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Citoyenneté numérique, mobilisation collective et élection présidentielle en Côte d’Ivoire
Résumé
Bien qu’il existe un engouement des individus et du public autour des technologies du numérique en Côte d’Ivoire, de nombreux défis restent encore liés à sa diffusion. L’accès inégal des citoyens aux technologies du numérique et l’inaccessibilité des populations de certaines parties du pays, notamment les zones rurales à l’Internet sont des freins à l’avènement d’un espace public numérique où l’engagement citoyen via les TICs peut apporter de la clarté et de la qualité au débat démocratique. Notre travail qui s’inscrit dans une approche de l’espace public tel que défini par Habermas constate que la société ivoirienne ne dispose pas encore d’une citoyenneté à l’ère du numérique capable de soutenir efficacement des formes de mobilisations collectives.
Abstract
Although there is a craze for individuals and the public around digital technologies in Côte d'Ivoire, many challenges still remain linked to its diffusion. The unequal access of citizens to digital technologies and the inaccessibility of people in certain parts of the country, including rural areas to the Internet are obstacles to the advent of a digital public space where citizen engagement via digital ICTs can bring clarity and quality to the democratic debate. Our work, which is part of an approach to public space as defined by Habermas, find that Ivorian society does not yet have a citizenship in the digital age that can effectively support forms of collective mobilization.
Table of content
Full text
Introduction
1Depuis quelques années l’on assiste à l’avènement d’une transformation sociale et politique en Afrique portée notamment par un engagement des jeunes à faire tomber les régimes autoritaires et inverser les trajectoires politiques des pays. De la révolution du Jasmin en Tunisie au printemps 2011 aux campagnes des mouvements citoyens « Y’en a marre »1 au Sénégal, « Balai citoyen »2 au Burkina Faso ou encore « Filimbi »3 en République Démocratique du Congo (RDC), les jeunes sont à l’avant-garde des luttes démocratiques sur le continent.
2Ces mouvements citoyens ont surgi dans un environnement de transformation des sociétés africaines liées à l’utilisation de plus en plus accrue des technologies de l’information et de la communication, et surtout des réseaux sociaux avec la volonté d’apporter des nouvelles visions et des idées à la sphère politique. Même s’ils sont liés au contexte politique et social des pays africains où ils sont nés, l’action de ces mouvements se heurte parfois à certains défis majeurs qui pourraient sans doute compromettre leur durée dans le temps et partant leur efficacité.
3A côté de ces mouvements citoyens, d’autres formes de mobilisations collectives voient le jour et tendent à se construire autour d’une citoyenneté à l’ère du numérique. En Côte d’Ivoire, après la violente crise postélectorale de 2010 qui a engendré plus de trois mille morts et près d’un million de déplacés selon l’Organisation des Nations Unies (ONU), une quinzaine d’organisation de la société civile réunie au sein de la Plate forme pour l’Observation des Elections en Côte d’Ivoire (POECI) crée une « Brigade numérique » qui à travers l’utilisation des TIC et des médias sociaux entend inciter les jeunes à la non-violence et à l’adoption d’une attitude citoyenne tout au long du processus électoral de 2015.
4Pour y parvenir, un « hackaton », organisé par Akendewa4 , membre de la POECI et soutenu par le National Democratic Institute (NDI) met en compétition des développeurs, des designers et des graphistes dans le but de créer des applications et des outils sensés contribuer à la mobilisation des jeunes, susciter une participation citoyenne au processus électoral et contribuer ainsi à sa crédibilité.
5En partant du postulat selon lequel une mobilisation est toujours caractérisée par une action collective, le terme étant pris dans une acception large, c’est-à-dire « au sens de toute action concertée de un ou plusieurs groupes cherchant à faire triompher des fins partagées » (Fillieule, Péchu, 1991 : p. 9), l’on est tenté d’ajouter que si l’action collective représente « une forme d’interruption du cours politique normal, elle ne signifie pas pour autant un rejet de la politique et n’est pas incompatible avec la médiation » (Tarrow, 1991 : p. 9). Une mobilisation collective désigne alors une coordination des activités d’un groupe souhaitant défendre ses intérêts. Elle a pour but de changer une situation sociale, en un sens favorable au groupe, selon ses valeurs et ses motivations. La mobilisation collective n’est donc pas à confondre, dans notre propos, avec les mouvements sociaux et les luttes des classes qui sont des formes particulières d’actions sociales, renvoyant à des styles d’organisations singulières (avec des syndicats, des partis politiques, c’est-à-dire des organisations durables).
6La citoyenneté numérique est entendue comme « la capacité à participer à la société en ligne » (« ability to participate in society online »), les citoyens numériques étant simplement « ceux qui utilisent les technologies numériques quotidiennement » (Mossberger, Tolbert, McNeal, 2008 : p. 1). Et de façon plus souple, elle renvoie à « une relation à l’ordre politique au sens large, relation médiatisée par les technologies numériques, et dont les formes, les lieux et les enjeux varient dans le temps et l’espace » (Greffet, Wojcik, 2014 : p. 152).
