue une référence précieuse pour cette recherche. D’une part, en considérant les groupes migrants spécifiquement connectés les uns aux autres en utilisant les médias sociaux comme la diaspora digitale, la conception de la diaspora digitale permet de dépasser le cadre des études traditionnelles de migration qui se concentrent uniquement sur la dimension de l’identité nationale. Cette recherche examine les identités et la subjectivité des immigrés dans une perspective plus intersectionnelle, y compris le genre, le statut économique, les valeurs personnelles, les inclinations politiques et les attitudes de la vie migratoire, etc. Nous pouvons dire que les médias sociaux ont rendu visibles ces facteurs culturels, auparavant considérés comme moins importants pour les migrants, et permettent de rendre compte de la complexité de l’identification des groupes migrants. Celle-ci constitue la prémisse pour penser la mondialisation culturelle de manière générale ainsi que pour établir une base théorique pour à l’établissement des de politiques d’immigration.

11D’autre part, la notion de la diaspora digitale considère l’utilisation de la technologie numérique comme un facteur principal dans la construction et l’identification du statut des migrants, ce qui nous offre une nouvelle approche pour observer, comprendre et interpréter les expériences de vie de différents groupes migrants. De plus, en considérant l’identification des migrants par le moyen de la digitalisation, nous sommes en mesure d’explorer le potentiel culturel et politique de la nouvelle identité des migrants à partir des capacités techniques de différentes plateformes numériques afin de contribuer à une réflexion sur la démocratie culturelle et sur l’égalité identitaire dans un sens plus large.

Méthodologie

12En s’appuyant sur la théorie de la diaspora digitale et sur une étude qualitative approfondie, cet article explore la relation entre les comportements des immigrées chinoises dans l’utilisation des médias sociaux et l’amélioration de leur situation de vie en Suisse, leur identification culturelle ainsi que leur développement de la conscience politique.

13Ce terrain est particulièrement heuristique pour deux raisons. Premièrement, avec l’entrée de la Suisse dans l’initiative chinoise « One Belt, One Road », les échanges économiques, commerciaux et culturels entre la Chine et la Suisse sont devenus de plus en plus fréquents, ce qui rend beaucoup plus visible la vie des immigrés chinois en Suisse et leurs rôles joués dans les relations entre les deux pays. Marylène Lieber (2010) a souligné que le rôle des immigrés chinois en Suisse est passé de l’assistance mutuelle à la promotion des intérêts économiques (Lieber, 2010), ce qui révèle la transformation du rôle des nouveaux immigrés chinois dans la société suisse depuis le XXIe siècle. Cependant, quelle est la relation entre ce processus de la transformation de rôle des immigrés chinois en Suisse et leur intégration culturelle et identification communautaire dans l’ère numérique ? N’a-t-on pas trop souvent négligé les voix marginales et favorisé les inégalités au sein de ce groupe malgré leur présence de plus en plus importante en Suisse ? Ce sont des questions auxquelles nous allons essayer de répondre par une recherche empirique et explicite. Deuxièmement, la Suisse a une situation particulière de par sa politique d’immigration stricte et la protection extrême de ses propres citoyens. De ce fait, la discrimination à laquelle les femmes migrantes sont confrontées dans différents domaines sociaux soulève de plus en plus de préoccupation dans les médias et les recherches académiques. Un rapport publié par la Commission fédérale des migrations (CFM) en 2019 montre que le taux d’emploi des immigrées féminines en Suisse (68.6%) est nettement inférieur à celui des immigrés masculins (78%), des ressortissantes Suissesses (83%) et encore beaucoup plus incomparable par rapport à celui des ressortissants suisses masculins (85%). Les immigrées féminines sont les plus vulnérables sur le marché du travail en Suisse. Malgré le fait que la plupart des immigrées féminines en Suisse ont des qualifications et des compétences professionnelles supérieures à la moyenne des citoyens locaux, elles occupent néanmoins des emplois ne correspondant pas à leur niveau de compétence et de diplôme (CFM, 2019). Parmi les divers facteurs culturels qui influencent l’identité des immigrés en Suisse, le genre semble une structure oppressive profondément enracinée. Nous nous demandons alors si l’utilisation générale de la technologie numérique aide à changer cette situation chez les immigrées féminines en Suisse. Les femmes migrantes peuvent-elles utiliser les médias sociaux pour acquérir du pouvoir et former de nouvelles sensibilités collectives afin d’améliorer leur vie en Suisse ? C’est une question de valeur théorique qui mérite une réponse.

14Pour ce faire, cet article se focalise spécialement sur l’utilisation de Wechat par les femmes migrantes chinoises en Suisse. Wechat est une plateforme sociale développée par la société chinoise Internet Tencent, qui permet aux utilisateurs d’envoyer des messages textuels et vocaux, de partager des vidéos et images, ou de faire des appels audio et vidéo à leurs contacts. Il est également possible de faire des vidéoconférences, des discussions de groupe entre plusieurs personnes. De plus, cette plateforme permet d’exposer des photos de vie privée et de les partager avec les amis sur leur liste de contact de WeChat à travers la page de la publication des Moments. Les amis sur WeChat peuvent aussi envoyer des émoticônes et des « pochettes rouges » avec de l’argent chinois lors que l’application est reliée à un compte bancaire chinois. Cette plateforme se présente comme une combinaison de WhatsApp et de Facebook (qui ne sont pas autorisés en Chine), mais possède des fonctions plus diversifiées. Au premier trimestre 2019, le nombre d’utilisateurs de WeChat a atteint 1,11 milliard2, ce qui révèle que Wechat est devenu le principal média social utilisé par les Chinois. Ainsi, depuis ces dernières années, WeChat joue un rôle de plus en plus important dans la vie quotidienne des Chinois d’outre-mer, notamment dans la constitution de la communauté chinoise dans la société d’accueil et dans l’organisation des mouvements sociaux par les Chinois d’outre-mer. Ce phénomène a largement été étudié par les recherches en sciences sociales pour comprendre les comportements digitaux des Chinois à l’étranger (Harwit, 2017 ; Zhou et Liu, 2016). Néanmoins, il n’existe pas encore de recherche qui s’intéresse spécialement à l’utilisation de ce média par les femmes chinoises d’outre-mer. Cette recherche a donc vocation de combler cette lacune scientifique.

