French Journal For Media Research

Racha Mezrioui

Féminisme d'Etat et discours médiatiques sur les femmes : entre modélisation et absence de l’altérité

Résumé

L’article livre un parallèle entre le féminisme d’État et la construction médiatique de l’image des femmes et du sens social qui s’en dégage, à travers l’analyse de fictions télévisées. L’idée est de montrer comment les dynamiques de représentations des femmes dans les médias font écho à un féminisme d’État consensuel prescripteur de modèles normatifs préfabriqués dans lequel les voix féminines dissonantes ne se reconnaissent pas.

Abstract


The paper draws a parallel between state feminism and women image's in media construction and the resulting social sense, through an analysis of fictional television programmes. The idea is to show how the dynamics of women representations in media refer to a consensual state feminism prescribing prefabricated normative models in which dissonant female voices do not recognize themselves.

Full text

Introduction

1En Tunisie, la question « femmes » est souvent liée à un féminisme d’État qui trouve ses origines dans le Code du Statut Personnel promulgué au lendemain de l’indépendance, le 13 août 1956 : rompre avec le modèle d’une société conservatrice considérant les femmes comme des mineures était une priorité pour le développement du pays. Les années qui ont suivi l’indépendance ont vu d’autres ruptures s’opérer en ce qui concerne les conditions des femmes, notamment, le droit au travail dans la fonction publique (1959), à l’accès aux moyens de contraception (1961) et à l’avortement légalisé (1973). Aussi bien le régime de Bourguiba que celui de Ben Ali ont usé du « féminisme » pour consolider leur pouvoir aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays sacrifiant ainsi sur l’autel des rapports de forces des pouvoirs et du conservatisme l’émancipation des femmes.

2Le changement de régime en Tunisie suite aux soulèvements de décembre 2010 – janvier 2011 a certes, permis de construire une base aux prémices d’une démocratie (élections libres, liberté de conscience et de croyance, libre exercice des cultes1, liberté de la presse, de l’impression et de l’édition2…), mais il a également été l’occasion de repenser les droits des femmes dans la société tunisienne3. L’abrogation en 2017 de la circulaire4 empêchant le mariage d’une tunisienne musulmane avec un non musulman et le projet de loi en faveur de l’égalité dans l’héritage sont autant de mesures qui semblent vouloir octroyer aux femmes des droits qui leur ont été confisqués pendant longtemps, sans pourtant les considérer dans leur pluralité en tant qu’actrices de leur devenir.

3En réalité la question « femmes » en Tunisie semble être encore prise en otage entre les forces antagonistes qui s’affrontent sur la scène politique et divisent la société. Si dans certains cas, les textes juridiques semblent s’orienter vers une timide égalité entre les sexes, sur le terrain, les pratiques font de la résistance et la domination masculine reste, dans la plupart des cas, la règle, y compris dans les institutions étatiques. Un exemple parmi d’autre est celui du port du tablier dans les collèges et les lycées publics : il n’est obligatoire que pour les filles afin de couvrir les formes de leurs corps. Anticonstitutionnelle, cette pratique discriminatoire continue à être adoptée dans la plupart des établissements scolaires publics tunisiens malgré le mouvement de protestation de lycéennes en 2017 qui est resté sans suite.

4La complexité de la question « femmes » et du féminisme en Tunisie émane d’un télescopage entre une pensée conservatrice sous-tendue par une interprétation opportuniste5 du texte religieux et un système hégémonique (au sens de Gramsci) colonialiste qui « cherche à […] imposer un certain mode d’être de manière foncièrement hégémonique et arbitraire, au motif que la liberté doit se concevoir ainsi et pas autrement » (Mestiri, 2017).

5Pris en otage entre ces deux forces antagonistes, le féminisme Tunisien a encore du mal à se construire en adéquation avec le contexte historique du moment, il se veut conciliateur et se montre incapable de rompre avec les idéologies dominantes qu’elles soient d’inspiration religieuse ou laïque. La question de l’égalité en matière d’héritage montre à quel point les tunisien(ne)s sont partagé(e)s lorsqu’il est question d’accorder de nouveaux droits aux femmes.

6Le nœud gordien du féminisme tunisien se situe donc dans son incapacité à se dégager des archétypes taxonomiques consensuels (féminisme musulman vs féminisme laïc6, cf. Mestiri, 2017) niant ainsi les bricolages identitaires auxquels les femmes elles-mêmes recourent pour se faire entendre, pour faire valoir leurs droits et s’acquitter de leurs devoirs. Les identités féminines sont plurielles et hautement contextuelles : penser à un féminisme « universel » serait inévitablement insuffler des modèles de rapports sociaux de sexe discriminatoires pour nombre de femmes qui ne se reconnaissent pas dans ces modèles normatifs préfabriqués.

7Les médias ont depuis Bourguiba fait écho au féminisme d’État : « chacune de ses nombreuses interventions à la radio, lui fournit l’occasion de tonner contre les archaïsmes misogynes et sexistes » (Bessis, 2009) ; sous Ben Ali, ils ont été une vitrine pour « projeter à l’étranger une image de démocratie et de modernité » sous fond de répression (Lamloum, Toscane, 1998). Caisse de résonnance d’un féminisme normatif en trompe-l’œil concocté dans les espaces publics institutionnels, les médias dominants publicisent « les avancées » des femmes tunisiennes tout en gommant les délibérations dissonantes.

8Après la chute du régime dictatorial, dans un contexte d’essoufflement de l’effervescence révolutionnaire, la question « femmes » demeure cloîtrée dans un espace public « élitiste » dont les discours sont autant d’« énonciations ventriloques » c’est-à-dire, une production d’énoncés ou de points de vue par un locuteur au nom d’un autre locuteur, sans l’information ni le consentement de ce dernier, à des fins, ou des effets (rappelons que les intentions des locuteurs ne sont pas accessibles à l’observateur extérieur) d’exercice du pouvoir, de minorisation ou d’invisibilisation (Paveau, 2016). Les médias mainstream, emboîtant le pas, brillent par l’exclusion de celles qui ne s’identifient pas aux modèles dominants du féminisme, et qui sont, de ce fait, absentes de cet espace, invisible aux yeux des féministes et des « élites » dont les œillères teintées de l’idéologie dominante les empêchent de reconfigurer la question « femmes » sous le prisme de l’altérité dissonante.

Questionnements

9Cette contribution présente sans ambition aucune, une réflexion autour de la question du féminisme et des représentations des images des femmes projetées dans les médias tunisiens, notamment, la télévision dans un contexte de redéfinition du régime. Elle est centrée sur les relations que les dispositifs médiatiques entretiennent avec la question « femmes » et le féminisme d’une manière plus générale. Notre intérêt sera porté sur la construction médiatique de la place et du statut des femmes et du sens social (Charaudeau, 1997) qui s’en dégage dans un contexte particulier de l’histoire de la Tunisie, où les médias se donnent à voir en tant que miroir (déformant ?) de l’espace public, lieu de tractations et de négociations des conditions féminines.

10Dans cette perspective, d’autres questionnements sont à prendre en considération : ils naissent naturellement de la problématique centrale et posent de manière consubstantielle le problème de la mise en abyme des espaces publics et de leur médiatisation. Comment les médias gèrent-ils les espaces publics dissidents et leurs voix dissonantes en ce qui concerne la question « femmes » ? Et plus exactement, quelles sont les dynamiques de représentations des femmes dans les médias : quelles sont les femmes qui y sont représentées ? Sous quels angles se manifestent ces représentations ? Quelles postures les médias adoptent-ils à l’encontre des identités féminines plurielles ? Comment restituent-ils l’altérité féminine dans leurs contenus ?