7La transformation digitale des sociétés africaines connait une accélération avec l’avènement des smartphones et de nouveaux usages sociaux. Or, en dépit de cette vulgarisation croissante des TIC, Evariste Dakouré (2014) note que le déploiement de ces infrastructures en Afrique crée des disparités entre pays et à l’intérieur d’un même pays, allant ainsi à l’encontre des discours présentant ces TIC comme la panacée du développement. Il n’empêche que « malgré de nombreux écueils, on assiste, en Afrique, à l’apparition de nouveaux espaces d’expression issus de l’usage des technologies de l’information et de la communication » (Kiyindou, 2016).
8Dans une analyse sur les mutations dans le secteur des télécommunications en Côte d’Ivoire et leurs implications, Alain François Loukou (2013) relève néanmoins que ces mutations (réglementaires, technologiques, économiques et sociales) ont littéralement modifié ce secteur et en ont fait un véritable moteur de développement dans la mesure où les bouleversements perpétuels qui en découlent ont certainement de fortes implications sociales, économiques, organisationnelles et territoriales, sur le processus de développement national.
9Le développement des outils numériques et plus particulièrement d’Internet « s’accompagne de nombreuses promesses en termes de renouvellement des pratiques de communication dans le domaine politique » (Mabi, Theviot, 2014 : p. 5). Pourtant, dans leur analyse des formes multiples de la participation politique en ligne, Fabienne Greffet, Stéphanie Wojcik et Gersende Blanchard (2014) relèvent que plusieurs thèses (Wojcik, 2011) se sont en effet affrontées sur les effets d’Internet dans la relance de l’activité démocratique, en permettant d’accroître l’intérêt ou la participation des citoyens, dans le contexte de démocraties occidentales marquées par un abstentionnisme important et croissant, une volatilité accrue des électeurs, une hostilité rampante à l’égard des institutions et du monde politique.
10Si des travaux empiriques sont venus depuis une quinzaine d’années relativiser considérablement la fascination qu’à pu exercer Internet en soulignant le caractère peu avéré de son potentiel rénovateur au sein des structures et organisations essentielles au fonctionnement des gouvernements représentatifs (partis politiques, groupes d’intérêt, médias de masse) (Margolis, Resnick, 2000), de nombreuses interrogations subsistent quant aux rapports qu’entretiennent participation (des citoyens) et technologies numériques. En outre, les vives controverses opposant le Web comme espace autorisant des formes inédites de participation politique (Jensen et al., 2012) au Web comme support de formes d’engagement de très faible intensité, néfastes à un véritable engagement sur le terrain (Morozov, 2009), ravivent la difficulté à cerner la notion de participation politique en ligne, particulièrement en contexte électoral où peuvent aisément se superposer les modalités numériques de l’engagement, de la participation et de la communication politique.
11L’Internet est de plus en plus utilisé en Afrique dans les différentes formes d’engagement politique pour répondre aux attentes relatives aux transformations de l’espace public. S’il est vrai comme le soutient Dominique Cardon (2012) que la technologie est agnostique et peut servir des mobilisations, des causes et des formes d’organisation bien différentes, il faut toutefois nuancer en ce qui concerne certains pays africains en indiquant que le recours croissant au numérique tout en favorisant la participation à la vie démocratique soulève « des enjeux aussi nouveaux que capitaux » (Isoc Québec, 2014 : p. 36). L’espace public tel que défini par Habermas, « un espace de médiation entre l’Etat et la société permettant, entre autres, une discussion publique, la confrontation d’opinions et d’idées éclairées » (Habermas, 1978) pourrait-il contribuer, avec la médiation des technologies du numérique dans la société ivoirienne, à un engagement citoyen voire à une mobilisation collective des individus autour des enjeux électoraux ? Les technologies de l’information et de la communication et leur facilité d’utilisation ont certes un impact de plus en plus croissant sur les habitudes des citoyens et des politiques de communiquer, et de participer aux débats démocratiques, mais cette situation est loin d’être généralisée dans le contexte ivoirien où l’on observe des disparités d’accès à ces technologies.
12Dès lors, nous nous posons la question de savoir si les pouvoirs que l’on prête aux TIC dans les pays développés ne sont pas exagérés dans nos contextes. Autrement dit, la mobilisation collective des individus et du public dans la gestion du processus électoral à travers les nouveaux médias ne représente-elle pas plutôt un mirage dans la société actuelle ivoirienne ? A quelles conditions la participation des citoyens au débat public à l’ère du numérique peut-elle favoriser l’émergence d’un espace public numérique en Côte d’Ivoire ? Nous partons de l’hypothèse que l’inégal accès des citoyens aux technologies du numérique et l’inaccessibilité des populations de certaines parties du pays notamment celles des villes secondaires et intermédiaires, des villages à l’Internet sont des freins à l’avènement d’un espace public numérique où l’engagement citoyen via les TIC peut apporter de la clarté et de la qualité au débat démocratique.