15Notre recherche mobilise principalement deux méthodes. Premièrement, nous avons conduit 52 entretiens qualitatifs entre juillet 2016 et octobre 2017 auprès des femmes migrantes chinoises en Suisse. La plupart de ces enquêtées ont été recrutées par WeChat et ensuite rencontrées directement dans leurs cantons de résidence, principalement dans le canton de Genève, de Zurich, de Berne et de Vaud. Tous les entretiens ont durés entre 60 et 90 minutes, en Chinois et ont été traduits en Français par la suite. Ces entretiens semi-structurés se sont concentrés généralement sur trois thèmes autour de l’utilisation de WeChat : a) la vie et les expériences professionnelles des enquêtées avant leur immigration en Suisse ainsi que les raisons de leur choix d’immigration ; b) les modes et les situations d’utilisation de WeChat de ces femmes chinoises en Suisse ; c) l’influence de WeChat sur leur vie quotidienne en Suisse, notamment sur leur émotion et identité. Deuxièmement, nous avons observé les discours et les activités de ces 52 enquêtées dans six groupes de discussion WeChat organisés par les Chinois en Suisse avec l’accord de nos enquêtées afin de compléter les informations concernant l’utilisation de WeChat de nos enquêtées et résumer les différentes manières dont elles utilisent WeChat pour la communication et la construction de l’identité.

16En employant la méthode d’analyse thématique, couramment utilisée dans les recherches concernant l’utilisation des médias sociaux, nous analysons les significations émotionnelles et symboliques de cette utilisation de WeChat. A partir de ces données qualitatives obtenues lors des entretiens et des observations, nous avons pu identifier trois grands modes d’utilisation de WeChat par les immigrées chinoises en Suisse. Il s’agit de la coprésence virtuelle par la communication immédiate sur WeChat, l’identification de soi par l’exposition de la vie personnelle sur WeChat à travers la page de la publication des Moments, et la stratégie de développer son statut économique et familial en développant des activités commerciales sur WeChat.

Données et analyses

Co-présence virtuelle entre le pays d’origine et la société d’accueil

17Les femmes migrantes utilisent souvent les médias sociaux pour se connecter, communiquer et partager des informations les unes avec les autres pour des raisons émotionnelles. Hillis et al. (2015) qualifient ce phénomène comme networked affect et considèrent que la technologie numérique est non seulement un outil auxiliaire dans la formation de la communauté, mais forme également de nouvelles intensités, sensations et valeurs à l’égard de l’émotion (Hillis et al., 2015). Lors de nos entretiens avec les migrantes chinoises en Suisse, nous avons constaté que la motivation de l’utilisation de WeChat par ce groupe est principalement émotionnelle.

18Dans notre recherche, la plupart de nos enquêtées ont clairement indiqué qu’elles utilisent principalement WeChat dans leur vie quotidienne en Suisse afin de maintenir les relations avec leurs familles et amis restés en Chine, dans le but d’atténuer l’impact de la distance sur leurs liens émotionnels avec leurs parents et amis. D’autant que la culture traditionnelle chinoise implique d’« honorer les parents » comme un principe éthique fondamental. L’idiome chinois « Tant que vos parents sont vivants, il est préférable de ne pas voyager loin » (fu mu zai, bu yuan you 父母在,不远游) signifie l’obligation pour enfants adultes de prendre soin de leurs parents âgés. Pourtant, à cause de la distance, la piété filiale pour les femmes chinoises qui immigrent à l’étranger devient un dilemme éthique à résoudre. Dans ce cas, les médias sociaux offrent une facilité de communication à travers la distance spatiale. Plusieurs immigrées chinoises soulignent que le fait d’utiliser WeChat comme un intermédiaire de communication a largement résolu le problème de la piété filiale à distance sans avoir entraîné plus de coûts économiques et du temps.

19Meling indique qu’elle envoie des messages à ses parents sur WeChat presque tous les jours, et elle exprime son amour et ses attentions envers ses parents principalement par WeChat :

« Dans notre discussion sur WeChat, je leur (aux parents) demande comment s’est passé leur journée et comment ils vont au niveau de leur état physique. Je leur raconte ma journée en Suisse, je parle des choses spéciales que j’ai faites ou des personnes que j’ai rencontrées, je parle de mon mari et mon fils ».

20Par sa présence dans la vie de ses parents sur WeChat, Meiling souligne que le fait de se tenir au courant de la vie quotidienne de ses parents permet que ses parents se fassent moins de soucis pour elle. Une autre enquêtée, Huiyan a mentionné la pratique similaire de l’utilisation de WeChat à celle de Meiling:

« Auparavant, je passais des appels internationaux à mes parents, mais le prix de l’appel international était trop élevé. Je ne pouvais pas les appeler tous les jours, peut-être une fois par semaine. Depuis l’apparition de WeChat, la connexion internationale est devenue beaucoup plus souple et plus facile. Je peux leur envoyer un message textuel ou vocal quand je le souhaite. Je les contacte également par vidéo lorsque je ne suis pas occupée afin de se voir directement sur l’écran. Cela nous procure des sentiments très agréables ».

21Comme Meiling et Huiyan, l’absence physique des migrantes chinoises en Suisse envers leurs parents est compensée par la présence et le soin émotionnel sur WeChat. Cela ne signifie pas simplement que Wechat peut offrir une extension de temps et d’espace à ces femmes pour une communication transnationale, mais aussi la transmission d’images, de vidéos et de liens. Il est aussi possible d’effectuer des transferts financiers par la fonction d’envoyer une « pochette rouge »3 ou de mener des conversations en vidéoconférence qui permet aux différentes parties d’échanger, de parler et de se voir en temps réel. L’expression des émotions devient désormais diversifiée. En d’autres termes, les affordances techniques de WeChat permettent aux femmes chinoises en Suisse d’effectuer des communications et des accompagnements émotionnels à la nouvelle façon chinoise, ce qui conduit à la numérisation de la diaspora chinoise globale (Sandel et al., 2019).

