French Journal For Media Research

Marcel Bagare

Socio-anthropologie du rôle et de la place de la femme dans trois quotidiens du Burkina Faso

Résumé

La problématique sur la question du genre dans les médias au Burkina Faso donne la possibilité d’une connaissance approfondie des disparités en termes d’emploi et de tâches. Le fond de la réflexion vise à mettre en exergue la contribution des relations de genre dans la structure fonctionnelle et l’organisation des entreprises de presse pour la répartition des pouvoirs, notamment la presse quotidienne.

Abstract

The problematic on the issue of the journalism genre in Burkina Faso gives the possibility of an in-depth knowledge of the disparities in terms of employment and stains. The purpose of this study is to highlight the contribution of gender relations in the functional structure and organization of press companies, in particular the daily press for the distribution of powers.

Texte intégral

Introduction   

1La question de la place de la femme dans les médias d’une façon générale fait l’objet de préoccupation, à l’image de la conférence tenue en août 2011 à Kigali au Rwanda par « Genre et Médias »1. Au terme de cette rencontre, il ressort qu’un tiers des journalistes sont des femmes et moins d’une femme sur dix occupe un poste à responsabilité. Cette conclusion vient renforcer les résultats du séminaire international organisé à Toronto quelques années plutôt, en 1995, sur le thème : « Lesfemmes et les médias : accès à l’expression et à la prise de décision. Il y avait été dit en substance que les femmes parviennent de moins en moins à des postes importants dans l’industrie des médias, ce qui traduit leur peu d’influence dans les prises de décisions mais aussi leur moindre capacité à  donner leur point de vue sur l’actualité (rapport UNESCO, 1997). Vingt ans après, le Rapport annuel de l’UNESCO (2017) indique que la femme demeure toujours sous représentée dans l’univers des médias en terme de qualité (postes occupés) et de quantité (leur nombre). Selon ce rapport, sur un échantillon de 200 journalistes recensés dans la zone subsaharienne, seuls 30% sont des femmes. La situation des femmes dans l’univers des médias telle que décrite est l’émanation d’un contexte historique et culturel relatif à la place de femme dans la société africaine en général : elles continuent d’être victimes de préjugés et ont moins accès que les hommes à des emplois décents.

2« En Afrique subsaharienne, s’agissant de l’emploi, les raisons du maintien d’un écart entre hommes et femmes tiennent probablement moins à la discrimination sur le lieu de travail (même si elle existe également) qu’à la nécessité pour les femmes de se charger elles-mêmes des activités quotidiennes de subsistance des foyers pauvres (aller chercher de l’eau, préparer les repas, s’occuper des enfants, etc.) » (BIT2, 2008, 6).

3Si dans cette partie de l’Afrique, et probablement ailleurs, les facteurs historiques et culturels pèsent de tout leur poids, la pauvreté et le chômage n’en demeurent pas moins des facteurs de l’orientation des femmes vers tous les types d’activités rémunératrices (Adama Zerbo, 2006). Quelle représentation a-t-on du statut de la femme en Afrique subsaharienne? Au Burkina Faso, la situation de la femme en termes d’emploi, quel que soit le secteur d’activité, révèle une grande disparité hommes-femmes (Jean-Pierre Lachaud, 1998). Pour faire face à cette situation et réduire ces inégalités, le Burkina Faso a adopté en 2008 la Politique Nationale Genre (PNG). Elle a conduit à la mise en place d’un cadre de réflexion, dont un atelier de formation organisé en août 2015 par le Ministère de la Promotion de la Femme. Il a porté sur des directives pour la promotion de l’égalité hommes-femmes dans les médias. Cette prise de conscience de la participation de la femme burkinabé au développement de l’industrie médiatique s’est traduite par l’élaboration d’une stratégie et d’une politique plus inclusive pour la lutte contre les inégalités et la pauvreté (Edouard Ouédraogo et al, 2005).

4Nous axons notre réflexion sur l’univers de la presse écrite au Burkina Faso à travers les trois principaux journaux quotidiens (Le pays, L’Observateur Paalga et Sidwaya). Comment cette orientation politique a-t-elle transformé le paysage des inégalités hommes- femmes en termes d’emploi ? Quel rôle les femmes jouent-t-elles dans les sphères de décision et la production des contenus dans ces trois quotidiens ?

5Il ressort de cette problématique développée ci-dessus que les discriminations et préjugés basés sur le genre ont bien un impact sur la place occupée par la femme burkinabè dans l’univers de la presse quotidienne, aussi bien dans de la production des contenus de ces journaux que dans leur gestion. Dans cette étude, il est question de montrer les fondements et les explications féministes dans l’insertion des femmes dans l’univers de l’industrie de la presse quotidienne au Burkina Faso. Dans le même temps, cette réflexion va permettre une meilleure compréhension de la domination des hommes comme postulat historique. Cette injustice sociale qu’on observe entre les femmes et les hommes sur le marché du travail et en particulier dans les organes de la presse quotidienne ne sont qu’un reflet de la discrimination résultant de la position subordonnée de la femme dans la société, position historiquement et culturellement construite. « En considérant l’histoire des femmes comme un cas particulier de l’histoire générale des formes de domination, les auteurs (féministes) situent la division sexuelle du travail à l’origine de cette domination, légitimée par la naturalisation des différences et des rapports entre sexes » (Assa Doumbia Gakou et Mathias Kuépié, 2008, 63).

Repères théoriques et méthodologiques

6A travers le thème abordé ici, nous nous intéressons aux manières dont la société burkinabè traite les femmes par rapport aux hommes en termes d’emploi dans l’univers des médias. L’hypothèse générale de l’étude stipule la subordination de la femme dans la sphère médiatique en termes de responsabilités. Cette hypothèse ’ se réfère à la théorie du capital humain en rapport avec la théorie des stratégies de survie et la théorie féministe (Becker, 1993). Cette approche théorique se rapporte de façon générale à la polyactivité. Elle permettra de mettre en exergue trois niveaux d’appréciation du rôle de la femme dans l’univers de la presse quotidienne burkinabè : l’autosubsistance, le traitement salarial ainsi que les activités et services menés en dehors du cadre des médias de type entreprenariat visant à la légitimation symbolique de leurs compétences. La période retenue pour cette étude débute à la date de la signature de la convention collective des journalistes professionnels et assimilés au Burkina Faso par l’ensemble des organisations des maisons de presse et l’organe de régulation des médias (Conseil Supérieur de la Communication)3 en septembre 2009 (Rapport CSC, 2013). Cette convention collective dotait le paysage médiatique burkinabè d’un cadre juridique pour tous les acteurs de ce secteur sans discrimination de sexe et autres pesanteurs sociales, économiques, etc. (Thierry Butzbach, 2017). Nous avons retenu les douze (12) mois l’année 2017 comme cadre de référence pour cette recherche. Le choix de l’année est motivé par, d’une part, la note de 2,64 sur 4 points de l’indice de viabilité des médias au Burkina Faso attribuée par. Cette note traduit « une situation assez viable », selon la méthodologie Irex4, pour l’exercice de la liberté d’expression et de la presse au cours de l’année 20175. D’autre part, les critères de cette évaluation portent sur les indicateurs suivants : l’existence de la liberté d’expression et de parole, la pratique d’un journalisme professionnel, la diversité des médias et la pluralité de l’information, la gestion des entreprises de presse et le dynamisme des institutions et organisations professionnelles de soutien des journalistes et des médias. A cela, un sixième indicateur a été ajouté à savoir la question de la place et du rôle de la femme dans les médias burkinabè.