Mise au point théorique et méthodologique

11La thématique abordée s’inscrit dans un champ transdisciplinaire. Les questions liées au féminisme et aux conditions féminines ont souvent été phagocytées par des problématiques qui gravitent autour d’interrogations concernant le pouvoir des médias dans les représentations et les images de la femme. De la même manière, les études sur les médias ont souvent convoqué des disciplines, situées en dehors des Sciences de l’Information et de la Communication (SIC) telles que les études de genre, les études féministes.

« La reconnaissance unanime de la légitimité du thème femmes/médias n’a jamais signifié qu’il n’ait été travaillé par les divergences de traditions, d’approches heuristiques, de sensibilités politiques et d’appréciations stratégiques, qui se sont exprimées au sein du féminisme. Ce débat interne rencontre depuis quelques années celui qui se livre sur la scène de la théorie critique des médias. Les recherches féministes ont eu un impact novateur sur les nouvelles problématiques qui se sont développées autour de la question du pouvoir des médias, des modèles qu’ils véhiculent, de la relation texte-sujet, du statut du sujet récepteur dans la production du sens » (Mattelart, 2003).

12« Femmes » et « médias » sont donc imbriqués l’un dans l’autre : la construction d’un cadre théorique, socle pour appréhender cette thématique n’est pas une tâche simple, d’autant plus que l’objet d’étude se situe à l’intersection de plusieurs disciplines : sociologie, sciences de l’information de la communication, les disciplines du discours, l’économie, l’histoire, la philosophie, l’anthropologie… Le croisement de plusieurs approches et courants qui se complètent les uns les autres peut également s’avérer utile pour aborder la question des représentations des femmes à travers les discours médiatiques en Tunisie. Le plus naturel serait de s’inscrire dans la lignée des Subaltern Studies (Spivak, 1985), du féminisme post-colonial (Dechaufour, 2008), du féminisme dissident (Curiel, Falquet et Masson, 2005), voire dans l’approche transculturelle du féminisme (Mestiri, 2017).

13Pour illustrer nos propos, nous allons faire appel à des exemples précis extraits de feuilletons tunisiens diffusés pendant le mois de Ramadhan sur la première chaîne nationale et accessoirement, à titre comparatif, à internet à travers le blog DEBATunisie, tenu par le caricaturiste -Z- qui s’inscrit dès 2007 dans une dynamique contestataire via internet contre le régime de Ben Ali. En 2008, son blog a été censuré. Après le 14 janvier 2014, -Z- a continué à publier des caricatures dans son blog qui le situeraient dans le camp de l’information alternative.

14Il s’agit certes d’un corpus disparate, mais qui a le mérite de permettre d’établir un regard comparatif entre des contenus mainstream et des contenus dits alternatifs en ce qui concerne la construction médiatique des conditions féminines et les sens qui s’en dégagent.

15Le choix des feuilletons ramadhanesques, diffusés sur la chaîne nationale, peut se justifier par l’idée développée par Larbi Chouikha (2014) selon laquelle le mois de ramadhan « agit comme un phénomène concentrique qui s’empare de toute la société. Il s’enracine dans le patrimoine familial et social de l’ensemble des Tunisiens ».

16Pour ce qui est des caricatures de -Z- diffusées sur son blog, il est intéressant de voir si des contenus considérés en tant qu’alternatifs permettent de présenter la question « femmes » en l’inscrivant dans une rupture par rapport aux médias mainstream.

17L’analyse des exemples retenus se base sur une grille de lecture issus des disciplines du discours, notamment l’analyse sémio-discursive (la construction du sens est également l’affaire des publics et intègre une dimension collective et individuelle) et l’analyse sémio-narrative (parce les auteurs des contenus racontent, et en racontant ils font des choix interprétatifs du monde qui les entoure).

Féminisme d’État et dictature : des concessions aux femmes pour légitimer le pouvoir ?

18La Tunisie, souvent considérée comme un pays pionnier en matière des droits de la femme dans les pays du monde musulman (le code du statut personnel est promulgué en 1956, soit trois ans avant l’adoption de la constitution de 1959), confère aux femmes tunisiennes un statut particulier par rapport à leurs consœurs. Le code fait la promotion de la famille et de la femme, cheville ouvrière du changement en reconfigurant la conception du lien matrimonial par le biais de l’interdiction de la polygamie et de la répudiation. De ce fait, une attention particulière a été accordée au statut de la femme au sein de la famille avant même la promulgation d’une constitution qui gère les pouvoirs de l’État (Tobich, 2008). Cependant, ce féminisme d’État a d’emblée défini les frontières liminaires à respecter : certes, il s’agissait de bâtir un État « moderne » tourné vers l’Occident, mais profondément attaché à son identité tunisienne et musulmane. Dans cette perspective, le féminisme de l’après indépendance s’est construit « autour de deux pôles, d’une part, le couple religion/traditions, d’autre part, autour du couple modernité/développement » (Tobich, 2008).

19Sous le régime de Ben Ali, le féminisme d’État forgé à coup de réformes et de promulgations du code du statut personnel apparaît tel un écran de fumée pour dissimuler la montée de la répression dans un régime en perte de légitimité. Poussé à son paroxysme, le féminisme d’État en Tunisie semble se décliner selon l’image de Leïla Ben Ali (femme du président déchu Zine El Abidine Ben Ali) qui l’incarne : Leïla serait ainsi l’incarnation vivante du « féminisme » du président. On le sait, l’émancipation ou, en tous les cas, la modernisation de la situation des femmes en Tunisie […] fait également partie du discours de légitimation du régime de Ben Ali (Khiari, 2004).

20Le féminisme constitue, de ce fait, une mise en scène pour vendre à l’étranger l’image d’une Tunisie en apparence « féministe » aussi bien au niveau de la sphère publique : un timide accès des femmes aux postes de décisions, la non-discrimination des sexes dans le code du travail… ; qu’au niveau de la sphère privée : transmission de la nationalité par la mère quand le père est un étranger, si ce dernier y consent, protection de la femme en cas de divorce, pénalisation de la violence conjugale... Mais il s’agit d’un « féminisme » paradoxal en apparence laïque, fortement tourné vers les valeurs de la religion, mais dans certains cas, en contradiction avec celles-ci. L’exemple qui illustre ce paradoxe issu du féminisme d’État en Tunisie se situe autour du statut de la femme et par ricochet de son corps, enjeu politique où les forces antagonistes se confrontent et s’affrontent.

Les médias sous la dictature : pour une identité féminine politisée et modélisée

21Les médias en Tunisie ont pendant plus de 23 ans fait écho au régime dictatorial de Ben Ali : publics ou privés ils se sont développés autour du discours propagandiste, lissant l’image d’un régime répressif, dictatorial et gangréné par la corruption, aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale.

« As may be understood, media outlets also played a very important role within this structurally corrupt system. Ben Ali was able to establish a media system to the complete service of his wide interests, guaranteeing a high degree of social control and manipulation of public opinion, as well as the existence and consolidation of a very profitable media environment for some privileged and well-connected stakeholders. To vatying degrees, media sectors in Arab contries can be analysed as intruments serving specific political interests » (Barata, 2013).