13Notre propos tentera donc d’appréhender et d’analyser l’impact des actions initiées par la « Brigade numérique » à travers les nouveaux médias à des fins de mobilisation et de communication dans la période électorale de 2015. Dans notre démarche, nous nous attacherons, tout d’abord à présenter quelques formes d’engagement citoyen à partir des technologies numériques. Ensuite, nous nous intéresserons à l’usage des ressources numériques dans la stratégie de mobilisation de la « Brigade numérique » dans le processus électoral ivoirien. Puis, tout en ne niant pas l’essor des TIC en Côte d’Ivoire, notre propos tentera d’en analyser leur rôle dans une mobilisation collective, et enfin, nous évoquerons certains défis qu’il nous semble nécessaire de relever si l’on veut parvenir à une citoyenneté numérique.
14Mais avant, il faut indiquer que notre approche sur le lien entre les élections et les technologies du numérique concerne la Côte d’Ivoire et s’intéresse à l’élection présidentielle de 2015. Nous avons fondé notre travail sur trois matériaux : la recherche documentaire, les entretiens et les medias (presse écrite, sites d’information). En nous basant sur la recherche documentaire dans le cadre de cette étude, nous avons pu consulter non seulement des ouvrages spécialisés sur la mutation des sociétés africaines à l’ère du numérique, le développement des TIC en Afrique, la société de l’information et la démocratie et le lien entre les technologies de l’information et de la communication et les élections, mais également des rapports de la Banque Mondiale et de l’Union Internationale des Télécommunications sur la situation des TIC en Côte d’Ivoire et des dossiers consacrés à la citoyenneté numérique en Afrique.
15Aussi, certaines données et/ou connaissances empiriques personnelles sur l’objet d’étude nous ont été utiles, toutefois, nous avons construit notre analyse sur des faits et des statistiques. En somme, le recours aux moteurs de recherche documentaire sur le web, la méthode dite « boule de neige » qui consiste à consulter les références de certains textes déjà obtenus et les observations de personnes ressources et experts de domaines spécifiques à la thématique nous ont permis de recueillir des données qui ont servi à l’interprétation et l’analyse de notre sujet.
16Il existe un corpus bien riche sur la question du rôle des TIC dans la participation citoyenne au débat démocratique. Toutefois, pour mieux comprendre la particularité de la société ivoirienne, il était indispensable de rencontrer certains acteurs. C’est ainsi que nous avons eu des entretiens avec le Directeur Résident du National Democratic Institute (NDI), soutien technique et financier de la POECI, qui a favorisé la mise en place de la « Brigade numérique ». Une autre rencontre nous a permis de recueillir le point de vue de l’Observatoire Ivoirien des Droits de l’Homme (OIDH) qui ne fait pas partie de la Plateforme de la quinzaine d’organisations de la société civile qui compose la POECI. Et, les entretiens avec le responsable d’une entreprise spécialisée en marketing et communication innovante, des membres de l’Union Nationale des Bloggeurs de Côte d’Ivoire (UNBCI) et certains activistes ivoiriens du web ont contribué à intégrer dans notre analyse leur perception de certains usagers du numérique. Au total, une dizaine d’entretiens menés en face-à-face ou en ligne nous ont permis de comprendre la situation spécifique de l’utilisation du numérique en Côte d’Ivoire avant de tenté de saisir les enjeux d’une mobilisation collective via les ressources numériques dans le processus électoral de 2015.
17Nous avons eu recours à certains quotidiens et périodiques, des sites d’informations qui ont nourri notre réflexion sur les freins et les critiques notamment de certains partis politiques ivoiriens sur la conduite du processus électoral de 2015. En effet, certains titres ont consacré des dossiers sur la l’apport des TIC dans la crédibilité des élections, et d’autres sites d’information n’ont pas manqué de relayer les propos de l’opposition politique sur la conduite du processus électoral.
Formes d’engagement citoyen via les technologies numériques
18En Côte d’Ivoire comme dans de nombreux pays africains, l’appropriation rapide de l’Internet et des nouveaux médias par les individus et par certaines organisations (médias, institutions publiques, entreprises, organisations de la société civile) reconfigure fortement l’espace public. L’irruption du numérique et de l’Internet mobile ont accéléré la transformation digitale de la société ivoirienne. Et, de plus en plus, des formes de participation citoyenne s’organisent avec l’utilisation des technologies numériques en vue d’assurer la crédibilité des processus électoraux.
Outils, pratiques et développement technologique
19Sur le modèle de l’indice de développement humain du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), l’Union Internationale des Télécommunications (IUT) a établi un indice de développement des TIC (IDI), qui classe les pays en fonction de leurs résultats en termes d’infrastructures et d’utilisation des TIC et des compétences en la matière. L’indice de développement des TIC (IDI) « est une valeur repère composée de onze indicateurs, qui a pour objectif de suivre et de comparer les progrès accomplis en matière de technologies de l’information et de la communication (TIC) dans différents pays. Les principaux objectifs de l’indice IDI sont de mesurer :
-
le niveau et l’évolution dans le temps des progrès en matière de TIC ;
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les progrès accomplis en matière de développement des TIC ;
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la fracture numérique ;
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le potentiel de développement des TIC pour améliorer la croissance et le développement5 ».