22En outre, une autre utilisation de WeChat soulignée par les enquêtées de cette recherche favorisent plutôt la participation pour divers groupes de discussion organisés par leurs membres de familles ou leurs amis en Chine. Ceci permet aux immigrées chinoises en Suisse de maintenir la stabilité du réseau social dans le pays d’origine. Cette façon de communiquer en groupe a souvent lieu pendant les fêtes traditionnelles chinoises.

23Feiyan, une enquêtée de 55 ans qui est arrivée en Suisse en 2003, mentionne qu’elle a de nombreux groupes de discussion avec des personnes en Chine sur WeChat organisés par la famille entre les frères, les sœurs et les cousins, les cousines, ainsi que d’autres groupes contenant les amis ou les anciens collègues de travail en Chine.

« On se demande souvent de nouvelles sur WeChat dans notre groupe de discussion. Quand je retourne en Chine, je leur annonce par un envoi de message dans le groupe et on organise des repas ensemble. Mais ce qui est drôle est qu’on envoie des pochettes rouges pendant les fêtes chinoises notamment pour le Nouvel An Chinois, tous les membres de groupe se motivent et se battent pour obtenir la plus grosse pochette possible. Après chaque lancement de pochette rouge, on se compare entre nous pour voir qui a eu la pochette la plus élevée. C’est drôle et ça nous ramène à la jeunesse. En même temps, je sens également l’ambiance de la fête depuis la Suisse, ça me rend heureuse. Bien sûr, j’envoie aussi les pochettes rouges à ma sœur pour lui dire que je ne l’oublie pas même si je suis en Suisse et que je l’aime comme avant. »

24Du fait que la Chine et la Suisse ont des traditions culturelles très différentes, le sens cérémonial des fêtes traditionnelles est inévitablement numérisé par WeChat pour les femmes chinoises qui vivent en Suisse. La communication transnationale par le biais de l’utilisation de WeChat rend possible la pratique de l’« être ensemble » avec la famille et les amis dans le pays d’origine pour les immigrées chinoises en Suisse et façonne leurs différentes manières de « faire la famille » à distance, en particulier en ce qui concerne l’expression de l’intimité.

25WeChat devient non seulement le principal média permettant aux immigrées chinoises en Suisse de maintenir des liens familiaux transnationaux, mais leur permet également d’établir des réseaux avec d’autres Chinois en Suisse et leur donne l’occasion d’exprimer leurs sentiments individuels, leurs opinions sur la société suisse et même leurs émotions suscitées par différents aspects de leur vie migratoire en Suisse. Sachant que les Chinois en Suisse ne sont pas seulement un petit nombre, mais sont également très dispersés au niveau géographique, il leur est difficile de rencontrer d’autres Chinois autour de leur lieu de résidence et de former une communauté chinoise Suisse. Grâce aux groupes de discussion sur WeChat, une communauté chinoise virtuelle a pu être établie en Suisse. À travers nos observations, nous constatons que presque toutes les enquêtées dans notre recherche rejoignent un ou plusieurs groupes de discussion WeChat organisés par les Chinois en Suisse et elles sont également très actives dans les discussions de groupe. Cet aspect montre que les femmes chinoises en Suisse sont plus sensibles et motivées dans leurs expressions émotionnelles que leurs compatriotes masculins, et en même temps cela signifie également qu’elles sont peut-être moins satisfaites de leur vie et de leur état psychologique que les hommes chinois et qu’elles ont donc besoin de communiquer davantage en ligne pour manifester leurs émotions. En effet, parmi les 52 Chinoises interrogées, la plupart d’entre elles se trouvent dans un état professionnel instable. De plus, à cause des barrières linguistiques et culturelles locales, elles nous disent leur besoin de communiquer avec des personnes de la même communauté.

26Qingying est venue en Suisse en 2010 par le mariage transnational avec un homme suisse. Pendant l’entretien elle n’a pas que mentionné la joie et le bonheur de sa vie familiale en Suisse, mais elle se plaignait également de son rôle de femme au foyer à plein temps, et ce notamment car elle avait auparavant un salaire assez élevé dans une entreprise importante du secteur des assurances en Chine ainsi qu’un réseau social d’amis et collègues important avant sa migration. Sa situation actuelle de sans-emploi et la barrière linguistique la placent désormais dans un état isolé de la société.

« La culture chinoise et la culture occidentale sont très différentes, de plus, je ne parlais pas la langue locale. Il était difficile pour moi au début quand je suis arrivée en Suisse. J’étais déprimée, car des fois, je ne parlais pas un mot pendant la journée quand mon mari était parti pour travailler. […] Parfois je rencontrais des Chinois dans la rue, je prenais tout de suite l’initiative de les saluer et de leur demander leur contact. Alors mon mari faisait la même chose, quand il voyait quelqu’un ayant l’air asiatique, il lui disait bonjour et lui demandait son contact, car il savait que je m’ennuyais sans ami ici. […] Plus tard, j’ai découvert les différents groupes de discussion organisés par les Chinois en Suisse sur WeChat, je le trouve très pratique, j’ai enfin pu parler avec des gens qui ont les mêmes problèmes que les miens, ils me comprennent. De plus, il y a beaucoup de femmes dans les groupes qui sont venues en Suisse par le mariage. Nous partageons nos expériences de vie similaire. »

27L’entretien de Qingying, nous a amenés à observer plusieurs groupes de discussion WeChat tels que « Le groupe d’entraide de culture et de loisir chinois » et « Le groupe d’association d’entraide asiatique en Suisse » et nous trouvons que les femmes chinoises sont plus expressives que les hommes, comme le souligne Qingying. Cela prouve leur statut vulnérable en Suisse et leur besoin émotionnel de dépendre de la communauté culturelle d’origine ainsi que leur volonté de protéger leur identité chinoise.