22Le verrouillage du paysage médiatique sous la dictature et le contrôle d’internet par le biais de la censure (ammar 404) et de la presse écrite via l’agence tunisienne de communication extérieure qui gérait les annonces publicitaires permettaient de gommer toute voix dissidente et de distiller au fil des années, une pensée unique et une idéologie dominante teintée de mauve7 où les femmes sont la plupart du temps enfermées dans un carcan uniformisateur des modèles féminins.

23Dans cette perspective, il serait intéressant de voir comment les médias, à travers leurs productions, mettent en scène des représentations de femmes, décrites par le régime « libres et émancipées », et si le sens social construit par les discours médiatiques se présente en adéquation ou en contradiction avec le discours politique autour de la question « femmes ». D’autant plus que la télévision est sous le contrôle du régime :

« La radio et la télévision publiques étaient la voix du régime qui contrôlait les deux chaînes de télévision (TV7 et Tunisie 21) […]. Deux chaînes de télévision privées étaient autorisées à diffusées par satellite (Hannibal et Nessma) et cinq radios privées sur la bande FM […]. Tous ces médias étaient proches du pouvoir et n’avaient aucune indépendance éditoriale » (UNESCO, 2012).

24Dans ce contexte, les Tunisiens préfèrent s’orienter vers les chaînes étrangères pour s’informer (Al Jazeera par exemple) ou pour visionner des fictions (les chaînes françaises, égyptiennes…), sauf pendant le mois de Ramadhan, moment de l’année où les chaînes tunisiennes produisent des fictions.

25À titre d’exemple, un regard rétrospectif d’une fiction télévisée phare du mois de Ramadhan de 2008 intitulée « Maktoub » (saison 1), diffusée sur la chaîne nationale TV 7 permet d’appréhender les stratégies de production des sens médiatiques autour du rôle et du statut des femmes. La trame met en scène Chahinez, une jeune femme belle et aisée qui séduit Dali un homme marié de la haute bourgeoisie. Le frère de Dali, Mehdi est étudiant, il fréquente une jeune femme noire, Yosr, rencontrée sur les bancs de l’université qui le harcèle pour qu’il officialise leur relation. Un autre un couple d’étudiants Elyes et Cyrine, amis de Mehdi et de Yosr, se déchire. Elyes est issus d’un milieu très aisé ; consommateur de drogue, il est jaloux et violent à l’égard de Cyrine une jeune femme arriviste prête à tout pour assurer sa propre ascension sociale. Il la bat sans qu’elle ne se décide à le quitter.

26La première saison du feuilleton s’articule essentiellement autour des thèmes suivants : l’adultère, l’enfant adultérin, le racisme, la drogue, la violence envers les femmes, l’ascension sociale et s’inscrit d’emblée dans un registre qui renforce l’ambiguïté du féminisme Tunisien qui maintient les femmes dans leur rôle de sujet attentiste : attendre que le père biologique reconnaisse l’enfant adultérin, attendre que l’éternel fiancé se décide à épouser la jeune fille à la recherche d’une reconnaissance et d’un statut social, attendre que la violence se tarisse à l’égard de la partenaire…

Des sens multiples : une discréditation standardisée des femmes

27Un premier niveau de lecture du sens dégagé par la première saison de ce feuilleton peut aboutir à une interprétation qui renvoie à un interprétant final8 généralisé, à savoir une discréditation standardisée des femmes. Dans le cadre de notre contribution, nous n’osons pas parler d’un renforcement des stéréotypes à l’égard des femmes qui se résume en une éternelle quête d’amour souvent impossible (Chahinez aime un homme marié qui se dérobe à sa responsabilité de père) où les femmes sont prêtes à endurer les humiliations racistes (Yosr est noire) et à encaisser les violences au sein du couple (Cyrine subit passivement la violence de son partenaire)… d’autant plus que les mères sont caractérisées par leur immobilisme de classe et d’ethnie, incapables de s’ouvrir à l’altérité : elles représentent les gardiennes du temple en vue de reproduire à l’infini les valeurs socialement admises sans essayer de rompre l’ordre social établi.

28Nous préférons éviter de parler de stéréotypes dans le sens où les stéréotypes renvoient à une construction de sens figée : « une manière […] de figer les représentations sur l’Autre, le Différent. […] ils peuvent être aussi des moteurs de légitimation des systèmes de comportements […] » (Grandière, 2004). Or, il s’agit ici, de dépasser l’idée statique du stéréotype pour explorer les sens pluriels qui se dégagent de cette fiction en ce qui concerne les images des femmes qui y sont projetées.

29Un deuxième niveau de lecture, nous permet de voir qu’au-delà des stéréotypes, c’est l’idée de stigmatisation, voire de damnation des femmes qui ressort de cette série ramadanesque. C’est pourquoi, nous préférons parler de manque de reconnaissance envers les statuts de ces femmes représentées par le biais de la fiction que nous interrogeons. À travers ces images de femmes construites par les discours fictionnels, se dégage l’idée de malheur, de vies tourmentées : ces représentations médiatiques sont l’expression d’un malaise identitaire profond où les femmes sont confrontées à la politisation de leur statut qui les maintient dans l’ambivalence culturelle.

30Ici, la prétendue émancipation des jeunes - qui vivent et s’habillent à la manière de la jeunesse dorée occidentale, fréquentant les boîtes de nuit à la mode, consommant de l’alcool et de la drogue, vivant des histoires d’amour - renforce ce malaise identitaire des jeunes femmes, tournées vers l’occident, qui s’opposent à la génération de leurs parents ancrés dans les coutumes immuables, à travers la transgression des valeurs socialement admises.

31D’un point identitaire, cette fiction produit des tensions antagonistes qui mettent en scènes des femmes déracinées, dont les familles sont disloquées : elles sont happées par le mode de vie à l’occidentale sans pour autant l’assumer : malheureuses, dépressives, tourmentées elles ne connaissent pas la joie de vivre ni l’insouciance de la jeunesse. Elles sont de ce fait, d’un point de vue identitaire tiraillées entre deux cultures, éloignées des pratiques religieuses, elles endossent mal leur rôle de femmes « émancipées ».

32C’est comme s’il y avait un contrat tacite - entre les fictions et les publics - dans lequel le manque de reconnaissance des statuts des femmes plongées dans l’altérité, tel qu’il est construit par les médias publiques devait s’ériger en morale. Il s’agit de nier à travers le discours fictionnel la dignité aux femmes qui dans leurs altérités sont destinées à expier les péchés de toutes les femmes.

Sexualité et voile : la prise en otage du corps féminin

33Pendant la période dictatoriale, deux phénomènes liées à la condition féminine sont à souligner : d’un côté l’instrumentalisation de la loi pour interdire les rapports sexuels en dehors du cadre du mariage entre adultes consentants (Voorhoeve, 2017) et de l’autre, l’interdiction du port du voile et des vêtements « religieux » sectaires dans les établissements scolaires et universitaires et les administrations publiques et privées (circulaires n°108 du 18 septembre 1981 et n°77 du 7 septembre 1987).

« Brouillant le discours sur les femmes, l’égalité et les droits fondamentaux, l’État avance à reculons, remettant la famille avec son modèle patriarcal et la religion avec ses commandements divins au principe même de son « action féministe ». C’est de cette ambiguïté que participent les campagnes de moralisation des espaces publics et de préservation des bonnes mœurs, les mesures juridiques reconduisant les privilèges de masculinité, l’importance accordée aux us et coutumes de l’ordre inégal de la famille patriarcale […] » (Ben Achour, 2001).