20A l’instar des pays du continent, la Côte d’Ivoire accuse un retard important et se demeure dans le bas des classements internationaux en matière d’indicateurs d’accès aux innovations issues des technologies numériques. En 2010, elle occupait le rang de 142ème sur 180 pays avec un score de 1,74. Et, en 2015, elle a gagné cinq places en se classant 137ème avec 2,51.
Graphique 1 : Evolution (2010-2015) de l’Indice de développement des TIC (IDI) en Côte d’Ivoire
Source : Union Internationale des Télécommunications
21Toutefois, en dépit de ces retards, la Côte d’Ivoire est engagée dans une dynamique d’adoption de certaines de ces technologies comme le téléphone mobile. En moins de dix ans, le téléphone mobile s’est imposé comme un objet d’usage quotidien dans le pays. Les utilisateurs n’hésitent pas à se procurer plusieurs cartes SIM afin de bénéficier des meilleurs tarifs et des promotions proposées par chaque opérateur. L’omniprésence des téléphones mobiles ne doit pas masquer le fait que « les usages sont différenciés entre les possesseurs de smartphones, de feature phones et de simples téléphones (conversations audio et SMS) » (Kalonji, Couve, Le Bot, 2016 : p. 18).
22En Côte d’Ivoire, le taux d’équipement en téléphone mobile en 2014 dépasse 100% de la population totale.
Graphique 2 : Part de la population équipée d’un téléphone mobile en Côte d’Ivoire (et évolution sur les dernières années)
Source : Banque mondiale
23Le nombre d’abonnés mobiles uniques en Afrique subsaharienne a progressé de 18% par an au cours des cinq dernières années. La région connaît la plus forte croissance dans le monde, note l’Association des opérateurs mobiles (GSMA) dans un rapport de 20136. Dans ce mouvement d’appropriation rapide des technologies numériques, l’on peut citer le rôle de Facebook. Le réseau social est en effet devenu une destination de choix pour s’informer, interagir avec sa famille et ses amis, faire du commerce7 et échanger. Avec son site mobile Zero Facebook, il offre un accès gratuit à ses principaux services dans certains pays comme la Côte d’Ivoire. Ainsi, depuis leur téléphone, les utilisateurs peuvent mettre à jour leurs statuts, consulter leurs flux, commenter des publications ou encore envoyer et lire des messages. Des groupes se créent afin de fédérer les utilisateurs de ce réseau social autour d’un évènement ponctuel ou d’une cause.
24Par ailleurs, l’on assiste à la montée en puissance de WhatsApp au sein de la population comme le soulignent Cédric Kalonji, Philippe Couve et Julien Le Bot (2016) dans leur étude sur la citoyenneté numérique dans certains pays en Afrique. Ces auteurs notent que s’inscrire sur WhatsApp est bien plus simple que sur Facebook. Car, pour le premier, il suffit d’un numéro de téléphone tandis que pour le second, il est nécessaire d’avoir créé une adresse e-mail au préalable.
25L’évolution des outils et de leurs usages favorisent le développement des réseaux citoyens sous différentes formes dont les initiatives peuvent relever du domaine de l’action citoyenne. Par exemple, « le projet Police Secours qui est un groupe Facebook où on retrouve des commissaires de police, des pompiers qui gèrent les questions d’accidents de la route, de délits de fuite ou de corruption », explique Mohamed Diaby. Ce groupe compte en 2018 plus de 250 000 membres.
26En outre, un autre exemple dans l’action humanitaire où la mobilisation contre le virus Ebola a été conduite par les autorités gouvernementales qui redoutaient la propagation du virus. Les efforts de prévention ont été relayés auprès des populations en Côte d’Ivoire par des blogueurs et certaines personnalités sur les réseaux sociaux. Les blogueurs ivoiriens ont repris le principe du « Ice bucket Challenge » qui a connu un succès sur les réseaux sociaux à l’échelle mondiale pour lancer un défi similaire : « Mousser contre Ebola ». La campagne virale, qui montre des célébrités se verser de l’eau glacée sur la tête pour soutenir la lutte contre la maladie de Charcot, a été détournée par les ivoiriens. Le principe est semblable, mais « Mousser contre Ebola » se veut une campagne de sensibilisation sur les mesures d’hygiène extrêmes à prendre pour se protéger contre cette maladie via les réseaux sociaux.
27En marge de cette campagne, d’autres actions citoyennes ont vu le jour sur la toile comme la mobilisation au service de malades. Plusieurs appels de fonds ont été lancés pour payer les médicaments ou les opérations chirurgicales à des personnes dont le sort avait touché les blogueurs. Lancé dans les heures agitées et violentes de 2011, alors que la Côte d’Ivoire peinait à sortir de la crise militaro-politique qui l’a miné durant une décennie, le hashtag #CIVsocial a été utilisé à de multiples reprises pour venir en aide à ces malades.