7Dans le contexte de cette étude qui porte sur le rôle de la femme dans les organes de presse, nous retenons les trois quotidiens les plus lus au Burkina Faso. Notre étude se focalisera précisément sur : Sidwaya, le quotidien gouvernemental, L’Observateur et Le Pays, deux quotidiens privés. Notre analyse sera basée sur une méthode de recherche dite mixte, soit un pont entre les données et l’ensemble des méthodes d’analyse quantitatives et qualitatives (Lorraine Savoie-Zajc, 2009). Cette approche méthodologique permet d’obtenir des données différentes mais complémentaires sur la vie des acteurs, ici les femmes dans l’entreprise de presse, afin de mieux comprendre le problème de recherche (Janice Morse, 1991). L’intention du chercheur est de bénéficier des différents avantages des méthodes qualitatives (plus de détails et de profondeur par le biais des outils de collecte comme l’entretien et l’observation) et quantitatives (taille de l’échantillon, tendances, généralisation du phénomène) réduisant ainsi les faiblesses de chacune par la complémentarité de l’autre. La triangulation, une dimension de l’approche mixte, vise la recherche d’une convergence des résultats sur un même phénomène étudié afin de renforcer la validité de l’étude. Cet axe de la méthode fournit un choix de données diverses et variées (des statistiques, des extraits de discours, etc.). Cependant, la prise en compte dans cette étude de la méthode mixte a pour intérêt une double vision analytique du fait social sur lequel nous porterons notre attention, tant au niveau quantitatif (statistiques) que qualitatif (analyse de contenu et approche socio-anthropologique) (Pierre Paillé, 2009). Pour l’auteur, combiner ces deux méthodes dans une même dynamique de recherche conduit à une explicitation du phénomène étudié. L’approche comparative dans cette étude sur les quotidiens (Sidwaya, Le Pays et L’Observateur) a été adoptée dans l’intention d’expliciter la place de la femme dans ces organes de presse écrite au Burkina Faso et les problèmes qu’elle pose. Ainsi, on peut admettre dans ce contexte que :« la complexité des représentations stéréotypées est telle que passer par une étude decas permet de mieux observer les dynamiques à l’œuvre » (Laurine Aicha Anna Benjebria, 2015,54).

Présentation des quotidiens

8Sidwayaest un quotidien d’Etat crée sous l’égide de la révolution du Capitaine Thomas Sankara dès sa prise de pouvoir en 1984. C’est un média d’information de service public placé sous le contrôle de Ministère en charge de la communication et l’information. Etablissement public à caractère administratif, il jouit d’une autonomie de gestion pour répondre à sa mission de service public. Sidwaya reste néanmoins tourné dans le fond des contenus vers l’action gouvernementale et est considéré par l’opinion publique comme inféodé au pouvoir en place. Cependant, il s’ouvre très souvent aux activités des partis politiques de l’opposition et des autres organisations. Son tirage avoisine de janvier à décembre 2017 plus de 12 000 exemplaires. Pour ce qui est de L’observateur Paalga, c’est un quotidien privé qui a resurgi en 1991 dans le paysage médiatique après plusieurs années de silence sous la Révolution. Il est dirigé depuis lors par Edouard Ouédraogo, qui se présente comme un partisan de la liberté d’expression. Ce quotidien constitue une entreprise individuelle quoique dans la réalité il ait le statut de société anonyme à responsabilité limitée. C’est le doyen des quotidiens privés et il jouit d’un certain prestige grâce à sa trajectoire particulière. Certaines de ses rubriques sont de véritables institutions pour les lecteurs. Son tirage quotidien varie entre 6 000 et 15 000 exemplaires6 selon l’actualité, en particulier l’actualité politique. Pour terminer, Le Pays, troisième et dernier quotidien soumis à cette étude, est également un média du secteur privé. Ses premières parutions datent des années 1991. Ce quotidien est issu d’une entreprise individuelle financée personnellement par son Directeur de rédaction Boureima Jérémie Sigué, ancien journaliste de la presse d’Etat. Son tirage quotidien oscille entre 8 000 et 15 000 exemplaires7 selon les périodes.

Du corpus à l’échantillonnage

9Le corpus que nous retenons dans le cadre de ce travail permettra de faire le point sur la diversité des productions et de leurs auteurs. L’application des critères a permis de recenser 60 numéros par quotidien, soit 180 pour les 3 quotidiens. Cette cohorte de 60 /240 numéros soit un quart de l’ensemble des parutions annuelles (240) a été établie selon la méthode aléatoire simple. Elle consiste à choisir des numéros des quotidiens de telle sorte que chaque numéro de parution ait une chance égale de figurer dans le corpus (M Körnig, 2003). Nous avons comptabilisé en tout 1620 articles, tous genres journalistiques confondus. Voir tableau n°1 ci-dessous

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10Pour l’échantillon sur lequel nous allons axer notre travail, nous avons procédé à un recensement du personnel actif qui contribue à la production (journalistes, photographes, correcteurs, monteurs.) et le personnel qui intervient dans la gestion de l’entreprise c’est-à-dire l’administration (direction, services comptabilité, services des ressources humaines et service commercial). La population concernée dans le cadre de cette recherche par recensement est le fruit d’une méthode d’échantillonnage avec probabilité proportionnelle à la taille. Grâce à cette méthode, chaque membre de la population observée a une chance d’être inclus dans l’échantillon (Vincent Loonis, 2009). Le tableau n°2 fait le récapitulatif de cette phase de recensement.

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11L’élaboration du corpus et de l’échantillon constituent une base de référence des données dans le cadre cette recherche. Nous essaierons de rassembler toutes les informations en rapport avec l’actualité du sujet dans le but de rendre compte de la question du genre, la représentativité des femmes et le traitement de l’information au sein du groupe médiatique.

Approche statistiques de la division du travail dans les organes de la presse quotidienne : les usages et les formes  

12Cette étape de la recherche se focalisera sur les données été recueillies et examinées. Le choix de l’approche méthodologique dite mixte donne l’occasion de traduire les données en rapport avec le corpus et l’échantillon en termes statistiques (quantitatives) et en termes d’exploitation de fond (qualitative) (Damon Mayaffre, 2009). Au regard de ce qui précède, cette recherche visera à mettre en exergue les résultats auxquels nous sommes parvenu durant la phase de recueil des informations. Ils serviront à répondre aux préoccupations (questionnements) de notre étude. Le résultat de l’analyse statistique de notre étude conduira à appréhender la représentativité en termes de proportions, en l’occurrence la place des femmes dans les quotidiens d’information généraliste au Burkina Faso. Cette approche statistique permettra de dégager l’ampleur du phénomène étudié.

13Il est question de rendre compte de l’incidence des rapports de sexe sur la pratique et l’organisation du travail dans l’entreprise de presse dans l’optique de la séparation des attributions, de l’indépendance des décisions dans l’aménagement des tâches et des exigences préalables pour l’emploi. Selon la plate-forme pour la promotion de l’emploi au Burkina ( ?), il est fait cas d’une batterie de dispositions juridiques qui prônent l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (Rosalie Ouoba et al, 2003, 23). Assurément, cette disposition légale est appliquée, depuis son adoption en 1991, dans beaucoup de secteurs d’activité mais les inégalités subsistent encore et malgré tout. Les résultats observés dans cette étude le confirment au regard des données ci-dessous : les écarts entre les femmes et les hommes sont considérables. Cependant, si la presse est un secteur historiquement très masculin, son développement provoque le recours aux compétences féminines. Le premier constat auquel nous voulons aboutir dans cette démarche, est la différence entre hommes et femmes dans l’effectif général des employés des quotidiens. En fusionnant l’effectif des employés (toutes tendances confondues) des trois quotidiens en cause dans cette recherche, on remarque que l’effectif des hommes est largement supérieur à celui des femmes, en témoignent les résultats du graphique n°1, avec74,04% d’hommes, soit environ ¾ de la population totale des employés des trois quotidiens. Quant aux femmes, elles ne représentent que 25,95% de cette population soit ¼ des actifs. Voir graphique n°1.