34« Le féminisme » tunisien n’étant pas sous-tendu par des revendications effectives pour l’égalité entre les sexes en ce qui concerne la sexualité des femmes, comme c’était le cas pour mai 19689 par exemple, passe sous silence la question de la liberté sexuelle, malgré la légalisation de l’avortement et de la contraception. Aussi « libres » et « émancipées » qu’elles soient, les femmes tunisiennes ne disposent pas de leur corps qui reste embrigadé par le contrôle social et par le législateur. La politisation de la sexualité des femmes - où le politique est entendu comme somme de rapports de pouvoir et de force (Bantigny, 2013) par l’intermédiaire desquels un groupe de personnes en contrôle un autre (Millett, 1969) - montre comment le féminisme tunisien est pris en otage entre une coutume sacralisant la virginité et une sur-interprétation des textes juridiques. Selon Maaike Voorhoeve malgré le fait que la sexualité hors mariage n’est pas interdite par la loi, la société tunisienne la réprouve. Les pratiques des autorités judiciaires témoignent d’un double contrôle des mœurs : un contrôle des mœurs au sein du mariage à travers la norme ouverte de « préjudice » en cas de mariage avec une non vierge, ainsi qu’un contrôle des mœurs en dehors du mariage via une interprétation des articles qui ne visent pas strictement les cas pour lesquels ils sont mobilisés. Cette sur-interprétation de la loi est souvent basée sur « la » (ou « une ») coutume, source de droit dans le système juridique tunisien pour les cas où la loi laisse une marge d’interprétation. Cette incompatibilité entre entre la loi et son interprétation montre que le droit tunisien ne correspond pas aux demandes de la population puisque cette loi date du protectorat (1913) et reste de ce fait essentiellement une production autoritaire (Voorhoeve, 2017).

« Il n’est pas étonnant alors que la sexualité soit un enjeu de pouvoir – Foucault l’avait bien compris – pouvant aller jusqu’à sacraliser la domination et l’hégémonie. Mais la « différence des sexes », et plus encore le « genre », ne sont qu’une forme – fondamentale, car normative – du partage de la raison, ou de son arrêt. Ils sont ontologiquement « faibles », d’où leur caractère rituel, directif, répétitif, suppléant à leur manque de substance. Le sexe est une idée forte, constituante de l’« identité » sexuelle comme de toute identité. Il agit comme idée et par la force des idées, il sert à maintenir l’ordre. Il ne s’agit pas seulement de l’ordre concernant les femmes, bien que celles-ci en soient l’enjeu à tous les niveaux : le sexe (en tant que scission) contribue à reproduire et entretenir l’ordre social, étatique […] » (Spensky, 2015)

35Il est en effet, possible de se demander pourquoi depuis la promulgation du code du statut personnel les revendications féminines liées à l’égalité dans les pratiques sexuelles et à la réappropriation des femmes de leur propre corps sont timides, voire inexistantes. Certes, les priorités se situent peut-être ailleurs, ou peut-être que pour nombre de femmes tunisiennes, la virginité et l’abstinence sexuelle avant le mariage constituent les caractéristiques culturelles du pays ; ces caractéristiques se résumant aux obligations et interdits qui pèsent sur le statut des femmes où la « spécificité culturelle » définie par l’élite dominante masculine patriarcale est assimilée et intégrée par les femmes, d’autant plus que l’histoire de l’humanité montre que de larges segments des catégories dominées des sociétés adhèrent à l’idéologie dominante (Bessis, 2017).

36La question de la sexualité des femmes est un thème récurrent dans les productions télévisuelles ramadanesques. C’est souvent à travers la grossesse que la sexualité de la femme est abordée : dans la plupart des cas, il s’agit d’une sexualité mal vécue, source de honte, réprimée, qui met la femme dans une posture de victime. À titre d’exemple, le feuilleton « Sayd Errim », diffusé pendant le mois de Ramadhan 2008 sur la chaîne publique Tunisie 21, met en scène Mariem, une jeune ouvrière dans une usine de textile, de conditions très modestes. Séduite par son patron, Raïf, elle tombe enceinte, perd son enfant dans un accident et couverte de honte face à sa famille, se suicide.

37Aussi bien dans « Sayd Errim » que dans la première saison de « Maktoub » la sexualité en dehors du cadre du mariage est sanctionnée par le suicide ou symboliquement par la maladie (dans Maktoub 1, Chahinez, mère célibataire, tombe gravement malade), telle une malédiction, une punition qui s’abat sur la pécheresse. Dans leur interprétation parabolique, les fictions ramadanesques retenues soulignent la réprobation d’une telle pratique et placent la femme dans une posture de transgression dont la portée rejoint l’esprit du législateur tunisien face aux rapports sexuels hors cadre du mariage. Dans ces feuilletons, la sexualité féminine n’est pas revendiquée, ni assumée d’ailleurs. Vécue dans la honte, au travers des représentations fictionnelles qui nient aux femmes actives sexuellement, sinon reconnaissance, au moins le droit à la dignité, la sexualité telle qu’elle est mise en scène confirme que le corps féminin est un objet de contrôle social, voire juridique. Que la femme soit issue d’un milieu aisé ou d’un milieu modeste, son corps ne lui appartient pas : lieu des enjeux politiques et sociaux, l’image qui en est véhiculée par les fictions le place dans l’impossibilité de renvoyer à d’autres pistes interprétatives du corps assumé. Par conséquent, les fictions semblent rejoindre dans la construction du sens social lié au corps féminin l’idée d’une « biopolitique », telle qu’elle est pratiquée par le régime dictatorial. Dans le cadre des productions médiatiques, la possibilité d’intervenir sur le sens de la sexualité féminine et d’en modifier l’interprétant final le renvoyant vers une altérité des identités féminines semble encore éloignée.

38Il est également à noter que le comportement masculin à l’égard de la sexualité en dehors du cadre du mariage montre de manière subreptice comment la politique en matière de droits des femmes n’a pas concerné les hommes. Dans ce sens, ces fictions semblent vouloir reproduire et renforcer l’idée que le code du statut personnel est avant tout une « histoire de femmes ». Aussi bien les institutions scolaires, que la famille ne semblent pas avoir joué un rôle dans la reconfiguration nécessaire du regard de l’homme envers la sexualité féminine en vue d’une harmonisation des rapports sociaux des sexes.