28Certains acteurs citoyens n’hésitent pas à évoquer une mission dont ils se sentent investis. Leur engagement n’est pas un hasard mais plutôt la rencontre d’une opportunité technologique et d’une conviction profonde. Et les motivations qui sous-tendent l’engagement des acteurs citoyens sont de plusieurs ordres. Pour l’ingénieur réseau ivoirien Cyriac Gbogou, c’est une motivation de journaliste citoyen qui impulse, au début, le lancement de son blog :
« Je sentais une insatisfaction parce qu’il y a des informations dont tout le monde est plus ou moins informé mais dont les médias ne parlent pas. Je trouvais ça anormal. Par exemple, quand j’étais jeune, il y avait des grèves et des personnes qui ont été tuées ou emprisonnées. Même chose à l’université où les étudiants avaient reçu la visite nocturne des forces de l’ordre, ça a été passé sous silence dans les médias, mais, avec Internet, nous avions pu voir et comprendre ce qui se passait réellement avec des photos et des vidéos à l’appui. Voici pour moi, le sens d’être un vrai citoyen, celui qui partage l’information qu’il a vécue8 ».
29Cependant, l’usage des réseaux sociaux comme Facebook ou encore WhatsApp ne va pas sans quelques dérives comme la propagation de rumeurs ou de désinformation sous couvert d’anonymat. Des actions citoyennes sont initiées également dans les processus électoraux. Des organisations de la société civile sont soutenues dans leur participation au débat pré-électoral en interpellant les politiques sur Internet et les réseaux sociaux mais aussi en prenant part au processus de surveillance de la régularité des opérations électorales. La démocratisation en cours en Côte d’Ivoire fragilisée par une grave crise militaro-politique en 2002 et le violent contentieux électoral de 2010 a suscité des initiatives d’engagement citoyen sur les nouveaux médias.
« Brigade numérique » et engagement citoyen
30Différents types d’organisations civiques (Held, 1996 ; Barber, 1997) font apparaître une dynamique à l’intérieur desquelles les usages des TIC seraient utilisés dans une perspective de démocratisation de la société civile (Gingras, 1999). Les pratiques de communication mobile en Afrique subsaharienne s’intensifient des nombreuses offres proposées et génèrent de nouvelles expériences. Cette richesse, cette concentration de caractéristiques « dans un même objet technologique, en fait un très bon exemple d’une catégorie de technologies émergentes de communication et de leurs usages sociaux » (Caron, Caronia, 2005, p.10).
31En effet, la promotion des politiques nationales et régionales pour des données ouvertes sur Internet est en grande partie impulsée par la société civile. A titre d’exemple, MySociety, une organisation établie en Grande-Bretagne a développé différents outils web et mobiles pour aider les citoyens à suivre les agissements de leurs représentants et mesurer la performance des administrations.
32Une application développé par MySociety et baptisée « Pombola » (ISOC QUEBEC, 2014) est ainsi utilisée au Ghana, au Nigeria et au Zimbabwe, et permet aux citoyens de connaître la fréquence à laquelle un député s’exprime devant le parlement et de savoir sur quels sujets il se prononce. Un autre webiciel conçu par MySociety, « fixmystreet », permet aux résidents de certaines villes de faire savoir à leur administration municipale les problèmes à corriger à proximité de leur domicile et de vérifier en ligne la prise en compte ou non de leurs requêtes.
33La Plateforme de l’Observation des Elections en Côte d’Ivoire (POECI) a identifié des difficultés que pourraient rencontrer les électeurs ivoiriens. Des solutions informatisées notamment à travers des applications Web sont proposées notamment pour la gestion des rumeurs, l’éducation civique des personnes non lettrées, la localisation des lieux de vote, etc.
34Des jeunes filles et garçons sont organisés au sein de la « Brigade numérique » dans le but d’inciter les jeunes à l’enrôlement et au vote. La mise en place de cette brigade vise à accompagner le processus électoral à travers une campagne de publication web des affiches de la Commission Electorale Indépendante (CEI) incitant à l’enrôlement, la publication sur les réseaux sociaux des sites d’enrôlement disséminés sur l’ensemble du territoire national avec les hastags #CIVpaix15, #CIVEnrolement et à associer les utilisateurs du web à ladite campagne pour mobiliser plus de personnes.
35Ces jeunes ivoiriens ont été instruits sur la démocratie et les droits de l’Homme, la non-violence et la violence électorale, les bonnes pratiques sur Internet, les réseaux sociaux et la rédaction Web. La « Brigade numérique » investit les réseaux sociaux dans le but d’accompagner le processus électoral à travers la POECI dans sa mission d’observation des élections, d’éducation civique et de monitoring de la violence. Leur rôle est de diffuser des informations vraies et des messages de paix tout le long de cette période pour des élections transparentes et crédibles.