28En plus des fonctions émotionnelles, le groupe de discussion WeChat a également joué un rôle pratique dans la vie quotidienne pour les immigrées chinoises en Suisse. Zizhu, arrivée en Suisse en 2015 explique :

« Lorsque je venais d’arriver en Suisse, je savais très peu sur la société, mais en consultant le groupe de discussion Wechat, j’avais acquis beaucoup de connaissances sur l’éducation des enfants, le shopping, les problèmes médicaux et même les politiques publiques suisses ».

29Les observations montrent également que les questions posées par des nouveaux arrivés dans les groupes de discussion WeChat obtiennent toujours des réponses avec les compatriotes chinois qui résident en Suisse depuis un certain temps et qui sont déjà familiarisés avec la société suisse. Nous constatons également que certaines personnes interrogées dans notre recherche organisent très activement des activités pour les fêtes traditionnelles chinoises ou pour apporter des informations liées à la promotion de la culture chinoise ou du mode de vie chinoise. Certaines publient également des annonces de séminaires qu’elles organisent sur des thèmes concernant l’assurance maladie suisse ou les projets de coopération sino-suisse visant à faciliter la vie quotidienne des immigrés chinois en Suisse. Ce type d’informations pratiques est souvent très apprécié par les membres du groupe de discussion, qui peuvent à la fois acquérir des connaissances sur la Suisse et se rencontrer les uns et les autres pendant l’activité, ce qui fait alors étendre leurs liens dans la vie réelle.

30Cependant, sur les groupes de discussion WeChat, les immigrés chinois en Suisse n’organisent pas seulement des échanges d’information ou des activités pratiques, mais s’engagent également dans des débats politiques notamment en ce qui concerne la politique chinoise. Par exemple, en juillet 2016, après l’arbitrage de La Haye en mer de Chine méridionale, les membres de certains groupes Wechat organisés par les Chinois en Suisse ont tout de suite manifesté leur mécontent à l’égard de la décision qui donnait tort à la Chine. Plusieurs personnes interrogées ont mentionné pendant l’entretien qu’elles ont participé activement à la discussion et que cette affaire les a énormément marquées. Comme Lingsu qui est arrivée en Suisse au début de l’année 2015 souligne :

« À ce moment, j’ai ressenti les sentiments patriotiques des Chinois d’outre-mer. La volonté unique qui nous a réunis sur les groupes de discussion WeChat était que le territoire de la Chine soit indivisible. Même si nous sommes à l’étranger, nous avons également besoin de cet honneur national ».

31Le contenu des discussions paraît riche et varié même lorsque les messages n’ont pas de but concret. Certaines personnes paraissent s’ennuyer de leur vie en Suisse et envoient des messages uniquement pour passer le temps. Par exemple, nous observons que plusieurs de nos enquêtées partagent simplement des articles chinois de réconfort émotionnel avec les autres membres du groupe ou partagent des plaisanteries chinoises pour exprimer leurs sentiments ou atténuer leur pression dans la vie ou au travail. Ce type de contenu n’a pas spécialement de but pratique pour les femmes, mais cette façon d’exprimer l’ennui ou les sentiments sont aussi acceptée par d’autres membres, ce qui signifie également que les immigrés de la même communauté partagent les mêmes sentiments et valeurs, qu’ils peuvent se comprendre et peuvent se satisfaire du sentiment d’appartenance à la communauté. Ils ont besoin de cette communauté virtuelle pour s’identifier en tant que Chinois en Suisse et exprimer les problèmes et difficultés rencontrés dans la société d’accueil avec des personnes qui partagent le même sentiment et la même perception.

32WeChat n’offre pas seulement une plateforme pour maintenir les liens affectifs et exprimer l’accompagnement patriotique émotionnel, mais réussit également à rassembler numériquement les Chinois en Suisse en une diaspora avec la même expérience émotionnelle et un mode de vie semblable. WeChat permet une co-présence dans la société d’origine et la société d’accueil pour les femmes chinoises qui sont immigrées en Suisse. WeChat est même devenu comme un outil stratégique pour les femmes chinoises, souvent victimes de discrimination sociale dans la société suisse, pour leur permettre de s’exprimer publiquement et de montrer raconter leur vie en Suisse.

Exposition de soi et identification culturelle

33La publication des « Moments » est une fonction importante de WeChat qui offre aux utilisateurs un espace pour façonner les images de soi et montrer leur vie privée en ligne. En offrant la possibilité d’exposition de soi, WeChat joue un rôle important dans la constitution de la conscience et de l’identité collective des femmes en Chine contemporaine d’une manière générale ; cela leur permet également d’articuler simultanément les idées confucéennes des femmes traditionnelles et les sensibilités féministes actuelles afin de réaliser une cognition et acceptation d’une identité de groupe féminine de la manière numérique (Chang et al., 2018).

34Dans le cas des femmes migrantes, l’incertitude identitaire est un obstacle culturel important qu’elles affrontent lors de leur adaptation à la société d’accueil et à la culture locale. À cause de la migration transnationale, les femmes sont séparées de l’environnement culturel d’origine et vivent comme un individu presque complètement isolé, qui déstabilise leur ancienne identité politique, culturelle, sociale et géographique, et de genre du pays d’origine (Reid et Comas-Diaz, 1990) et les rend dans un état de confusion et d’incertitude de soi. Selon nos entretiens et observations, nous constatons que la fonction de la publication des « Moments » permet aux femmes chinoises en Suisse d’apaiser leur anxiété et de reconfigurer leur identité dans un nouvel environnement culturel en publiant des photos de soi, de leur vie ou des textes originaux créés par elles-mêmes sur l’inspiration de leur vie en Suisse.