39Par ailleurs, l’interdiction du port du voile, montre comment malgré les quelques droits obtenus, les femmes restent avant tout un corps qu’il convient de voiler et de dévoiler au gré des conjonctures politiques et des luttes pour le pouvoir. De ce fait, cette interdiction vient confirmer que le féminisme d’État est avant tout un féminisme politique, - un construit, et dans ce cas précis, pour faire barrage à la montée de l’islamisme à partir des années 1980. Car ce n’est pas le fait de couvrir les cheveux et/ou le reste du corps qui est incriminé, mais c’est le signe au sens sémiotique du terme, c’est-à-dire l’idée de s’opposer au pouvoir et l’idéologie islamiste auxquelles renvoie le voile qui sont traquées. Dans cette perspective, il est aisé de voir que l’interdiction du voile s’inscrit dans la lutte contre un danger (les islamistes) qui risque de renverser un régime déjà fragilisé, lutte qui convoque les féministes et les femmes « progressistes » de tout bord. Encore une fois, le régime dictatorial se sert des femmes pour asseoir sa légitimité en perte de vitesse. Et pour preuve, l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD) - qui s’est, depuis sa création en 1989, démarquée du pouvoir tout en revendiquant plus de droits pour les tunisiennes, notamment l’égalité en matière d’héritage et la levée des réserves à la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes - s’est érigée contre le port du voile montrant que les féministes sont, dans certains cas, imperméables à la différence, fermées à l’altérité des leurs concitoyennes : elles soutiennent de ce fait l’uniformisation de la société tunisienne d’un point de vue idéologique, religieux et vestimentaire, en quelque sorte une pensée unique du féminisme : « L’ATFD exprime sa profonde inquiétude face à l’étendue que prend le hijab en Tunisie et son refus total de ce symbole qui est celui de l’enfermement des femmes et de la régression » (Chouikha, 2005).

40Les médias sous Ben Ali ont nié l’existence du voile tel qu’il a été traqué dans les lieux publics. Tout au plus, certaines fictions ramadanesques ont mis en scène le « sefsari » - voile traditionnel tunisien – porté par des personnages féminins âgés qui renvoie de manière nostalgique aux us et coutumes en voie de disparition. Dans ce sens, les fictions ramadanesques sous Ben Ali dérobent une spécificité identitaire à laquelle nombre de tunisiennes s’identifie : les modèles d’identités vestimentaires des femmes et par ricochet, leurs modèles d’identités idéologiques sont de ce fait uniformisés et standardisées, ils oscillent entre vêtement occidental et celui traditionnel, voire folklorique.

41D’un point de vue politique, la construction des sens liés au voile qui se dégage des productions télévisuelles diffusées sur les chaînes publiques s’avère orientée : univoque, gommant ce qui est considéré par le régime comme une pratique dissonante, cette construction met l’accent sur l’impossible acceptation de l’altérité exprimée au niveau vestimentaire. De ce point de vue, les médias dominants projettent des représentations de femmes conformes au féminisme d’État : un modèle hybride, « occidentalo-centré » (Mestiri, 2017) mais où l’égalité entre les sexes et la liberté de disposer de son propre corps se font attendre.

Vers une reconfiguration du féminisme d’État après le 14 janvier 2011 ?

42La chute du régime dictatorial a remis la question « femmes » au centre des débats politiques et de société : la légalisation des partis de tendance islamique, - essentiellement le mouvement Ennahdha qui a remporté les élections de l’assemblée nationale constituante (ANC) chargée de rédiger la nouvelle constitution du pays qui sera adoptée en 2014 - va ébranler le statut des femmes tunisiennes. Sur 217 députés élus, 89 (soit 41 %) représentent le parti Ennahdha, dont nombre d’entre eux ont été persécutés, emprisonnés, torturés ou contraints à l’exil sous le régime de Bourguiba et de Ben Ali. En arrière-plan de cette mouvance politique existe un soubassement intellectuel : la génération qui porte le mouvement est instruite ; remontée contre le « laïcisme » bourguibien, elle cherche les voies d’un retour aux racines religieuses de la société (Bendana, 2012). Dans ce contexte, la lutte entre laïcs et religieux divise le pays et met à l’épreuve le féminisme d’État construit par les deux régimes précédents.

43Avec une montée de la violence en toile de fond, les forces antagonistes s’affrontent sur le terrain des droits des femmes. À ce titre, deux exemples peuvent illustrer ce tiraillement entre religion et sécularisation qui traverse la Tunisie post 2011.

Le voile, une altérité assumée ou une normalisation vestimentaire

44La levée de l’interdiction du voile est significative dans le sens où en se rattachant au principe des libertés individuelles, elle rompt avec une symbolisation du voile en tant que signe idéologique contestataire vis-à-vis du régime dictatorial. Sous le régime de Ben Ali au-delà des préceptes religieux, le voile est investi d’un pouvoir contestataire, de résistance à la répression et à la coercition vis-à-vis des islamistes.

« Les enjeux de la Révolution tunisienne de janvier 2011 se sont d’emblée situés au niveau de la gestion de la vie dont dépendra finalement le futur modèle de la société. Plus encore que les « modernistes », les « islamistes » ne s’y sont pas trompés, investissant non seulement la scène politique, mais aussi le gouvernement des corps. Une certaine conception de l’islam fonctionne aujourd’hui comme une puissante machine biopolitique qui a affaire à la population comme « problème de pouvoir ». Les préceptes, conduites et comportements avancés au nom du respect de l’islam pénètrent littéralement toute la société et s’introduisent dans ses articulations les plus fines. Les femmes traversent pour une bonne part ce dispositif. Elles en constituent même l’un des enjeux centraux » (Kilani, 2018).

45Si à travers les élections de l’ANC, les députées voilées, notamment faisant partie d’Ennahdha ont été largement médiatisées, par exemple Mehrzia Labidi, première vice-présidente de l’ANC, il est à constater que la télévision ne s’est pas encore totalement réconciliée avec le voile. Dans les chaînes nationales, il reste confiné aux femmes politiques et une minorité de journalistes correspondantes, rarement interpellées sur antenne. Elles sont rares dans les fictions post 2011 et dans les programmes de divertissement. Ce qui montre que la télévision s’inscrit comme par atavisme, dans le sillage des interdits benalien. Cet état de fait est révélateur d’autant plus que la contradiction avec les lieux publics (rues, institutions scolaires et administratives…) est marquée :

« Dès les premiers jours de sa révolution du 14 janvier, la Tunisie légitime la contre-offensive antiféminste en autorisant le port du voile sur les photos d’identités. Et le printemps démocratique commence sous de sombres couleurs, celles d’un espace public envahi de femmes en noir. […]. Au final, de nos jours, une grande partie de femmes se voile alors qu’une grande partie de leurs aïeules s’était battue (et fait battre) pour ne pas le porter » (Douki Dedieu, 2011).

46Plusieurs intellectuel(le)s, considèrent le voile comme un signe anti-féministe qui va contre les libertés des femmes, sans prendre en considération que le choix de le porter est en lui-même l’expression de cette liberté.

47Quoi qu’il en soit, les médias aussi bien publics que privés semblent, d’une manière générale, avoir tracé les frontières entre voilées et non voilées en fonctions des genres télévisuels. Les fictions dans leur majorité semblent vouloir prendre une distanciation par rapport au voile : comme nous l’avons déjà souligné, c’est le mode vie à l’occidentale, y compris sur le plan vestimentaire qui est érigé en modèle de prescription (cf. les séries « Maktoub » saison 3 et 4, « Casting », « Layem »…). Les femmes voilées, voire niquabées (« Layem » Ramadhan 2012 diffusé sur une chaîne TV privée) sont des représentations très orientées où le voile et/ou niqab fonctionne en tant qu’association d’idée entre le signe vêtement et ce qu’il est censé représenter : le niqab est associé à la pensée religieuse extrémiste et le voile devient un signe distinctif des couches populaires qui s’inscrivent dans la continuité des valeurs socialement admises. L’association ici correspond à une construction d’une signification univoque, où la possibilité d’être voilée et militer pour les droits des femmes est niée.