36Composée de vingt cinq jeunes hommes et de vingt cinq jeunes filles, selon le témoignage de Ruben Boni9, la « Brigade numérique » réunis au Tech Hub d’Akendewa a pu mener au quotidien diverses actions de paix, notamment la création de plus de mille infographies accompagnées de messages de paix postées sur Twitter et Facebook avec des hastags #civelections, #civpaix, #civpaix2015, #ElectionCpasGnaga ; la diffusion de plus d’un millier de messages d’information sur le processus électoral ; la rédaction de plus de 80 articles de blog pour partager leurs points de vue de brigadier de paix sur le processus électoral.
37Certaines actions ont été marquées par l’intrusion dans des groupes de discussion réputés radicaux pour véhiculer des messages de tolérance, de pardon et, la sensibilisation et l’implication de personnes anonymes ou de personnes influentes dans leur domaine d’activité pour l’enregistrement de clip, de messages vidéo ou de lectures d’articles de blog. D’autres actions ont consisté en l’organisation d’activités sportives ou de jeux (via la page Facebook de la brigade) pour inciter les jeunes à considérer l’échéance électorale comme un jeu où le fair-play devrait plutôt prévaloir, et la sélection de certains membres de la brigade pour l’observation du scrutin électoral par le système électronique dénommé Parallel Voting Tabulation (PVT).
38Parallèlement, une application mobile, « Mon Vote » qui offre une assistance personnalisée à la population électorale depuis les enrôlements jusqu’aux opérations de vote est conçue. « Mon Vote » est une application qui permet aux citoyens d’avoir toutes les informations nécessaires sur le processus électoral. Son rôle est de guider et d’accompagner le citoyen. Elle dispose d’un onglet d’actualité et d’un rapport d’incident qui donne la possibilité à tout citoyen ayant assisté à un incident le jour du vote de le signaler à partir de son portable. Développée, l’application « Mon Vote » est gratuite et ouverte.
39Depuis un Smartphone, elle fournit au détenteur des informations régulièrement sur toutes les étapes du processus électoral et les actes à accomplir. L’outil renseigne, par ailleurs, sur le lieu d’enrôlement le plus proche et sur le bureau de vote à proximité. A travers l’onglet « Rapport d’incident », l’application fait du citoyen lambda un observateur du processus électoral avec la possibilité de signaler tout incident en temps réel à la Commission Electorale Indépendante (CEI).
40Le mobile s’avère, ici, un « très bon outil pour ce qu’on appelle “l’accountability“, c’est-à-dire le fait de « rendre compte pour rendre compte », via de simples sms et des photos par exemple de bulletins de vote de faits délictueux dans les processus électoraux (Allard, 2013). Nous présentons dans la figure ci-dessous une capture d’écran de l’application « Mon vote ».
Figure 1 : Capture d’écran de l’application « Mon vote »
Source : www.poeci-ci.org
41Par ailleurs, cinq (5) autres applications ont été développées au cours du « hackaton »notamment « Livelect » (un convertisseur de données en graphiques), « Djaman » (une application pour gérer la rumeur), « Kouman » (une plateforme pour les sondages sur les questions électorales), « Atoumgblan 2.0 » (une application de géolocalisation des bureaux de vote) et « Serveur vocal interactif en langues locales » (une application pour l’éducation civique pour les non lettrés). Selon Akendewa, les six propositions d’applications devraient permettre de renforcer la participation des citoyens au processus électoral et en assurer la transparence. Ainsi, comme le souligne Compiègne (2007), plusieurs de ces applications et certaines de ces spécificités technologiques pourraient accroître le niveau informationnel des citoyens.
42Il faut ajouter que le développement et/ou l’adaptation de ces différentes applications mettent en exergue également certains atouts d’Internet. Sur ce point, des auteurs (Castells, 2001 ; Mounier 2002 ; Rheingold, 2005) lui reconnaissent un apport positif dans la revitalisation du débat démocratique. A la question de savoir, s’il avait eu connaissance de l’existence d’une « Brigade numérique » lors de l’élection présidentielle de 2015, Foster N’cho10 répond par l’affirmative et va même plus loin, « la Brigade numérique a permis à la jeunesse de comprendre que les élections sont simplement des échéances qui passent et reviennent régulièrement, qu’il ne sert à rien de porter le fardeau de nombreux politiques pour créer de la division entre nos communautés11 ». Sur le même sujet, revenant sur son expérience de membre de la brigade numérique, Charlène Kodia12 présente les différentes actions réalisées à partir des nouveaux médias :
« sur Twitter, la diffusion de messages par l’utilisation de différents hastags nous a value d’être suivis par des millions de personnes, et même d’interagir avec certains responsables de partis politiques de Côte d’Ivoire. Ceux-ci nous ont assuré le maintien de la paix lors de ces élections. Ensuite, il y a eu la participation de la brigade numérique à la vidéo du single du slameur Yerusha dont le titre est : élections sans gbangban13. Nous en avons fait une large diffusion sur nos profils, sur la page de la brigade et sur Youtube. Il y a également l’association Foot’Attitude qui a réalisé des vidéos avec des vedettes du sport ivoirien tels Didier Drogba et Murielle Ahouré qui ont exhorté les ivoiriens à des élections apaisées avec le slogan « élection c’est pas gnaga14 ».