35Premièrement, à travers les observations sur WeChat, nous constatons que les immigrées chinoises en Suisse préfèrent principalement montrer les images de beaux paysages suisses, de leur bonne condition matérielle de vie ou de leurs produits de luxe sur la page de la publication des « Moments ». Bien que cette manière de présentation de soi ne manque pas de déclencher des critiques de la part des autres compatriotes sur le même territoire, il s’agit plutôt d’un moyen important pour les femmes qui venaient d’arriver en Suisse de se faire reconnaître grâce à l’attention des autres amis sur WeChat et de chercher une stabilité psychologique. De plus, à cause du grand écart de développement au niveau social et économique entre la Chine et la Suisse, elles reçoivent souvent des commentaires sur leur publication des « Moments » sous forme d’appréciation ou de commentaires positifs de la part de leurs amis sur WeChat, ce qui leur donne un sentiment de fierté et le sentiment d’être reconnues par d’autres et d’avoir fait le bon choix d’être venues en Suisse, ce qui maintient la stabilité de leur image et leur identité quelque peu élitiste.

36Susu mentionne dans l’entretien qu’elle préfère montrer le bon côté de sa vie en Suisse en disant :

« Je publie sur la page des « Moments » des photos qui présentent plutôt le bon côté de ma vie en Suisse. D’une part, mes parents se font moins de souci pour moi lorsqu’ils voient ces photos ; d’autre part, mes amis en Chine aiment savoir à quoi ressemble la vie en Suisse, ils m’envoient toujours des commentaires comme quoi ils préfèreraient aussi vivre en Suisse ».  

37Le cas de Susu montre tout à fait le mécanisme de désir-satisfaction-reconnaissance sur la plateforme d’Internet, qui a été également reflétée dans des études empiriques précédentes sur des groupes de jeunes femmes et d’étudiants universitaires (Bessennoff, 2006 ; Hawi et Samaha, 2016). Dans une certaine mesure, nous pouvons considérer ce comportement digital comme une stratégie discursive pour légitimer le nouveau capital culturel à l’aide du capital économique acquis en Suisse. Il reflète les effets complexes et nuancés de l’interaction de divers facteurs sociaux sur le statut des Chinoises en Suisse.

38Deuxièmement, en s’adaptant peu à peu à la société suisse, les femmes chinoises changent graduellement la façon et le contenu de leur publication sur la page Moments. Elles s’intéressent de plus en plus à l’aspect culturel notamment sur les coutumes et les caractéristiques de la vie, suisses et européennes. Ce type de contenu peut souvent attirer plus d’attention et de retours des autres sur WeChat, et promeut même le dialogue interculturel sur la plateforme. Étant donné que la classe moyenne chinoise a de fortes aspirations et capacités de voyager à l’étranger (Zhang et Huang, 2002), - et les Chinoises en Suisse appartiennent pour la plupart à la classe moyenne avant de partir en Suisse -, ce type de publication est souvent très apprécié par leurs amis en Chine comme le souligne Susu. Ainsi cela aide les femmes chinoises d’outre-mer à maintenir et établir les échanges dans le réseau en Chine.

39Nous remarquons que les migrantes chinoises en Suisse font moins référence à l’identité de genre et davantage à l’identité économique et culturelle dans le processus de réidentification par le biais des médias sociaux, c’est-à-dire qu’elles se basent plutôt sur leur ancien statut de femmes chinoises hautement qualifiées et de classe moyenne. En effet, nous n’avons pas trouvé de signes de sensibilité féministe dans ce processus et il est encore plus difficile d’identifier des activités féministes sur cette plateforme numérique.

40Troisièmement, pour celles qui sont pleinement intégrées à la société suisse et ont trouvé un travail en Suisse, nous avons observé que leur présentation des « Moments » se caractérise comme plutôt normalisée. Elles partagent leurs photos de vie, des commentaires même des critiques, sur les affaires publiques sociales locales ainsi que des reportages ou des informations en ligne. Nous notons que les informations publiées relatives à la connaissance de l’identité sont plus élevées pour les femmes qui ont résidé en Suisse depuis un certain temps que les nouvelles arrivées. En revanche, les contenus concernant les produits de beauté ou de luxe qui sont plutôt liés à leur richesse matérielle ont été considérablement réduits. Cela confirme que les Chinoises commencent à explorer et confirmer leur nouvelle identité féminine après une période d’anxiété liée à l’instabilité de l’identité nationale au début de leur immigration, elles acceptent progressivement et reconnaissent leur identité intersectionnelle en tant qu’immigrées chinoises en Suisse.

41À bien des égards, la vie des femmes migrantes dans un nouvel environnement social migratoire est un processus long et difficile de lutte contre l’anxiété et de recherche de nouvelle identité, mais les médias sociaux ont participé à en raccourcir les délais et les coûts. L’efficacité des femmes migrantes dans l’achèvement de ce processus de réidentification n’est plus la même que celle de l’ancienne époque, et le processus est actuellement moins contrôlé par les politiques et la culture locales (Hickerson et Gustafson, 2014). Ce processus d’acculturation digitalisée renforce également les relations entre les migrants, leur réseau social et leur culture du pays d’origine dont l’effet dominant entrave la reconnaissance profonde de la valeur locale du pays d’accueil et prédomine sur toute identité hybride. À travers les réactions et les attitudes des Chinois en Suisse à certains débats et conflits internationaux liés à la Chine entre 2016 et 2018, leur valeur nationale et celle des Chinois dans d’autres pays, montrent une très grande similitude, ce qui indique que WeChat, en tant que l’un des médias sociaux chinois les plus puissants a déjà réussi à créer une diaspora digitale transnationale et transculturelle au sein de la sphère globale.

42Le fait que les femmes chinoises en Suisse, dans notre recherche, s’appuient fortement sur la plateforme WeChat pour leur réidentification, entraîne également le déclin des autres types de médias pour les Chinois en Suisse notamment pour les journaux et magazines chinois, ce qui confère à l’identification de l’ensemble de la communauté chinoise en Suisse une perspective transnationale et digitale. Il est alors difficile pour les migrants de former une seule culture communautaire locale de la Suisse, ce qui est aussi différent que de celle des pays ayant une longue histoire et culture profonde communautaire chinoise telle pour les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Italie et la France.