Une égalité des droits hommes - femmes inégale

48Par ailleurs, l’article 28 de l’avant-projet de la nouvelle constitution est éloquent, il stipule la complémentarité de la femme avec l’homme et non, l’égalité entre les sexes10. D’où la constitution d’un collectif d’associations composées, entre autres, d’associations féministes, de la ligue pour la lutte des droits de l’Homme pour alerter la société tunisienne du danger qui la guette, c’est-à-dire, la « suppression du principe de l’égalité des sexes, qui porte atteinte à la dignité et à citoyenneté des femmes » (Labidi, 2015). Le principe de l’égalité entre les sexes et la pénalisation de la violence contre les femmes seront inscrits dans la constitution de 2014 après une grande mobilisation de femmes et d’hommes fidèles à l’esprit de l’émancipation des femmes dont le code du statut personnel est porteur. Lilia Labidi parlera à ce propos de la constitutionnalisation des droits des femmes.

49Dans un contexte marqué par une transformation de la signification et une mutation des sens, où les islamistes libérés des prisons ou de l’exil gouvernent un pays en redéfinition, la chaîne publique Watania 2 (ex-Tunisie 21) diffuse pendant le mois de Ramadhan 2012 une série TV « Bab El Hara 2100 », parodie du feuilleton syrien Bab El Hara. Si le feuilleton syrien - qui se déroule en 1930 au moment où le pays est gouverné par la France - met en scène le quotidien des hommes d’un quartier populaire qui partent combattre en Palestine sous mandat britannique, la parodie tunisienne, quant à elle, représente le quotidien d’un quartier où les rôles des femmes et des hommes sont inversés. La série aux accents syriens avec une intégration d’expressions typiquement tunisiennes montre de manière humoristique qu’une autre complémentarité entre femmes et hommes est possible dans le monde de la fabula (Eco, 1979) : les hommes sont enfermés à la maison et s’occupent des tâches ménagères, alors que les femmes travaillent, subviennent aux besoins de la famille, occupent les cafés, sont jalouses vis-à-vis de leurs conjoints… Cette inversion des rôles semble placer le féminisme dans une posture quasi dictatoriale, face à des hommes serviles, peureux car en manque de ressources pour subvenir à leurs besoins. La représentation des femmes en hommasses semble être une catharsis pour conjurer les craintes masculines d’une possible reconfiguration des rapports sociaux de sexes dans un contexte où les membres de l’assemblée nationale constituante débattent de la constitutionnalisation de l’égalité entre les sexes. S’agit-il alors d’une mise en scène de l’idée de complémentarité inversée pour frapper les esprits ? Ou bien d’un clin d’œil à une société aux prises avec les changements et les reconfigurations politiques de la question « femmes » ?

50Par ailleurs, les élections législatives et présidentielles de 2014 vont apporter un changement dans le paysage politique tunisien : le parti Nidaa Tounès créé à l’initiative de Béji Caïd Essebsi pour contrer la montée des islamistes au pouvoir remporte aussi bien les législatives (sans majorité absolue) et les présidentielles grâce au slogan du « vote utile ». Mais la coalition entre le parti vainqueur et Ennahdha arrivé deuxième va décevoir une grande partie de l’électorat de Nidaa Tounès, notamment les femmes pensant par le biais de leurs voix écarter le danger islamiste.

51Dans ce contexte politique caractérisé par « la présidentialisation de l’impuissance politique » (Gobe, 2016), Caïd Essebsi, tel que l’avaient fait ses prédécesseurs, attire le soutient des féministes : dans son discours de commémoration de la promulgation du code du statut personnel il déclare vouloir réfléchir à la question de l’égalité hommes - femmes en matière d’héritage et annuler de la circulaire interdisant aux femmes musulmanes d’épouser des non-musulmans. La commission des libertés individuelles et de l’égalité (COLIBE) est alors créée : elle est chargée de préparer un rapport concernant les réformes législatives relatives aux libertés individuelles et l’égalité, conformément à la constitution du 27 Janvier 2014, ainsi qu’aux normes internationales des droits de l’Homme. Selon le site de la commission « la constitution comprend un certain nombre de principes rattachés aux droits de l’Homme tel que les principes de l’égalité, la liberté individuelle, la liberté de conscience et de croyance. Mais en retour, de nombreuses législations et lois sont incompatibles avec ces fondements. La Commission des Libertés Individuelles et de l’Egalité se charge principalement de la préparation d’un projet de réforme conformément aux impératifs de la Constitution Tunisienne de 2014 et des standards internationaux des droits humains »11.

52Divisant une nouvelle fois la société tunisienne et la classe politique, le rapport de la COLIBE12 dont le but est l’adéquation des textes juridiques à la constitution de 2014, montre que la question des libertés individuelles et les droits des femmes reste épineuse et sujette à des polémiques virulentes. Des manifestations de protestation contre la COLIBE ont vu le jour en août 2018 dans le pays et ont réuni des imams, des prédicateurs et des citoyen(ne)s qui considèrent le rapport contre les lois coraniques. Si les partis politiques, même « progressistes » sont restés silencieux face au rapport, le parti Ennahda à travers ses quelques dirigeant à ouvertement exprimé son désaccord contre tout texte juridique en contradiction avec les préceptes de l’Islam.

Femme vs femmes : de la sur-représentation à l’absence

53La question « femmes et médias » pose en réalité un problème de taille majeure. Il s’agit de la définition des concepts et de la possibilité de construire des définitions opératoires contextualisées capables de rendre compte de la complexité de l’objet d’étude. En effet, les problématiques qui traitent de la place des femmes dans les médias et qui s’interrogent sur les représentations médiatiques des femmes semblent, dans certains cas, omettre d’entreprendre une catégorisation des femmes.

Sur-représenter pour mieux contrôler

54Femmes : de quelle(s) femme(s) parlons-nous au juste ? et pour quelle(s) femme(s) ? La représentation médiatique des femmes, la place et le statut que les médias leur accordent, semblent faire écho aux valeurs dominantes partagées par une société donnée. Le choix des médias de sur-représenter des modèles particuliers d’identités féminines renvoie à une stratégie de contrôle des populations féminines : la sélection et la sur-valorisation de catégories particulières de femmes plutôt que d’autres permet de construire des sens limités, d’autant plus que la mise en scène de l’altérité plurielle des femmes est considérée comme subversive par le pouvoir. En effet, d’une manière générale l’espace public et à plus forte raison les médias ne sont pas accessible à toutes les femmes : qu’elles soient mises en scène dans les fictions télévisées, ou qu’elles soient invitées sur les plateaux, ou bien encore décrites et définies dans les colonnes d’un journal ou dans le web, elles représentent des identités « standards » susceptibles de créer un effet d’identification des récepteurs.

55La question « femmes » dans sa dimension juridique est souvent polémique : les changements de rôles et de statuts entraînent des conflits ; des camps se dessinent et s’affrontent selon les idéologies, les croyances et les appartenances, et les médias attisent ce téléscopage d’idées contradictoires. Des crises naissent, parfois très violentes et finissent dans un dénouement consensuel « d’adaptation à l’hétéronomie sociale » (Spurk, 2013). Les médias dominants fonctionnent sur ce même schéma et construisent leurs représentations des femmes en fonction de ce qui est socialement admis de manière figée et non en fonction du contexte « révolutionnaire ».