43Le Président de l’association Foot’Attitude rappelle que son association vise à utiliser le football et « les valeurs de ce sport pour essayer de sensibiliser à la paix et surtout pour éduquer15 ». C’est après le constat que « l’élection de 2010 avait apporté un gros « gnaga » et cette fois-ci, nous avons voulu toucher le jeune ivoirien dans son langage, son mode de vie vu que la jeunesse est la plus grande cible, c’est eux qui participent quand il y a violences » même s’il admet que « ce n’est pas le football qui va changer les choses mais le football peut participer16 ». Enfin, des concerts avec un célèbre humoriste et la création de bandes dessinées a permis une sensibilisation et une explication de toutes les étapes du processus électoral.
44Les mobilisations collectives nécessitent un minimum d’organisation. On observe donc qu’elles sont souvent initiées par des groupes de pression, des syndicats ou des partis politiques. Il y a alors institutionnalisation de l’action collective. Dans le cas de groupes de pression par exemple (associations, groupes d’intérêt, club de réflexion, lobbies, etc.), on cherche à influencer les pouvoirs publics en intervenant dans les lieux décisionnels. La POECI est soutenue par le NDI. Inscrivant leur appui dans le cadre de leur mission en Côte d’Ivoire, pour le Directeur Résident du National Democratic Institute, « le NDI apporte une assistance technique et financière à la POECI dans le but d’accompagner efficacement le processus de démocratisation en cours dans le pays17 ».
45L’une des missions de la « Brigade numérique » était d’inciter les jeunes à participer massivement aux différentes étapes du processus électoral, et ce, à partir d’une mobilisation via les nouveaux médias. Or, l’on constate que contrairement à l’élection présidentielle de 2010, où le taux de participation au premier tour était de 87,73%, celle de 2015 n’a mobilisé que 52,86% des électeurs selon les chiffres publiés par la Commission Electorale Indépendante (CEI).
46D’ailleurs, Sarah Sanogo18 reconnaît « que la population n’est pas sorti massivement voter mais il n’y a pas eu de représailles contre ceux qui l’ont fait ». Alors, bien que certains facteurs pourraient justifier ce taux de participation nettement en deçà de celui de 2010, notamment les enjeux liés au scrutin lui-même, le Président sortant affrontait une opposition affaiblie et divisée, notre travail ne peut se dispenser d’interroger la capabilité et l’impact des technologies numériques sur la mobilisation des électeurs dans le contexte ivoirien.
47Les formes de mobilisations citoyennes via les technologies numériques génèrent non seulement autant d’opportunités que de risques mais aussi et surtout autant d’espoirs que de craintes.
Des limitations et défis à l’avènement d’une citoyenneté numérique dans la société ivoirienne
48Tout en reconnaissant qu’à l’heure du numérique, la démocratie a changé de visage en ce qu’il élargit formidablement l’espace public et transforme la nature de la démocratie, Dominique Cardon (2012) prévient, toutefois, qu’il ne faut pas l’accueillir avec une satisfaction béate. Avant de la célébrer, poursuit-il, il faut la penser, tout en s’interrogeant sur ses limites. Ne faudrait-il pas un éventail de compétences et de connaissances numériques de sorte à contribuer de manière effective à relever les nombreux défis de développement qui se présentent à nos sociétés africaines ? N’est-ce pas à partir d’une bonne compréhension et une meilleure connaissance des outils du numériques que les citoyens parviennent à une utilisation responsable des ressources numériques ?
Un espace public numérique à construire
49Les travaux de certains auteurs (Mabi, Theviot, 2014) en arrivent au constat que de façon récurrente, chaque nouvelle technologie de communication fait l’objet de présupposés sur son aptitude à mobiliser davantage les citoyens et à moderniser les institutions : « la radio, la télévision, la vidéo communautaire, les radios libres et les formes balbutiantes de l’Internet (BBS, listservs Use-net) ont toutes suscité des espoirs d’une appropriation citoyenne intense permettant l’avènement d’une démocratie forte » (Monnoyer-Smith, 2011 : p. 157).
50Poursuivant, ils notent ainsi que les travaux initiaux sur l’Internet politique ont eu tendance à se focaliser sur « l’impact » que pouvaient avoir les technologies sur la démocratie, justifié par le fait que « le rôle d’Internet comme instrument de veille, de diffusion et de mobilisation (circulation de l’information, accroissement des pratiques pétitionnaires) est, en effet, de plus en plus central dans le fonctionnement démocratique » (Haegel, 2009 : p. 52).