Développement de l’E-commerce féminin sur WeChat

43Bien que la Suisse soit l’un des pays les plus développés du point de vue économique, elle a semblé longtemps être en retard à l’égard de la promotion de l’égalité de genre. « The Global Gender Gap Report 2018 » publié par le Forum économique mondial dénonce qu’au niveau de l’égalité de genre, la Suisse est non seulement classée après l’Islande, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et d’autres pays européens, mais également après certains pays africains, économiquement moins développés, comme le Nicaragua, le Rwanda et l’Afrique du Sud4. En 2016, après avoir mené une série d’enquêtes, les Nations Unies estiment qu’il existe de graves problèmes d’inégalités de genre en Suisse, notamment en ce qui concerne la discrimination à l’égard des femmes appartenant à des minorités ethniques et des femmes migrantes5. Selon les données publiées de l’Office fédéral de la statistique, 82.4% des hommes en Suisse occupent un travail à plein temps en 2018 contre seulement 41% de femmes6. Cette situation de sous-emploi est encore plus grave chez les femmes immigrées en Suisse. Comme beaucoup d’immigrées féminines arrivent en Suisse par le biais du regroupement familial, elles sont simplement considérées comme des potentielles mains-d’œuvre par la société suisse (Piguet, 2005). De plus, le marché de l’emploi suisse ne reconnait guère les diplômes des études supérieures et les expériences professionnelles des immigrés en provenance des pays du tiers monde (Weins, 2010). À cause de ces différentes contraintes, la plupart des immigrées féminines en Suisse qui se trouvent dans une situation de sans-emploi ou sous-emploi instable, sont économiquement vulnérables et se positionnent inférieures au niveau statutaire social et familial (Ratcliff et al., 2014).

44En effet, comme le cas de Qingying (cité plus haut), beaucoup de Chinoises en Suisse se trouvent également dans cette situation de sans-emploi. Par exemple, Mochou se plaint aussi de son ennui de rester à la maison tout le temps sans rien faire, alors qu’elle travaillait avant dans une entreprise multinationale dans le secteur de marketing à Pékin. Son nouveau rôle de femme au foyer à plein temps en Suisse lui a enlevé certainement sa valeur sociale, pourtant d’autant qu’il lui était difficile de trouver en Suisse un travail correspondant à son niveau de qualification. Comme plusieurs enquêtées qui subissent diverses discriminations sur le marché du travail en Suisse, elle recherche d’autres solutions pour sortir de ce dilemme professionnel. En profitant de multiples fonctions de WeChat, Mochou s’est lancée petit à petit dans le commerce des achats par procuration en ligne sur cette plateforme en bénéficiant de bonnes conditions et de facilité sur le marché européen unifié.

45En effet, l’achat par procuration en ligne est une activité à but lucratif dans laquelle l’agent de commerce achète des produits sur un marché étranger selon les besoins de ses clients par la demande en ligne ou vend directement depuis leur plateforme de vente en ligne. L’agent peut envoyer ces produits par courrier international en Chine ou les emmener directement quand il voyage en Chine. Il gagne une certaine différence de prix entre le prix de son achat et le prix de sa vente. En considérant les taxes élevées des produits de luxe importés de l’Europe en Chine, les besoins de l’achat par procuration en Chine sont de plus en plus demandés par les Chinois. Les produits suisses tels les montres haute gamme, les produits cosmétiques et même les produits maternels et infantiles sont les principaux produits commandés par les Chinois en ligne, car leurs prix en Chine peuvent être deux fois plus cher que ceux en Suisse. Comme Mochou, de nombreuses migrantes chinoises profitent alors de ce nouveau phénomène chinois de consommation des produits étrangers en développant leur e-commerce sur WeChat en tant qu’agent de l’achat par procuration pour gagner la différence de prix.

46Grâce à ses diverses fonctionnalités, WeChat est en mesure de devenir la plateforme la plus importante permettant aux femmes chinoises en Suisse d’effectuer des commerces en ligne. Étant donné que ce travail ne nécessite pas de temps fixe et complet, il est idéal pour les femmes au foyer pour à la fois s’occuper de leurs enfants et profiter de leur temps libre pour effectuer ce travail. De plus, WeChat peut non seulement offrir une facilité de communication en temps réel sans coût économique entre les acheteurs en Chine et les agents de l’achat par procuration, mais sa fonction pratique de paiement rend le paiement des acheteurs à l’agent de l’achat plus rapide et secret, car tout processus de transfert d’argent peut être effectué sur la plateforme.

47Meiling, une mère de 36 ans avec deux enfants souligne qu’elle a commencé le e-commerce de l’achat par procuration sur WeChat par hasard. Quelques années avant, sa meilleure amie en Chine lui a demandé des informations sur les produits maternels et infantiles lors de sa maternité. Meiling lui a proposé d’essayer le lait en poudre qu’elle a utilisé pour ses enfants quand ils étaient nés. Elle a fait l’achat pour son amie et les autres amies commençaient également à lui demander d’acheter des produits pour les bébés en Suisse. Finalement elle devient l’agente de l’achat de produit infantile pour ses amis en Chine en utilisant WeChat comme outil de communication et de transfert de l’argent. Elle explique l’avantage du commerce de l’achat par procuration sur WeChat :

« Tout se passe sur WeChat. J’ai juste à acheter les produits dans le magasin et les envoyer par la poste quand j’ai du temps libre, car je dois m’occuper de mes enfants quand ils ne sont pas à l’école. Ce n’est pas une affaire difficile et c’est flexible au niveau du temps. »

48Pour beaucoup de femmes immigrées chinoises engagées dans l’affaire de l’achat par procuration, la page « Moments » est devenue la vitrine de l’exposition de produits qu’elles vendent. Pour que les clients fassent confiance à la qualité des produits, elles affichent souvent sur leur page « Moments », les vidéos prises directement lorsqu’elles achètent les produits au magasin, et elles suggèrent également à leurs clients d’acheter le même type de produit qu’elles utilisent dans la vie quotidienne en Suisse notamment en ce qui concerne les produits pour les bébés et enfants et pour la beauté. Une fois que leurs clients découvrent les affichages de produits sur leur page « Moments » et passent la commande, elles envoient alors les produits par le colis international en Chine comme décrit par Meiling. En raison de la petite quantité de produit par envoi, les colis ne sont souvent pas taxés par la douane chinoise, ce qui garantit le bon profit pour les immigrées chinoises qui font l’achat par procuration sur WeChat en Suisse.