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14Cette première étape va nous conduire à envisager une approche individuelle (quotidien par quotidien) afin de mesurer l’impact général observé ci-dessus. En effet, les inégalités hommes-femmes sont l’un des enjeux majeurs du monde du travail au Burkina Faso, et au sein des quotidiens en particulier. Les statistiques individuelles selon les cas de notre recherche (les trois quotidiens) confirment que les femmes ont nettement moins de possibilités que les hommes d’accéder à l’emploi. Au regard des chiffres issus du graphique n°2, le quotidien gouvernemental Sidwaya présente un effectif de femmes plus importants que les quotidiens privés Le Pays et L’Observateur. Ainsi, les femmes employées au quotidien Sidwaya représentent 31,25% de l’effectif total de ce quotidien devant le quotidien L’observateur Paalga avec 22,65 % et 20% pour Le Pays. Comparativement aux hommes, les femmes sont sous-représentées. Cette tendance confirme ce que nous avons observé précédemment. On note respectivement 68,75%, 77,35% et 80% d’hommes dans les quotidiens Sidwaya, L’Observateur Paalga, et Le Pays. Ces premières statistiques que nous livrons donnent un aperçu global en prenant en compte tout le genre féminin en exercice au sein des quotidiens. Ces chiffres intègrent toutes les femmes y compris le personnel administratif, les journalistes, etc. (voir graphique n°2).

15En effet, les questions de genre au sein des quotidiens se matérialisent à travers plusieurs disparités, autant sur le plan des fonctions exercées que sur celui des responsabilités. Quels sont les mécanismes qui aboutissent au maintien de ces écarts sexués ? Plusieurs points d’analyse peuvent découler des données existantes sur ces questions. Il s’agit pour nous d’approfondir les rapports mis en jeu par ces faits et de les mettre en perspective.

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Les femmes journalistes

16Depuis les conclusions du rapport final de l’Union Africaine (2017) sur la question genre dans le secteur des médias, l’effectif de femmes employées journalistes dans les organes de presse ne cesse de croître de façon remarquable dans toutes les régions du monde. Bien que cette augmentation soit réelle, Carolyn Byerly (2014), rapporte que l’effectif des femmes dans les médias stagne voire perd de l’ampleur dans certaines partie de monde notamment en Afrique, ce qui vient nuancer cette tendance générale. Une des clefs pour comprendre la préoccupation de Carolyn Byerly se résume à la longueur du cursus universitaire et professionnel. Ces différentes postures acquises peuvent d’un côté se diviser le travail et de l’autre se coordonner. La standardisation des qualifications implique que les individus aient suivi une formation longue dans des écoles supérieures ou des universités. Si l’exigence d’un diplôme spécifique ne semble pas être un critère déterminant pour exercer la profession de journaliste,  il n’en demeure pas moins que les journalistes ont pour la plupart suivi des cursus longs. La diversité des formations et des sensibilités personnelles est considérée comme une richesse dans le secteur des médias. Or, en Afrique subsaharienne, le contexte socio-culturel ne favorise pas les femmes (Olivier TANDAERT, 2015). La persistance des stéréotypes et les pesanteurs sociales contribuent à limiter à un niveau moyen voire inférieur le cursus et la formation des femmes. Quoi qu’il en soit, que l’allure de cette transformation soit accélérée, les résultats des analyses statistiques en termes de sexes dans les professions dans les organes de presse sont en nette évolution. Reste à se poser la question de savoir quelles sont les conséquences de ce développement ? Cette éventuelle féminisation de la profession liée au journalisme en particulier donne matière à réflexion sur notre travail. Mais, quel est donc cette prétendue féminisation dans les quotidiens au Burkina Faso?

17D’après nos évaluations, les statistiques sur l’effectif général des employés qui répondent au statut de journalistes tous genres confondus selon les quotidiens (Sidwaya, L’Observateur Paalga et Le pays) donnent une nette avancée en termes de chiffre pour les hommes sur les femmes journalistes. (Voir tableau ci-dessous)

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18Au regard des données ci-dessus, on peut évoquer les différentes proportions qui ressortent sur la différence en hommes et femmes journalistes. On constate que les données enregistrées ci-dessus ne soient pas très distantes des relevés chiffrés sur les tendances générales officiels où les hommes supplantent les femmes à plus de ¾ des effectifs (voir graphique n°2). A cet effet, la première remarque porte sur le rapport journalistes et l’effectif général des employés où il ressort que les journalistes représentent respectivement 43,67 %, 27,58 % et 28,75 % pour les quotidiens Sidwaya, L’Observateur Paalga, et Le Pays. Cette tendance montre que la part des journalistes dans l’effectif général des employés des quotidiens est plus ou moins importante vu que les chiffres excèdent le 1/3 des effectifs des employés dans les quotidiens au Burkina Faso. Cependant, on peut relever la forte hausse du taux de journalistes dans le quotidien Sidwaya qui tend vers une certaine parité Homme et Femme avec un taux de 43,67 %. (Voir graphique n°3 ci-dessous).

19Pour ce qui est des rapports homme et femme dans l’équipe des rédactions des quotidiens, les résultats sont moins flatteurs. Les données recueillies affichent que les femmes sous représentées que les hommes dans les salles des rédactions des quotidiens. A ce niveau, le constat qui est fait, rapporte une forte prédominance de l’entretien des stéréotypes sexistes qui confortent plus les hommes que les femmes. L’absence d’initiative des responsables des organes de presse à réduire les écarts se constate dans les différents taux enregistrés au cours de cette recherche. Le travail journalistique amplifie-t-il la hiérarchie du genre au regard de la différence enregistrée dans les données? Nous estimons que, l’une des raisons qui explique :

« Cette non-mixité est source d’homosociabilité, définie comme “les relations sociales entre les personnes de même sexe, à savoir les relations entre les hommes ou les relations entre les femmes” (donc au sein d’un groupe homogène). La particularité de l’homosociabilité masculine en milieu ouvert est de devoir composer avec l’autre, ici les femmes, minoritaires durant la formation. Cela définit un type particulier de relations sociales, entre ségrégation et proximité, où femmes et hommes sont ‘’ with-then-apart’ - ensembles, mais séparé.e.s.» (Emmanuelle Larroque, et al, 2017, 16).

20Globalement, on remarque que les taux des femmes par rapport aux hommes n’excèdent pas les ¼ de l’ensemble des journalistes dans les salles de rédaction des quotidiens selon les données de la recherche : 23,69%  de femmes contre 76,31% d’hommes à Sidwaya et pour le quotidien Le Pays, on a 24% de femmes journalistes contre 76% d’hommes. Cependant, il est important de relever le taux au niveau du quotidien L’Observateur Paalga qui affiche en hausse avec presqu’un 1/3 des journalistes qui sont des femmes au sein de cette rédaction soit environ 29% contre 71% d’hommes. Aucun fait majeur n’explique cette particularité observée au niveau du quotidien L’Observateur Paalga selon nos investigations sur la question. Cependant, on nous comprenons dans les propos d’un responsable de ce quotidien une faible tendance au phénomène du nomadisme des femmes dans le milieu de la presse par rapport aux hommes. Pour ce dernier, 

21« Les femmes journalistes ont plutôt tendance à conserver leur poste au sein de la rédaction sur une période relativement longue que les hommes qui à la moindre occasion d’un poste ailleurs n’hésitent pas à partir, le nomadisme des journalistes (hommes) est reconnu dans le milieu. Ils sautent de journal en journal pour une raison ou une autre (poste, salaire et autres avantages) mais, les femmes sont plus fidèles ici L’Observateur Paalga… » (O. M Journaliste et responsable, extrait d’entretien, mars 2017).