56Dans les feuilletons ramadanesques, les sens qui se dégagent des représentations des femmes convergent vers une idée maîtresse : toute forme de « déviance » (selon le regard social, juridique ou religieux) est vécue dans la souffrance, loin d’être assumée, elle constitue un marquage au fer rouge qui nie la reconnaissance et la dignité à ces femmes. Cette sur-représentation des femmes telle une caisse de résonnance de l’ordre social établi permet de : (i) créer un processus d’identification chez certains récepteurs femmes permettant de construire des définitions de la féminité tout en créant des positions de sujet spécifiques avec lesquelles les spectatrices […] peuvent s’identifier (Mattelart, 2003) ; (ii) produire une projection : une forme de voyeurisme s’installe chez les récepteurs avides de drames et de sensations fortes qui leur apportent le réconfort de s’inscrire dans les normes socialement et juridiquement admises. (iii) Un regard croisé, peut montrer, par ailleurs, que ces formes de « déviances » constituent un contre-exemple d’attitudes et de comportements : elles permettent de pointer du doigt les interdits et l’illicite. Une lecture parabolique des fictions télévisées révèle une morale qui se répète à l’infini : les femmes qui disposent de leurs corps quelle que soit la manière dont elles se sont offertes (viol, amour, naïveté) et quelle que soit leur origine finissent toujours mal, en général.

57Loin d’être conforme à l’esprit de l’égalité entre les sexes, les images des femmes véhiculées dans les fictions ramadanesques retenues s’inscrivent dans une perspective de domination masculine, économique, psychologique, financière, mais surtout sexuelle associée au viol, à l’abandon après l’acte sexuel, voire après une grossesse ; elles construisent de ce fait un sens social autour la sexualité des femmes ; message subliminal pour les prémunir ? morale pour les recadrer ? Toujours est-il qu’en présentant un modèle de femmes sans possibilité de reconnaissance sociale auquel l’idée de dignité est niée, il y aurait au sein de ces fictions comme un « pouvoir » biopolitique du corps féminin. Dans les médias, la sur-représentation de modèles de femmes qui se conjuguent à l’infini dans une sémiosis qui se mord la queue acquiert un caractère performatif et prescriptif : le mode de vie y compris le mode vestimentaire à l’occidentale fait écho aux textes juridiques qui attendent d’être modifiés :

« Si le pouvoir se montre bien frileux dans certains domaines liés à l’évolution du statut des femmes, il n’est cependant pas le seul en cause. […] la société tunisienne est loin, en effet, d’avoir faite sienne l’exigence d’égalité des sexes et exprime, en matière législative comme dans tous les aspects de la vie, de très fortes réserves devant une émancipation des femmes qui paraît à beaucoup de Tunisiens trop radicale. Trop timide pour nombre de femmes, trop hardi aux yeux de pans non négligeables de la population, le régime tunisien paraît essayer, avec des fortunes diverses, de réaliser la difficile synthèse des aspirations contradictoires d’une société jusqu’ici incapable de formuler un projet collectif de modernité » (Bessis, 1999).

Contre-publics et subalternité : une absence médiatique

58Si les médias privilégient des représentations normatives des femmes, la question qui se pose est celle de savoir quelles sont celles qui en sont exclues ? Représenter les femmes dans l’espace médiatique c’est donner voix à celles qui s’identifient à ces représentations. Cette identification peut être d’ordre politique, idéologique, social, et même vestimentaire. L’ouverture du champ médiatique aux femmes voilées après la chute du régime de Ben Ali a permis par métonymie de donner voix aux femmes voilées qui se sont reconnues dans cette spécificité vestimentaire, idéologique et religieuse. La représentation médiatique de certains modèles de femmes permettrait de leur conférer une reconnaissance sociale, voire politique. La question « femmes » est donc de plus en plus tributaire des médias qui décident de la manière de les représenter et des sens à produire autour de cette classe de population. Dans cette modélisation des représentations dominantes, des groupes féminins, « des subalternes » (Spivak, 1985) sont exclues des espaces publics médiatiques et s’expriment au sein des « contre-publics-subalternes conçus comme des arènes discursives parallèles dans lesquelles les membres des groupes sociaux subordonnées élaborent et diffusent des contre-discours, ce qui leur permet de fournir leur propre interprétation de leurs identités, de leurs intérêts et de leurs besoins » (Fraser, 2005).

59Les représentations médiatiques uniformes et modélisée des femmes, empêtrées dans un discours dominant sont sans aucun doute contre- productifs en ce qui concerne l’émancipation des femmes entendue en tant que reconnaissance de leurs identités plurielles et de leurs altérités.

« Les contre-publics subalternes constituent des espaces de regroupement et des terrains d’essai pour des activités de revendication et de contestation ensuite dirigées vers des publics plus larges. Cette logique leur permet de compenser en partie les privilèges de participation dont bénéficient les membres des groupes sociaux dominants. Elle constitue donc un dispositif de l’émancipation » (Ferrarese, 2005).

60En Tunisie, malgré le changement de régime et les espoirs qui ont alimenté le souffle des revendications, la question « femmes » est demeurée fortement polarisée entre deux tendances antagonistes : les islamistes et les laïques. Aussi bien la classe dirigeante, que la majorité des « élites » et intellectuels se sont positionnés dans des affrontements idéologiques qui s’inscrivent malgré tout dans les discours des valeurs dominantes de leurs camps respectifs : sourds aux contre-publics subalternes, ils minent le chemin menant à l’émancipation des femmes.

61Les médias emboîtent le pas à cette polarisation et à travers les images qu’ils projettent inscrivent les femmes dans des sens identitaires restreints incapables de rendre compte des altérités des unes et des autres.

62Internet, à travers les pages personnelles, les blogs, les réseaux sociaux numériques, pourrait dans une certaine mesure donner une visibilité à celles dont les voix sont gommées par les médias dominants, à l’instar des cyberactivistes, dont des femmes, sous Ben Ali : « Si les cyberdissidents peinent parfois à se faire entendre auprès de publics plus larges (auprès de la population tunisienne dans son ensemble, mais aussi auprès des « opposants classiques »), ils sont néanmoins parvenus à réaliser quelques « coups » médiatiques, surtout auprès de publics étrangers » (Lecomte, 2009). Cependant, comme le fait remarquer Lecomte, internet n’est pas généralisé à l’ensemble de la population et reste de ce fait circonscrit à des usages « élitistes ».

63Au regard de certains contenus alternatifs sur internet, il est possible de constater que la parole contestataire des opposants « non conventionnels » tel que le caricaturiste -Z- à travers son blog DébaTunisie, renforce de manière implicite la polarisation autour des identités féminines à travers un référentiel sexuel. Ainsi, le caricaturiste -Z- pour parler de l’alternance politique entre Ennahdha et Nidaa Tounès, représente la Tunisie par une femme qui se fait sodomiser en alternance par R. Gannouchi et B. Caïed Essebsi. Ou bien, il représente le ministère de l’intérieur, lieu de tortures et d’arrestations arbitraires au temps de la dictature par un énorme vagin béant sous l’intitulé de « Le trou noir de Tunis » (Mezrioui, 2016). Ce qui signifie que la représentation de la femme dans les discours considérés alternatifs est intimement liée aux représentations dominantes issues de la domination masculine. La sexualité féminine est appréhendée sous le prime des axiologiques négatifs et porte en soi un regard dépréciatif.

64Si Spivak pose la question de savoir si les subalternes peuvent parler, nous, nous nous posons la question de savoir quels dispositifs peuvent-elles emprunter pour parler : quels seraient alors ces contre-espaces publics capables de porter leurs voix dissonantes ?