49S’engager dans le e-commerce des achats par procuration pour gagner un revenu supplémentaire n’est souvent pas indispensable pour améliorer la vie de la famille des immigrées chinoises en Suisse. Pourtant, grâce à ce développement économique, les femmes ont plus ou moins augmenté leur statut familial, car elles ne dépendent plus totalement de leur mari et elles sont beaucoup plus confiantes de leur culture d’origine. En outre, comme Mochou et Meiling qui travaillaient dans le domaine de commerce et marketing en Chine avant, elles sont également contentes de remobiliser leur compétence professionnelle en pratique par cette affaire en pratiquant ce genre d’affaire.

50Par exemple, Mochou montre sa page de publication des « Moments » avec les produits qu’elle vend sur WeChat :

« Regarde cette annonce de produit, c’est même assez professionnel comme une vraie publicité à la télé. Je travaillais dans le secteur de marketing avant, je sais comment faire de la publicité pour attirer les clients, je connais leur mentalité de consommation. […] En effet, c’est peu important pour moi de gagner de l’argent, l’essentiel est que je sois occupée, que je mobilise mes connaissances et mes compétences pour acheter les produits de bonne qualité et de bon prix pour ma famille et mes amis en Chine. C’est important pour moi et je retrouve ma valeur pour la société, en tout cas pour la Chine ».

51En effet, avec l’accumulation des expériences dans l’achat par procuration, les immigrées chinoises en Suisse comme Mochou améliorent continuellement leur modèle de commerce transnational afin d’éviter les risques et d’élargir l’échelle de l’affaire. Elles développent graduellement un travail de niche en partageant les informations de produits pour que toutes les Chinoises en Suisse ayant envie de faire ce business en profitent. Cela promeut également une amélioration économique en général pour toutes, car elles reconnaissent les mêmes difficultés de recherche d’un travail sur le marché de l’emploi en Suisse et s’entraident. Plusieurs personnes interrogées ont déclaré que faire le commerce de l’achat par procuration sur WeChat n’a pas simplement pour but d’occuper leur temps libre et de gagner de l’argent, mais aussi de se revaloriser et de trouver du bonheur en Suisse.

52À part les points de vue positifs des enquêtées sur le commerce de l’achat par procuration sur WeChat, certaines ont toutefois exprimé leur inquiétude quant à l’avenir de cette activité économique, notamment après la mise en place de la nouvelle politique tarifaire chinoise en avril 2016 qui est beaucoup plus rigoureuse à l’importation de produits étrangers en Chine, ce qui crée de nouveaux défis pour les agents chinois de l’achat par procuration en ligne à l’étranger. À travers le succès économique obtenu par nos enquêtées grâce au à cet e-commerce sur WeChat, nous ne pouvons pas simplement certifier que son développement peut éliminer complètement l’inquiétude des immigrées chinoises en Suisse quant à leur instabilité de leur identité, car cet e-commerce ne leur assure pas non plus la persistance du statut économique favorable actuel. L’amélioration de leur statut social dépend en fin de compte de la politique d’immigration locale et le marché de l’emploi local.

Conclusion et discussion

53Dans cet article, nous avons montré principalement l’utilisation de WeChat par les immigrées chinoises en Suisse à l’aide de la théorie de la diaspora digitale par les données qualitatives obtenues lors des entretiens semi-directifs et l’observation en ligne. Nous essayons de comprendre le rôle des médias sociaux dans l’adaptation culturelle, la reconnaissance de l’identité, l’amélioration du statut dans la famille et dans la société chez les femmes chinoises en Suisse. Avec l’analyse approfondie des trois modèles d’utilisation de WeChat par les Chinoises en Suisse, cet article tente d’enrichir la théorie de la diaspora digitale sous différentes dimensions en s’appuyant sur la compréhension de la constitution culturelle et sociale de soi des Chinois d’outre-mer.

54Tout d’abord, notre recherche a révélé que les médias sociaux jouent un rôle essentiel dans la reconstruction de l’identité de soi et la réidentification culturelle des immigrées féminines en s’appuyant sur les affordances technologiques des médias sociaux qui concernent l’écologie, la capacité et le pouvoir offerts aux utilisateurs par les fonctionnalités technologiques des médias sociaux. Comme les quatre caractéristiques des médias sociaux résumées par Papacharissi (2015) concernent sa persistence, replicability, scalability et searchability, les médias sociaux sont en effet capables d’organiser et de mobiliser les utilisateurs en ligne de manière émotionnelle. D’après nos recherches, grâce à ses différentes configurations et les facilitées de son utilisation, WeChat est devenu l’intermédiaire le plus important pour la formation de la diaspora digitale chinoise. Cette plateforme est composée de nombreuses fonctions tels les messages instantanés, le partage de connaissance, la publication de la vie par des images sur la page des « Moments » ainsi que le transfert d’argent, etc., ce qui dépasse le rôle d’un outil de communication traditionnel pour les Chinois d’outre-mer. Grâce aux affordances technologiques de WeChat, la culture chinoise peut être préservée de façon plus facile chez les Chinois d’outre-mer et joue un rôle de filtrage culturel au moment de leur intégration culturelle dans la société locale afin que les Chinois de différents pays qui possèdent des cultures locales différentes puissent se réunir en formant une communauté ethnique et culturelle virtuelle qui présente la culture chinoise comme culture principale et la culture du pays d’accueil comme culture subalterne. En raison de l’implication de la technologie numérique dans la vie quotidienne des immigrés, la culture et l’identité des immigrés chinois présenteront de nouvelles caractéristiques qui méritent des recherches approfondies.