22Cela dit, les chiffres de l’étude confortent toujours les hommes au sein de salles de rédactions. (Voir graphique n°4 ci-dessous). Les médias peuvent entraver ou accélérer les avancées structurelles en faveur de l’égalité des sexes du fait qu’ils jouent un rôle crucial dans la formation des perceptions, des opinions et des comportements. Ainsi les médias se trouvent-il particulièrement bien placés pour promouvoir la lutte contre les stéréotypes, pour refléter la réalité des femmes et des hommes dans toute sa diversité et pour encourager la parité des genres (Carlien Scheele, 2015, 5).

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De la responsabilité des femmes dans la gestion de l’organe de presse

23Dans un rapport de sur la place de la femme dans l’organe décisionnaire des médias, il est mentionné que :

24« Les études de cas ont également révélé que certains stéréotypes peuvent avoir une action très positive ; lorsque par exemple les femmes sont considérées comme les organisatrices de la vie familiale, ces compétences et la crédibilité qu’elles leur confèrent peuvent leur être profitables dans l’entreprise. (…)  il se pouvait que le poste hiérarchique le plus élevé d’une organisation médiatique soit occupé par un homme mais que son adjoint (ou vice-président, etc.) soit une femme compétente et influente ayant la capacité de mettre en œuvre le changement. Ce constat renforce la nécessité de ne pas évaluer l’égalité des genres uniquement en fonction du titre ou du poste, mais aussi en examinant où se trouve réellement le pouvoir de décision effectif ». (Rapport UNESCO, 2015, 68).

25Apres les investigations, il ressort encore une fois d’après les résultats que les femmes sont quasiment absentes dans les organes de presse au Burkina Faso, et notamment dans le secteur privé aux postes de direction des organes de décision par rapport à la presse publique gouvernementale. Bien que n’ayant pas eu accès au cours de nos travaux la liste complète du personnel avec la fonction de chaque employé, nous avons recueilli des informations à cet effet qui révèle le constat ci-dessus.  Les résultats de l’étude rapporte sans ambages le rôle important du sexe des employés dans l’attribution des tâches au sein des organes de presse au Burkina Faso. Que cela porte sur les effectifs des postes dévolus aux femmes ou de la place qu’elles occupent dans l’organigramme (hiérarchie), le constat est le même dans le fond tant au niveau de la presse privée que gouvernementale. Cependant, il est aussi important de ne pas occulter une certaine réalité dans l’organisation d’un point de vue historique. Du point de vue général, ce constat concorde avec les conclusions du Rapport de l’UNESCO qui rapportent que) : «  le nombre des femmes employées dans les médias est sans doute en augmentation, notamment à des postes qu’on pourrait qualifier de décoratifs ; mais au niveau de la prise de décision, l’univers des médias demeure presque exclusivement masculin » (1997, 10). Selon les donnée des recueillis et consignés dans le tableau n°4 ci-dessous.

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26La première remarque qui surgit des chiffres du tableau n°4 donne un quasi inexistant des femmes dans l’instance supérieur de décision des organes de la presse au Burkina Faso. De la presse gouvernementale à la presse privée, on note que ces postes sont occupés par des hommes depuis leur création jusqu’à nos jours. Selon le constat rapporté dans cette étude, les femmes journalistes ne font pas état de l’existence d’un climat sexiste généralisée au sein de leur entreprise, rapportant plutôt des comportements sexistes individuels. Cependant, c’est l’entre-soi masculin persistant au sein des entreprises qu’elles pointent du doigt. Du simple fait de leur appartenance sexuée, les hommes se retrouvent en majorité à la tête des organes de presse. Le genre, n’entre pas en ligne de compte sur la façon de diriger, mais plutôt sur la probabilité d’être nommé à telle ou telle fonction importante. Les nominations aux postes clés du journal semblent marquées par un biais sexué et cela s’explique, en partie, par des procédures qui restent à la « discrétion du titre » et qui sont ressenties par les femmes comme peu transparentes.

27Pour le quotidien sidwaya (quotidien d’Etat), le mécanisme de recrutement a des allures d’intérêts politiques. Le Directeur Général est nommé en conseil des ministres sous la recommandation du Ministre en charge de ce portefeuille. Aujourd’hui, le mécanisme de recrutement prend des formes déguisées pour donner bonne conscience auprès de l’opinion publique. Ainsi, depuis la chute du régime de Blaise Compaoré en 2104 jusqu’à nos jours, le choix du DG de cet organe de presse se fait par un appel à candidature8. Il s’agit par cette procédure, de laisser croire une forme de transparence dont l’un des critères essentiels est la compétence de ce dernier. Qu’à cela ne tienne, ce poste est toujours occupé par un homme dont les liens de rapprochement avec le pouvoir n’est pas à exclure. Pour les quotidiens privés (L’Observateur Paalga et Le Pays), ce poste est réservé à son fondateur ou dans une moindre mesure à un proche (parents directs ou enfants) (Victor Sanou, 2007). Dans le cadre de cette étude, ils ont été identifiés et appartiennent tous au sexe masculin (Voire les chiffres ci-dessus). La présence des femmes au niveau des sphères de ‘’décision’’ (cadres) dans ces quotidiens (tous les trois) répond dans ce cadre de cette étude des besoins d’ordre technique et non stratégique. On peut rappeler que les postes de cadre qu’occupent les femmes vont de comptable, responsable commerciale et souvent dans les ressources humaines. Quant aux hommes, ils cumulent dans leur fonction de cadre supérieur des fonctions aussi bien techniques que stratégiques. Les données du graphique n°5 rapportent une domination des hommes sur les femmes à tous les niveaux hiérarchiques de ces organes de presse aussi bien au niveau de médias d’Etat que privés. La différence est remarquable à tous les niveaux, cela est aussi dû au faible niveau de représentativité des femmes dans l’effectif des employés des quotidiens. (Voir graphique ci-dessous).

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28Ces disparités affichées au tableau ci-dessus tiennent au bout du compte au déni d’accepter une politique de la domination qui favoriserait d’aller au-delà de l’écueil de l’essentialisation. Comme s’il devait y avoir à la fois des restrictions mais également le respect d’un temps pour atteindre la parité. Dans le cadre de cette étude, cette situation peut être perçue comme étant une résistance à la perte d’une place de domination jamais questionnée. Il est difficile dans un tel contexte, de tenir un discours socialement assumé « contre » l’égalité, les résistances vont prendre d’autres formes : le déni de sa situation ou la dénonciation des autres entreprises de presse. Et, cela peut notamment paraitre comme une opposition ou défense des hommes, ou, enfin, par une stratégie de dissociation de revendications trop connotées pour ne pas être perçues comme féministe, remettant en cause alors à la fois les résultats enregistrés, leurs constats et les enjeux de pouvoirs sociaux et symboliques qui accompagnent les représentations sociales.

29Du côté des rédactions, la féminisation du journalisme cache des réalités sociales complexes et des disparités entre hommes et femmes Pour questionner la prise en compte des assignations de genre dans les rédactions, il faut rappeler ce qui se définit et s’impose, en termes de genre, dans les rédactions journalistiques comme dans les productions médiatiques.