« […] elle (Spivak) a remplacé la question de savoir si les subalternes peuvent effectivement parler, à un moment donné, par la question de savoir si les subalternes peuvent parler tout court, mais elle a de manière beaucoup plus conséquente substitué le discours à l’action, comme si, encore une fois, il existait des sphères opposées, celle du langage (dans laquelle nous serions piégés) et celle de l’être (qui nous serait inaccessible). […] car les subalternes ou les masses ne cessent jamais de résister et de se rebeller, quand même c’est cette résistance qui les constitue en tant que masses » (Montag, 2006).

65Il serait opportun de nous interroger sur les mécanismes d’exclusion de certains groupes de femmes liés à l’universalisation des normes, et de ce fait sur les objets produits par exclusion, et la manière dont l’universalisation de la norme les constitue, négativement, en les différenciant (Benoit, 2014). C’est la représentation des identités féminines plurielles qui est problématique puisque les médias dominants semblent incapables de dépasser des représentations polarisées autour des images des femmes.

Conclusion

66Les représentations et images des femmes dans les médias donnent souvent lieu à des discours polarisés qui s’affrontent : des discours teintés de laïcité, tournés vers « l’émancipation » des femmes à travers des marqueurs tels que les codes vestimentaires, les conduites et les comportements importés de l’occident et des discours figés aux tonalités religieuses, attachés aux valeurs « ancestrales » de la société tunisienne.

67Sans chercher à faire émerger les stéréotypes et les contre-stéréotypes présents dans les discours médiatiques sur les femmes, il semble opportun de montrer comment les médias en Tunisie construisent autour de la question « femmes » des sens restrictifs, statiques incapables de rendre compte des identités plurielles de ce groupe. D’autant plus que l’idée même de stéréotype est porteuse d’un refus d’altérité car normatif. Il s’agit donc ici de réfléchir sur l’idée de reconnaissance des altérités des femmes représentées dans les médias sans porter atteinte à leur dignité. Dans cette veine, il est possible de se poser la question de savoir comment faire pour que les altérités plurielles des femmes soient reconnues sans pour autant être dévalorisées ?

68À travers une analyse d’exemples issus des feuilletons télévisuels en pendant le mois de ramadhan, il ressort que les sens produits par le discours médiatique autour des femmes reflètent la lutte des pouvoirs entre les laïcs et les conservateurs (souvent religieux), sans appel pour d’autres modèles de représentations. Dans cette perspective, les médias semblent imperméables aux contre-publics subalternes qui semblent être destinés à explorer d’autres canaux pour faire entendre leur voix. C’est pourquoi une approche transculturelle du féminisme (Mestiri, 2017) pourrait s’avérer intéressante pour dépasser ces blocages.

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Textes juridiques

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Avant-projet de la constitution de la République Tunisienne, traduction française, URL :  http://www.albawsala.com/uploads/documents/Version_finale_de_la_traduction_FR_-_verifie.pdf

Constitution de la République Tunisienne de 2014.

Code du Statut personnel de 1956.

Code du travail de 1966.

Site Web

DébaTunisie, URL : http://www.debatunisie.com

COLIBE, URL : https://colibe.org

Notes

1  Cf. article 6 de la constitution de 2014 (traduction en langue française).

2  Cf. décret-loi n° 2011-115 du 2 novembre 2011 (traduction en langue française).

3  Cf. articles 21 et 46 de la constitution de 2014 (traduction en langue française) : art. 21 : « Les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination » ; art. 46 : « L’État s’engage à protéger les droits acquis de la femme et œuvre à les renforcer et à les développer. L’État garantit l’égalité des chances entre la femme et l’homme quant à l’accès à toutes les responsabilités et dans tous les domaines. L’État œuvre à réaliser la parité entre la femme et l’homme dans les assemblées élues. L’État prend les mesures nécessaires en vue d’éliminer la violence contre la femme ».

4  Cf. circulaire 216 du 5 novembre 1973 qui stipulait que les étrangers non-musulmans sont obligés de se convertir à la religion musulmane pour officialiser leur union avec une femme tunisienne musulmane.

5  Dans son ouvrage Les limites de l’interprétation (1992), Umberto Eco établit une différence entre interpréter et utiliser un texte. Utiliser un texte renvoie à l’idée de surinterprétation, c’est-à-dire de privilégier les intentions du lecteur sur les intentions du texte et de son auteur : le lecteur attribue au texte les sens qu’il a envie d’y trouver. L’interprétation opportuniste, ici, s’inscrit dans la même veine de l’utilisation du texte : l’interprétation opportuniste du texte religieux fait souvent écho à ce que le lecteur désire y trouver et non pas à ce que le texte dit.

6  Soumaya Mestiri dans son article « Précis de Décoloniser le féminisme. Une approche transculturelle » oppose féminisme laïc à tendance séculière qui renoue avec l’imaginaire colonial féminin et féminisme musulman, une alternative décoloniale au féminisme laïc qui s’attache à déconstruire le coran pour défendre l’idée d’une égalité entre les sexes, sans pour autant y arriver : cette lecture du texte religieux dégage l’idée de complémentarité entre les sexes et par conséquent une assignation des rôles hommes-femmes.

7  Le mauve est une couleur symbole du régime de Ben Ali.

8  L’interprétant final : une habitude à agir de la même manière face à un signe donné dans un même contexte. Cf. PEIRCE Charles Sanders, 1931-1958, Collected papers, Vol. 8, Harvard University Press. L’interprétant final de cette fiction, et d’ailleurs de la plupart des fictions ramadanesques, renvoie à un axiologique négatif des jeunes femmes « émancipées » mises en scène.

9  Nous n’allons pas ici développer une analyse des revendications de libéralisation sexuelle de mai 1968, mais il nous a semblé important de souligner que selon certains, notamment, Michel Brix (2008), cette révolution des mœurs place in fine la femme dans une posture de domination masculine et dans ce sens, elle sert plus à réaliser les fantasmes masculins, que de libérer effectivement la sexualité féminine.

10  Avant-projet de la constitution de la République Tunisienne, traduction française, URL : http://www.albawsala.com/uploads/documents/Version_finale_de_la_traduction_FR_-_verifie.pdf, consulté le 11 janvier 2019.

11  Site de la COLIBE, URL : https://colibe.org/la-commission/, consulté le 18 octobre 2018.

12 Les grandes lignes du rapport peuvent être résumées comme suit : « L’égalité homme - femme totale dans l’héritage d’une part, et entre les enfants légitimes et naturels (biologiques) d’autre part, ainsi que l’égalité dans l’attribution de la nationalité et le choix du nom de famille (possibilité de choisir celui de la mère), outre l’annulation de la peine de mort et l’abolition de la criminalisation des pratiques homosexuelles.

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Racha Mezrioui, «Féminisme d'Etat et discours médiatiques sur les femmes : entre modélisation et absence de l’altérité», French Journal For Media Research [online], Browse this journal/Dans cette revue, 11/2019 Les femmes dans les médias, last update the : 19/01/2019, URL : https://frenchjournalformediaresearch.com:443/lodel-1.0/main/index.php?id=1765.

Quelques mots à propos de :  Racha Mezrioui

Maître assistante
Institut de Presse et des Sciences de l’information (IPSI), Université de la Manouba, Tunisie
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