55Ensuite, en comprenant la pratique de l’utilisation de WeChat des femmes chinoises en Suisse, nous pouvons constater qu’elles font tous les efforts pour accroître leur capital culturel dans leurs pays d’immigration par l’acquisition et le déploiement d’un capital économique. Étant donné que les Chinoises avaient un statut social assez considérable avec un réseau social très large en Chine avant l’immigration, elles perdent certainement ses capitaux sociaux culturels et économiques après avoir immigré en Suisse. Grâce à la plateforme WeChat et ses différentes fonctions, les femmes chinoises ont réussi à réaliser la co-présence virtuelle entre la Chine et la Suisse, elles ont pu également développer leur propre E-commerce sur WeChat : il s’agit d’une transmission digitale des capitaux sociaux depuis le pays d’origine au pays d’immigration. Cette transmission se manifeste par l’acquisition de capital économique à travers les bénéfices obtenus par les achats par procuration sur WeChat aux personnes de connaissance en Chine afin de le transformer en capital culturel pour assurer la reconnaissance de leur identité émotionnelle et statut social. La présence de réseaux sociaux comme WeChat favorise alors l’intégration des immigrées féminines à la société d’accueil de manière moins passive et obéissante. Le soutien émotionnel de la culture d’origine et les opportunités économiques offertes par la société d’origine leur permettent de surmonter les barrières culturelles dans la société d’accueil et facilitent leur achèvement de reconstruction de la nouvelle identité en tant que Chinoises d’outre-mer.

56Enfin, le point de départ de cette recherche est de révéler les discriminations subies par les migrantes chinoises provoquées par les politiques d’immigration et les politiques publiques suisses. Bien que les Chinoises en Suisse dans cette recherche utilisent les réseaux sociaux afin d’améliorer leur statut social défavorisé, nous n’avons pas trouvé de signes de sensibilité féministes de leur part à travers les entretiens avec elles. La plupart des enquêtées ne sont pas conscientes de l’oppression économique et culturelle systématique et structurelle qu’elles ont subie dans une perspective de genre, elles cherchent des stratégies pour améliorer leur situation en se basant plutôt sur leur besoin émotionnel et leur identité nationale en tant que Chinoise. Bien que de nombreuses Chinoises rapportent être insatisfaites de leur vie familiale, elles ne semblent jamais douter de la rationalité de ce modèle de vie familiale et mariage en Suisse. Elles cherchent à s’améliorer et se développer individuellement du point de vue psychologique plutôt qu’à interroger le système social suisse, afin de s’adapter à l’environnement local. Cette façon de penser correspond tout à fait à la façon traditionnelle de penser des femmes chinoises qui consiste à chercher à résoudre les problèmes par l’introspection. De plus, ces caractéristiques de non-radicalisation et non-politisation ont empêché les immigrées chinoises en Suisse de jouer un rôle important dans la lutte de l’égalité de genre et dans la promotion de réforme de politique de l’immigration en Suisse.

57À travers notre recherche, nous constatons que les médias sociaux améliorent les conditions de vie des migrantes chinoises à l’étranger du point de vue pratique et émotionnel en les aidant à acquérir une identité plus stable. En revanche, à cause de ses caractéristiques uniques et fortes des affordances technologiques de WeChat, la communauté chinoise féminine d’outre-mer peut également devenir enfermée vis-à-vis de la société d’accueil, car elles sont seulement connectées à leur pays d’origine et à leurs compatriotes locaux, elles sont alors encore plus isolées de l’environnement culturel et politique local. Nous pouvons donc nous demander dans quelle mesure la tentative de résolution de problème structurel par l’expérience individuelle peut aider les migrantes chinoises à changer leur statut social vulnérable dans la société d’accueil ? L’identification des immigrées féminines et leurs satisfactions émotionnelles à travers les médias sociaux sont-elles une fausse conscience pour elles d’échapper au changement structurel ? Ces questions méritent plus de discussion dans une perspective critique pour les futures recherches.

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Ressources

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https://www.swissinfo.ch/eng/progress-report_un-urges-switzerland-to-improve-gender-equality/42604504.

https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/situation-economique-sociale-population/egalite-femmes-hommes/activite-professionnelle/travail-temps-partiel.html.

https://www.statista.com/statistics/255778/number-of-active-wechat-messenger-accounts/.

Notes

1 双行道 (Shuang Xing Dao) : une voix qui donne deux sens contraires mais complémentaires.

2 https://www.statista.com/statistics/255778/number-of-active-wechat-messenger-accounts/.

3 Les pochettes rouges sont souvent données pendant le nouvel an chinois par les parents aux enfants ou par les personnes de génération supérieure à celle de génération inférieure, présentent comme une manière spéciale pour exprimer l’amour.

4 http://www3.weforum.org/docs/WEF_GGGR_2018.pdf.

5 https://www.swissinfo.ch/eng/progress-report_un-urges-switzerland-to-improve-gender-equality/42604504.

6 https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/situation-economique-sociale-population/egalite-femmes-hommes/activite-professionnelle/travail-temps-partiel.html.

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CHEN Yali et Jiang CHANG, «Médias sociaux et diaspora digitale», French Journal For Media Research [online], Browse this journal/Dans cette revue, 13/2020 Médias : acteurs clés pour une compréhension interculturelle, last update the : 21/02/2020, URL : https://frenchjournalformediaresearch.com:443/lodel-1.0/main/index.php?id=2015.

Quelques mots à propos de :  CHEN Yali

Yali CHEN

Doctorante-Assistante

Institut des Études Genre

Université de Genève

Quelques mots à propos de :  Jiang CHANG

Jiang CHANG 

Professeur

École des médias et Communication

Université de Shenzhen

criver@protonmail.ch

 

 

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