Les femmes dans la production des contenus journalistiques

30Cette étape nous permet de rendre compte du nombre de production d’articles qui sont publiés durant la période retenue pour recherche (l’année 2017) et repartis en fonction du sexe du journaliste. Nous rendrons compte du volume des productions des journalistes de façon générale et en particulier celui des femmes au sein des effectifs des trois quotidiens de l’étude. Notons qu’il a été observé au cours des investigations que plusieurs articles sont à mettre au compte d’un seul journaliste au cours d’une parution. Aussi, un article peut avoir été produit par deux journalistes de même sexe ou de sexe opposé. On retrouve dans le corpus des articles qui ne sont pas signés et qui ont été comptabilisés comme étant l’œuvre de journalistes de sexes différents. Toutes ces spécificités ont contribué à mettre en exergue le corpus de l’étude (voir tableau n°1). Nous avons constaté que parfois des journalistes hommes et femmes écrivent un article ensemble. Les résultats de toutes ces informations enregistrées sont compilés dans le tableau suivant (Tableau n°5)

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31Les résultats viennent confirmer une très grande marge entre les articles publiés par les hommes par rapport aux femmes. Cela peut s’expliquer par la faible représentativité des femmes au sein de rédactions et bien d’autres raisons liées aux stéréotypes. Ainsi, les stéréotypes constituent des images qui bloquent, qui figent à un instant donné, qui empêchent d’avancer et qui portent atteinte à l’estime de soi. Ils fonctionnent, à longueur de temps, comme des messages subliminaux qui confortent les rôles sociaux traditionnels et les pérennisent (Patrick Neveux, 2000). En effet, la profession de journaliste semble de plus en plus tributaire de ces impératifs extérieurs. Cela joue énormément sur les conditions de production des femmes journalistes, et se reflète probablement dans leur manière de traiter l’information. Toutefois, la répartition des femmes et des hommes en fonction les grandes rubriques, conforte ici, l’idée d’une spécialisation des femmes sur des sujets sociaux tandis que les hommes seraient du côté du scientifique, du politique et de l’économique. Ose-t-on toutefois ici reprendre le commentaire que fait Françoise Gomez de cette relative égalité dans le choix des sujets ? Les hommes, dans cette capacité plus grande qui leur est offerte de faire le choix de leurs centres d’intérêt, joueraient, en quelque sorte à faire du social tandis que les femmes seraient dans la recherche de lutte des bastions masculins autrefois inaccessibles. Les reporters sont de plus en plus des femmes mais, c’est aussi parce que les hommes ne s’investissent plus dans une profession qui rapporte peu et qui éloigne des puissants qui font les carrières. D’un point de vue général, les femmes produisent moins d’articles que les hommes quel que soit le statut de la presse (Presse d’Etat et presse privée). Les productions journalistiques des hommes surabondent dans les colonnes des rédactions. On a respectivement 22,66% pour femmes contre 77,34% les hommes  au quotidien Sidwaya. Au niveau du quotidien Le Pays, on note 22,30% contre 77,70% et à L’Observateur Paalga, 19,57% contre 80,43% en faveur des hommes. (Voir graphique n°6).

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Les journalistes et leurs thématiques

32Devant l’importance et la grande diversité des textes (articles de presse) à étudier, nous avons fait le choix de regroupement de certaines thématiques abordées par l’ensemble des journalistes (hommes comme femmes). Il est important de rappeler que l’actualité au quotidien à laquelle se livrent les journaux traite de toutes informations relatives à tous les secteurs d’activité  de la vie du Burkina Faso, mais aussi de celles qui touchent l’international. Si nous voulons prendre en compte toutes les thématiques du corpus, nous nous retrouverions avec une infinité de thèmes à étudier. Pour restreindre cette variable, nous avons décidé de retenir 6 grands thèmes qui couvrent une diversité d’approches. On note les thèmes suivants : L’actualité internationale –Les faits de société – L’Economie et politique – La religion et culture – Femmes et développement - sport. Le tableau n°6 fait le point sur la répartition de ces différentes productions journalistiques (articles) en fonction du sexe et des quotidiens retenus pour l’étude.  Ainsi les données statistiques que nous avons établies dans une dynamique comparative rapportent  une disparité entre les productions (articles) publiés dans ces quotidiens par les femmes  et les hommes journalistes.

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33Selon les chiffres du tableau ci-dessus, il est fait la remarque que les hommes submergent les femmes sur toutes les thématiques abordées dans le cadre de cette étude. Cette remarque est valable pour tous les quotidiens à savoir le quotidien gouvernemental Sidwaya et les quotidiens privés Le Pays et L’Observateur Paalga. Les références du tableau sur les articles à caractère féministes sont plutôt l’œuvre des hommes journalistes. On note les relevés suivants sur cette question : 6,55%  contre 5,61% en faveur des hommes dans les colonnes du quotidien Sidwaya, 5,98% contre 1,99%  pour le quotidien L’Observateur Paalga et 8,33% contre 2,91% toujours en faveur des hommes. Certaines  thématiques liées aux questions sportives, politiques et les faits de sociétés sont largement plus abordées par les hommes que les femmes journaliste au niveau des trois quotidiens. Par exemple, les questions sportives dans les quotidiens privés sont exclusivement du ressort des hommes selon la période de l’étude, en témoignent les données suivants: 12,29% contre 0% pour le quotidien Sidwaya et 11,45% contre 0% pour Le Pays. Le tableau suivant donne un aperçu des tendances générales enregistrées qui se dégagent de la presse quotidienne au Burkina Faso. Ces tendances viennent confirmer le constat fait au niveau individuel (Voir Tableau n°7).

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34Les chiffres montrent jusqu’à quel niveau tous les thèmes sont abordés dans le cadre cette étude. Nous constatons que les hommes sont les plus actifs et occupent un espace rédactionnel assez considérable. Cette supériorité des hommes à couvrir certains thèmes relève de plusieurs facteurs dont le nombre élevé des hommes au sein des salles de rédactions des quotidiens. En effet, les articles véhiculent donc des valeurs ainsi que des représentations du féminin et du masculin, formant par là une image fixe des acteurs sociaux. Cette image est construite en grande partie en cantonnant les individus dans des rubriques ou des thèmes spécifiques de manière répétitive. Par exemple, en représentant majoritairement les femmes dans des postures de victimes ou dans de rubriques sur la vie privée. Ces quotidiens contribuent à normaliser l’image de la femme dont la seule place serait au foyer. On peut y ajouter à cette tendance, la réflexion selon laquelle :

35« Certaines particularités dommageables du journalisme (…) °en matière politique sont connues de longue date. Elles ne sont d’ailleurs pas toutes propres au traitement de ce secteur d’actualité. La couverture de tout domaine d’activité implique la fréquentation assidue de ses acteurs. Des liens personnels se tissent ; des sympathies se forgent. Le manque de distanciation entraîne au mieux une forme de myopie ; au pis, une connivence ; parfois une complicité. Ce travers est plus accentué qu’ailleurs dans le champ politique. Par obligation, hommes et femmes politiques savent séduire. Les journalistes ne sont pas insensibles à cette séduction » (Albert Roy, 2003)

36En rapport avec le contexte sociopolitique qui règne au Burkina Faso, où il ressort les que malgré la loi de 2009 qui fixe un quota de 30% de l’un et de l’autre sexe dans la vie politique à travers les élections (municipales et législative), les femmes peinent à occuper la place qu’il faut. En 2016, elles représentent 10,23 % de député et 2,53¨% de mairesses d’où une participation globale de moins de 10% dans la vie politique9. Ce sont les hommes qui couvrent presque la quasi-totalité de la vie politique au Burkina Faso. En référence à la réflexion de de Albert Roy, on peut comprendre la facilité qu’ont les hommes journalistes à supplanter les femmes dans la couverture d’évènements politiques. Le domaine du sport et de l’économie ne sont pas en reste où on remarque une dominance des hommes sur les femmes. Nous avons pu observer dans notre corpus la récurrence de certains thèmes et certaines manières de présenter les femmes et leur statut social. A travers le rapport du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, nous pouvons noter le sexisme qui est : «le présupposé selon lequel un sexe est supérieur à l’autre mais aussi la discrimination qui en résulte, pratiquée à l’égard des membres du sexe supposé inférieur, spécialement les hommes contre les femmes » (Brigitte Grésy et Marie Becke2015, 18).

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Problématique de l’emploi des femmes dans l’industrie de la presse quotidienne au Burkina Faso

37Célestin Bouglé fut l’un des premiers sociologues depuis les premières décennies du XXe siècle à axer ses travaux sur l’importance du rôle de la femme dans la société de façon générale et principalement dans une dynamique féministe (Thomas Hirsch, 2017). Cette approche sociologique a été approfondie les années 1980 avec la naissance du concept Genre Et Développement (GED), (Bazzi-viel Latitia, 2000). Si l’on part du fait que les travaux qui portent sur la réflexion sociologie ouvrent sur un éventail d’angles de vue critique du rôle des femmes au processus de développement, il n’en demeure pas moins que le courant féminisme, comme dynamique sociale commence à croitre dans les sociétés africaines pour une plus grande valorisation de femme dans son environnement comme un acteur actif du développement (Natacha Ordioni, 2005). Le problème des femmes dans l’univers des médias commence à prendre de l’ampleur dans plusieurs axes des recherches  sociologiques appelé «Sociology of Gender»(Nicole Laurin, 1981). Les travaux qui y ont été développés ont conduit à mettre à nu les différences sociales et professionnelles  liée au sexe féminin dans presque tous les secteurs d’activités. Des sociologues de cette approche comme Christine. Guionnet et Erik. Neveu (2004) ont exploré les places et les fonctions des femmes en particulier, leurs attitudes, leurs comportements.

« En fait, les femmes sont apparues là où elles étaient déjà présentes mais restaient invisibles au regard de la discipline. À une sociologie des hommes, on a fait correspondre une sociologie des femmes, en modifiant et en adaptant les outils d’analyse de façon à les rendre opérationnels du point de vue des femmes. Mais dans ce cadre, les femmes demeuraient encore une variable de l’analyse sociologique, même si ces regards ont au moins eu le mérite de sortir les femmes de leur invisibilité et de les réhabiliter collectivement et individuellement. Refusant d’être enfermées dans l’éternel mythe féminin de la victime ou de l’héroïne, les femmes ont commencé à reconstituer leur histoire, leur langage, leurs formes d’échange et d’organisation, leurs propres modèles de carrière, etc., » (Myriame El Yamani, 1998, 36-37).

38Ainsi, la problématique liée à l’emploi des femmes dans l’univers des médias et de la presse en particulier donne lieu à la prise en compte des questions essentielles en rapport à l’égalité d’accès à l’emploi par tous (Denis Druellan, Dominique Domarchetti, 2001). Cependant, cette position (en termes d’égalité) ne parait pas sans conséquences au regard de l’importance des enjeux sociaux, professionnels etc. si l’on considère que les médias en occurrence les organes de presse comme c’est le cas dans cette étude sont devenus de véritables acteurs  de socialisation et développement. De nos jours au Burkina Faso il n’existe pas de façon formelle ou ouverte quelques formes inégalitaires que ce soit (juridique, administrative, traditionnelle ou autres) qui amenuisent les chances d’une femme à avoir accès à un emploi dans l’industrie de la presse des médias et en particulier dans la presse écrite.  Cependant, il existe dans la société burkinabè des constructions sociales (pesanteurs) qui au fil du temps se transforment en écrans sociaux imperceptible qui contraignent les femmes dans un contexte de travail approprié aux conditions et aux prétentions masculines.

Des stéréotypes aux constructions socio-professionnelles

39 De façon générale, le mot  ‘‘sexe’’ vise à caractériser dans une société la différence biologique entre les Hommes. Le concept  anglais ‘‘gender’’ contribue à mettre en exergue les inégalités entre hommes et femmes dans tous les domaines d’activité humaine (économique, sociale, politique etc.). Dans l’approche genre, il est question ici d’appréhender les institutions sociales qui contribuent à développer sous-représentation  de la gente  féminine sur le marché de l’emploi (Marques-Pereira, Bérengère, 2004).  Cette approche vise surtout  les relations entre les hommes et les femmes et surtout  les disproportions culturelles et sociales. Les chiffres du graphique n°1 qui donne une très grande sur représentation des hommes sur les femmes avec 25,95% contre 74,05% n’est pas le fruit du hasard, car les femmes bénéficient des mêmes conditions à la formation des métiers liés aux medias. Dans un rapport de l’OIT (2010), il est mentionné qu’une étude de l’UNESCO portant sur 83 pays dont la majorité en Afrique rapporte que les femmes constituent au moins la moitié des effectifs des instituts et écoles supérieures qui forment en journalisme et en communication. Au Burkina Faso, les femmes ne sont pas en reste car, les chiffres, bien que n’étant reluisants, ils présentent une amélioration en faveur de la scolarisation et la formation de femmes (Rapport Banque Mondiale, 2012). On ne peut exclure le niveau de formation des femmes au nombre des causes qui empêchent celles-ci d’accéder à l’emploi dans les organes de presse au Burkina Faso (Rapport national de Beijin, 2014). Le champ le plus important dans lequel les constructions sociales (préjugés) affectent les femmes exerçant dans les médias est en relation avec la répartition des tâches selon le sexe dans nos sociétés africaines notamment dans le cadre de cette recherche. D’un point de vue anthropologique, certains travaux comme ceux de Thérèse Loch (1995) visent à montrer une orientation des rôles, des tâches et des responsabilités à confier aux hommes et aux femmes. Les conclusions que nous retirons de ces travaux de chercheurs expliquent comment certaines conceptions et visions traditionnelles continuent d’affecter les milieux modernes dont le monde des médias. On peut noter :

« Un enfant est né !  Est-ce une « étrangère» ou un mâle qui va assurer la continuité de la famille? Toutes les sociétés au Burkina font cette distinction de statut entre les fillettes et les garçons et les socialisent de manière très différente. La socialisation est sexuée et vise à préparer les fillettes à se mettre au service des hommes en tant qu’épouses et mères. On leur apprend essentiellement,  (…) à reconnaître et à accepter la supériorité des hommes puisque dans la vie conjugale et dans la vie communautaire, il est socialement reconnu que la femme n’a pas droit à la parole. Et si elle a ce droit, elle doit parler à voix basse, les yeux fermés. Elle ne participe pas aux décisions qui l’affectent (...) Si les hommes font appel à une femme, elle doit s’accroupir pour les écouter sous peine d’être qualifiée de mal éduquée dans nombre de sociétés ». (Palingwindé Inès Zoé Lydia Rouamba, 2011, 17).

40Cette conception traditionnelle du rôle de la femme est en harmonie avec la situation de ces dernières années au Burkina Faso notamment dans les organes de la presse quotidienne quant à leur responsabilité dans le processus de prise de décision.  Elles sont sous représentées voire  marginales au regard des chiffres enregistrés dans les tableaux n°4 et 8 qui donnent les proportions au niveau individuel et général. Quel que soit le niveau d’appréciation, il ressort que les  femmes dans leur majorité occupent des responsabilités secondaires voire même pas du tout. On note 0% pour les femmes au poste de Directeur Général contre 100% pour les hommes.  Il faut rappeler que cette situation est le fruit des résurgences du passé, car  avant la révolution de Thomas Sankara en 1983, les femmes ne pouvaient pas prendre la parole et s’exprimer dans l’espace public traditionnel (les assemblées publiques du village) et moderne. Cette  Révolution s’est fixée comme ambition de freiner voire anéantir cette pratique et faire une place respectable aux en les associant à tous les niveaux de poste de  conception, de décision et d’exécution (CBDFAD, 2006). On peut donc croire les échos de la révolution ce sont bien fait entendre aujourd’hui. Si le poste de Directeur Général reste l’apanage des hommes, il faut noter qu’il y a cependant dans l’instance dirigeante des organes de presse quotidienne d’autres titres de responsabilité dont les femmes se font une place. Les chiffres du tableau n° 8 l’attestent car les femmes occupant le poste de cadre administratif (comptabilité, ressources, commercial etc.). On relève à cet effet 30,55%  des femmes sur 69,44%. Bien qu’elle ne soit pas majoritaires, elles commencent ces dernières années à s’affirmer comme compétentes pour diriger au regard de leur expérience et parcours professionnels (Claudine Lienard, 2006).  

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41Un autre facteur qui justifie la faible participation des femmes dans le métier de la presse quotidienne pour ce qui est de la présente recherche, c’est la spécificité des tâches qui s’y rattachent. Les entreprises de presse ne présentent pas les mêmes dispositions organisationnelles comme  les médias classiques audio visuels (radio, télévision) en dehors du service administratif qui regorge  un nombre moins important d’employés. La majorité des postes sont occupés par les femmes au regard du caractère féminin de certains postes administratifs (secrétariat, dactylographie de la presse écrite, agent de saisie etc.) dans la plupart des pays africains comme le Burkina Faso. Ainsi, le concept de genre intègre dans son acception les stéréotypes socio-culturels et les représentations déterminées par la nature du sexe. Tous ces clichés que nous dicte la société sont empreint aux stéréotypes qui relèvent des: « des croyances partagées concernant les caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité, mais souvent aussi des comportements, d’un groupe de personnes » (Leyens et al, 1996, p.24). Cette tendance nous fait observer une forte densité des femmes employés répondant au statut de cadres et d’agent d’exécution ou elles représentent respectivement 30, 55% et 37,87% (confère Graphique n°8). On estime que les stéréotypes de genre affectent l’employabilité féminine surtout sur les entreprise de presse quotidienne en exacerbant le clivage homme et femme. Cette considération des faits dans notre société actuel prouvent que : « ces stéréotypes sont si largement répandus dans nos sociétés que bien souvent, ils ne sont plus identifiés comme des croyances mais comme des faits établis » (Croizet et Leyens, 2003, p.120).

Particularité des entreprises de presse : des emplois trop techniques et spécifiques

42Un regard attentif dans l’industrie de presse écrite révèle une double vocation pour ces entreprises dont le caractère semble singulier. Comme l’indique son nom :

« Le mot ‘‘presse’’ est aujourd’hui couramment employé pour définir un ensemble d’opérations liées à la mise au point définitive de chaque numéro d’un quotidien ou d’une publication préalablement au tirage proprement dit : saisie, composition, photogravure, montage, etc. Ces diverses opérations sont effectuées de plus en plus souvent en recourant à des systèmes intégrés au sein de l’entreprise éditrice et fondés sur l’utilisation de procédés standardisés »10.

43En référence à sa vocation principale qui est de traiter et diffuser l’information, les entreprises de presse écrite ont une face cachée qui débouche sur un autre type d’activité à part entière. Il s’agit de l’édition ou l’imprimerie dont la fonction s’articule autour de la reproduction des numéros au quotidien. On rappelle que dans cet ordre d’idées, les journalistes représentent les premiers employés mis en avant plan pour valoriser le travail dans une entreprise médiatique. Cependant, d’autres acteurs non moins importants ont aussi un rôle déterminant dans la chaine de production: les techniciens de l’imprimerie. Dans le cadre de cette étude, il ressort que  des trois organes de presse, seul le quotidien Sidwaya possède une maison d’édition. Le quotidien Le pays qui gérait lui aussi sa maison d’édition vient d’abandonner cette la production. Ainsi, les deux quotidiens privés vont recourir à des prestataires privés pour l’impression du journal. C’est donc la raison qui explique la hausse des effectifs au niveau du quotidien Sidwaya qui compte 112 employés comparativement aux quotidiens Le pays et L’Observateur qui affichent respectivement 70 et 53 employés (voir tableau ci-dessus). Le taux des femmes dans cette catégorie d’employé n’est pas négligeable au regard de la population totale des employés. Elles sont nombreuses à se faire recruter pour des tâches comme les tris, l’assemblage, le paquetage, etc. Au regard des attributions ci-dessus et qui relèvent du principe de séparation des travaux pour les hommes, et des travaux pour les femmes, on peut estimer que Cette séparation sexuelle du travail résulte d’une construction historique des rapports de force (Jean-Yves MOISSERON, 2017, 14). En se référant à cette répartition des tâches (division traditionnelle ou essentialiste), les femmes sont orientées vers le secteur privé, dite reproductive, où elles exécutent les travaux domestiques et de soin, tandis que les hommes choisissent les activités productives « pourvoyeurs de revenus » (Beneria Lourdes, 2010).

44Si l’arrière-boutique des entreprises de presse requiert de telles compétences techniques relatives à l’imprimerie, le média en tant que unité organisationnel dispose autant, mais surtout dans un paysage plus varié. Ainsi, l’appellation ‘‘Journaliste’’ pour désigner ceux qui exercent dans l’industrie médiatique est un terne générique car au sein de cette profession, il existe une très grande diversité de genres dans le journalisme. Dans cette diversité, on retient selon la terminologie deux grands axes : le genre neutre ou informatif et le genre engagé ou commenté. Nous allons dans cette étude nous attacher à une subdivision des rôles moins complexe dans ce secteur qui va permettre en même temps de situer les responsabilités dans l’organisation de l’activité. Il s’agit ici de : reporters, rédacteurs-adjoints, rédacteurs, rédacteurs en chef. Une préoccupation se dégage à cette étape de la recherche. Le sexisme est-t-il un obstacle à l’épanouissement professionnel des femmes journalistes? Le premier constat qui peut être fait à ce sujet, c’est d’établir les proportions des productions d’articles en fonction du sexe au sein des trois quotidiens.

45Notre interrogation trouve une piste favorable grâce aux résultats de l’investigation du corpus de l’étude. Ainsi, selon les relevés du tableau n°5, les femmes occupent une place minoritaire tant sur la plan individuel que collectif.  Au niveau du quotidien gouvernemental Sidwaya, les hommes ont produit 74,34%  des articles contre 22,66% pour les femmes. Cette tendance est aussi bien prononcée au niveau de la presse privée (Le Pays et L’Observateur Paalga) où on observe que les hommes submergent les femmes en termes de quantité d’articles produits. Les chiffres obtenus donnent respectivement 83,43% contre 19,57% à L’Observateur Paalga et 77,7% contre 22,3% au quotidien Le Pays ou les hommes s’offrent un volume rédactionnel important dans les colonnes des quotidiens au Burkina Faso. Si on part du constat qu’elles sont sous représentées en termes d’effectif cela ne doit pas justifier le niveau faible de publication par rapport aux hommes. On peut estimer à cet effet que les femmes journalistes de notre corpus produisent moins d’articles que leurs homologues hommes.

46Une autre particularité que nous abordons se rapporte au contenu des articles. Il s’agit des axes ou thématiques abordés par les journalistes des quotidiens dans le cadre cette recherche. Cette approche développée par l’UNESCO (2012) nous conduit à utiliser des Indicateurs d’égalité des genres dans l’univers des médias. Elle se présente sous la forme de cartographie sur laquelle on représente les femmes journalistes dans le paysage médiatique des quotidiens au Burkina Faso. A cet effet, les observations rapportent que :

47« Les Indicateurs d’égalité des genres pour les médias de l’UNESCO se divisent en deux catégories : la catégorie A s’intéresse au degré de sensibilisation à l’égalité des genres existant au sein des entreprises de presse et la catégorie B se focalise sur la représentation des femmes et des hommes dans le contenu que les médias produisent et diffusent. Ils ont pour objectif de mesurer le niveau de sensibilisation à l’égalité des genres d’un média (…) » (Monia Azzalini et Manuela Malchiodi, 2013, 13).

48Si on l’on part de la remarque développée ci-dessus, la presse à l’instar de tous les médias doit être un véritable reflet de la société ou l’égalité des genres est un droit humain fondamental qui place les hommes et des femmes au même niveau d’appréciation. « Dans le journalisme, (…) de manière équitable dans l’information, l’utilisation d’un langage neutre et non spécifique pour les hommes comme pour les femmes, ne pas reléguer systématiquement les femmes journalistes aux rubriques « style de vie » ou dans la couverture d’informations dites ‘‘douces’’ » (Rapport UNESCO, 2105).

49Le sexisme s’est-il transporté dans cette dynamique de la répartition des thèmes abordés ? Peut-on reconnaitre dans la pratique journalistique des différences  liées au traitement de l’information qui revêt un caractère sexué (féminin ou masculin) ? Ou doit-on évoquer des manouvres des acteurs liés à leurs identités sexuelles en rapport avec les politiques de diversification des produits éditoriaux et de la parcellisation des cibles ? En se rapportant aux investigations dont les résultats sont compilés dans le tableau n°7 et 8, il est fait le constat de la présence d’inégalité entre les hommes et les femmes journalistes en tenant compte de période de l’étude. Les chiffres rapportent que toutes les thématiques ont connu une large couverture des hommes sur les femmes. Les articles sur la  thématique qui traite des femmes ont largement été couverts par les hommes avec 6,93% et 5,56%  pour la femme. Les questions politico économiques et les faits de société sont surreprésentés par les hommes que les femmes sur l’ensemble du corpus général : 22,93% contre 3,31%  et 23,16 % et 9,76%. Cette énième forme de disparité au sein des rédactions n’est pas sans intérêt pour la femme et partant de la profession elle-même quand on se réfère à cette réflexion) :  

50« Trouve-t-on des services et des rubriques plus « féminins », comme la mode, la culture ou la société, et les femmes travaillent majoritairement dans des domaines informationnels qui sont considérés comme une extension de leurs responsabilités domestiques et du rôle qui leur est socialement assigné de soin, d’éducation et d’humanité. La féminisation de la profession journalistique engage ainsi des processus de ségrégation à la fois verticale (accès aux positions de pouvoir) et horizontale (division thématique du travail journalistique) entre femmes et hommes. » (Damian-Gaillard et Saitta, 2011).

51Ainsi, la dynamique qui conduit à la production et au traitement de l’information n’est pas neutre. Le processus de construction des contenus journalistiques relève de lutte acharnée entre les sources d’information et de compétitions dans les organes de presse notamment dans les salles de rédaction. Dans le cadre de cette étude, il parait nécessaire d’accorder une priorité aux producteurs de l’information dans le processus de recueil et de traitement, à la répartition des tâches journalistiques entre services/rubriques, dans l’organisation mise en place pour coordonner , les services et la direction, aux procédures décisions qui relient les journalistes et leurs sources. Cette un caractère plutôt complexe au regard de la structuration organisationnelle dans les organes de la presse quotidienne au Burkina Faso notamment dans le secteur privé (L’Observateur et Le Pays) où la gestion et tout ce qui suit est l’affaire du ‘‘Patron’’ et ses proches ce qui contribue d’une certaine façon à façonner stratégiquement  leur vision économique sur les marchés des consommateurs (les lecteurs), des annonceurs et aussi  les sources d’information. Ainsi, certains recrutements des journalistes sont l’objet d’étude stratégique dans le but de subvenir à certaines éventualités de toutes sortes (commerciale). C’est pourquoi, il arrive d’observer que :

« Les responsables éditoriaux peuvent décider de recruter des journalistes femmes parce qu’ils considèrent qu’elles seront plus à même d’intéresser tel ou tel public, ou de recueillir telle ou telle information auprès de telles sources. De même, ils peuvent estimer que leur identité sexuelle les prédispose davantage à telle ou telle mise en discours de l’information, plus en phase avec leurs stratégies commerciales ». (Béatrice Damian et al, 2009).

52Dès lors, l’approche sexuée dans le processus de  traitement de l’information pour certains quotidiens surtout privés au Burkina Faso peut relever de politique stratégique du capital humain dans ‘‘Politique nationale ‘‘genre et medias’’. Pour la presse gouvernementale, cette tendance relève de la politique générale des ministères en charge avec certainement un plaidoyer des premiers responsable du journal (Sidwaya). Cette stratégie peut aboutir au bout du compte, dans la profession, à harmoniser l’accès à des fonctions ou à des spécialités journalistiques valorisées. Ainsi, les questions de genre participent à la construction  de postures professionnelles dans les organes de presse et  entre les journalistes femmes et leur collègue hommes.

Conclusion

53Au regard des nombreux travaux sur la question (genre et journalisme), nous avons opté pour une investigation sur le rôle des femmes dans les organes de presse écrite quotidienne. Dans le cadre de cette recherche, on retiendra que la femme en général  et en particulier celles qui exercent un métier à caractère professionnel comme le journalisme sont très souvent victimes de ce qu’elles sont : Femmes. Cette tendance générale qui se singularise de notre travail confirme l’hypothèse selon laquelle les femmes journalistes des quotidiens burkinabé occupent et jouent les seconds rôles.  En tenant compte de la  problématique du genre et du journalisme, et l’analyse organisationnelle du fonctionnement des rédactions et leur contenu des médias on peut  alors comprendre aisément : « les formes dominantes de spécialisation féminine et de « typification genrée »  tendent à réinstaurer le masculin comme la norme et le féminin comme « autre », reproduisant ainsi la hiérarchie du pouvoir et les normes dominantes du champ » (Béatrice Damian-Gaillard, et al, 2009,197). Les resultats  obtenus  à travers les données chiffrés de notre se rapprochent des conclusions de recherches anglophones sur la question du genre et du journalisme qui se concentre sur la multiplicité des féminins et des masculins ce qui traduit la mise en exergue de nombreuse stratégies politiques au niveau individuel que collectif des femmes et des hommes pour transformer ou garder  le système de domination dans les rédactions des quotidiens Monika Djerf-Pierre, 2007). Pour terminer, nous projetons en perspective de mettre l’accent sur un facteur important  qui parait capital dans cette approche genre : « l’écriture féminine ».

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https://horizonsmediatiquesgiovannidjossou.wordpress.com/2012/02/08/la-place-des-femmes-dans-les medias-africains/;

Notes

1 https://horizonsmediatiquesgiovannidjossou.wordpress.com/2012/02/08/la-place-des-femmes-dans-les medias-africains/; Du 26 au 28 août 2011, s’est tenue à Kigali (Rwanda) une conférence intitulée « Genre & Médias » où il était question de la place des femmes dans les métiers de l’information. Un constat simple : la parité est une douce illusion dans le monde des médias africains, même si, jour après jour, des efforts sont réalisés.

2  Bureau International du Travail

3  Conseil Supérieur de la Communication

4  Le rôle d’IREX permet de mesurer la solidité et la viabilité des systèmes médiatiques qui englobent le degré de protection de la liberté de parole, le journalisme professionnel, la pluralité des sources d’actualités, la gestion commerciale et les institutions d’appui et fournir une surveillance du contrôle de qualité. L’IREX peut mener, entre certaines limites, des recherches supplémentaires au sein de l’environnement médiatique.

5  http://www.fasozine.com/actualite/societe/4119-liberte-de-la-presse-en-2017-une-situation-assez-viable-pour-leburkina.ht

6  International Media Support. De la crise à la transition : les médias au Burkina Faso, April 2015, 26.p.

7  http://lepays.bf/ consulté le 2 janvier 2019

8  https://netafrique.net/processus-de-recrutement-des-dg-des-medias-detat-des-griefs-qui-interpellent-le-president-du-faso-et-le-premier-ministre/

9  http://lefaso.net/spip.php?article77548, consulté le 8 janvier 2019

10  http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/954023300/0002.pdf

Pour citer ce document

Marcel Bagare, «Socio-anthropologie du rôle et de la place de la femme dans trois quotidiens du Burkina Faso», French Journal For Media Research [en ligne], Browse this journal/Dans cette revue, 11/2019 Les femmes dans les médias, mis à jour le : 17/01/2019, URL : https://frenchjournalformediaresearch.com:443/lodel-1.0/main/index.php?id=1757.

Quelques mots à propos de :  Marcel Bagare

Enseignant – chercheur, Docteur en Sciences de l’Information et la Communication
Université Norbert Zongo  de Koudougou BURKINA FASO
marcel.bagare@yahoo.fr

 

 

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