51Les notions de « démocratie électronique » (Chambat, 2003 ; Vedel, 2003), de « cyberdémocratie » (Poupa, 1998) et d’ « hyperdémocratie » (Flichy, 2001) se sont développées pour travailler le couple démocratie-Internet. Les TIC tendaient à apparaître comme une solution à la « crise de la représentation ». Le Web grâce à son architecture orientée vers l’interaction et l’exposition de soi (Cardon, 2010) aurait créé les conditions favorables pour le dialogue et le partage d’informations. Pour les plus optimistes, sa structure réticulaire permettrait de faire tomber certaines barrières qui traditionnellement freinent l’engagement politique (spatiales et temporelles par exemple), permettant à un public élargi de s’exprimer et de s’engager en politique (Castells, 2002).
52Cependant, des analyses viennent contrebalancer cette utopie et contribuent à déconstruire les imaginaires d’Internet. Sur ce sujet, l’ouvrage de Michael Margolis et David Resnick (2000) a offert une visibilité internationale à cette vision critique. Le clan des « cyber-pessimistes » est alors formé et gagne en visibilité avec la publication des travaux d’Evgeny Morozov (2011). Sa thèse du « slacktivism19 » a suscité de nombreux débats. Pour cet auteur, les pratiques politiques en ligne n’auraient aucune influence sur les décisions politiques et permettraient seulement de laisser aux internautes-militants qu’ils contribuent au jeu politique.
53Par ailleurs, d’autres travaux ont souligné le risque de faire en ligne de la politique « as usual » (Wright, Street, 2007), comme d’habitude, et de voir perdurer les mêmes inégalités de ressources entre acteurs, participant ainsi au maintien des positions des groupes dominants. Des études ont par exemple démontré que les participants qui investissent les dispositifs numériques sont ceux qui disposent d’un capital militant hors ligne important (Norris, 2003). L’exposition à l’information sur Internet serait même la source d’une polarisation des opinions (Sunstein, 2001) qui renforceraient la « balkanisation » de l’espace public.
54Dans un cas comme dans un autre, les potentiels effets « de nouveautés » introduits par l’usage du numérique en politique soulèvent toujours des controverses. Ainsi, de nombreuses études posent encore largement « comme prémices la capacité d’Internet et désormais des réseaux socio-numérique, du « Web 2.0 », à revitaliser la citoyenneté, en référence d’une part, aux formes de la participation politique et d’autre part, à celles de l’engagement civique, parfois en associant les deux, et l’accès à la technologie apparaît aussi crucial pour la citoyenneté numérique que la rationalité l’est pour la citoyenneté » (Greffet, Wojcik, 2014 : p. 142).
55Or, selon les chiffres de l’Autorité de Régulation des Télécommunications en Côte d’Ivoire (ARTCI), le taux de pénétration de l’Internet fixe est de 43,31% en 2016 et celui de l’Internet mobile est de 68,58% en en 2017. Le graphique ci-dessous nous présente l’évolution sur les dix dernières années de la part de la population connectée à Internet.
Graphique 3 : Part de la population connectée à Internet en Côte d’Ivoire (et évolution sur les dernières années)
Source : Banque mondiale
56Contestant la fiabilité de ces chiffres officiels et en réponse à un article de l’Agence Panafricaine de Presse (APA,www.apanews.net), relayé par le portail Abidjan.net, qui estime à 72% le taux de pénétration d’internet (fixe et mobile) en Côte d’Ivoire, le journaliste blogueur Suy Kahofi s’insurge en faux contre ce taux qu’il trouve surestimé. Sur le site d’information Eburnietoday.com, il tente de démontrer le contraire. Nous rappelons le contexte : « Le nombre d’abonnés à la téléphonie mobile s’est accru de 6 millions d’abonnés sur la période 2016-2017. A la fin de 2017, le nombre d’abonnés est supérieur à 30 millions. En outre les tarifs appliqués par les opérateurs nous donnent satisfaction du fait des bonus faits par eux », affirme le ministre de la Communication, de l’Economie Numérique et de la Poste au cours d’une conférence de presse tenue en février 2018 à Abidjan. Quant à l’internet, on enregistre 17 millions d’abonnés contre 10 millions début 2017 et 200 000 en 2011, indiquant un taux de pénétration de l’abonnement Internet qui est passé à 72%.
57Du point de vue du Journaliste blogueur, à voir le nombre d’utilisateurs d’internet en Côte d’Ivoire et l’affirmation de l’APANews, on serait tenté tout de go de lui donner raison sur la simple base de la définition du principe du taux de pénétration au sens marketing du terme.
58Le taux de pénétration d’un produit ou d’un service est le pourcentage des foyers, des individus ou consommateurs qui achètent le produit ou la marque considérée. Dans le domaine des produits de grande consommation, le taux de pénétration effectif d’un produit est obtenu à partir des données de panels consommateurs (Suy, 2018).
59Un calcul sur la base du nombre d’habitant en Côte d’Ivoire et le nombre d’utilisateurs d’internet nous donne effectivement un résultat dans la fourchette des 60 à 70%. Le chiffre de base étant la dernière estimation de la population ivoirienne par la Banque Mondiale qui est de 24 millions d’habitants (2016). Mais attention, en ce qui concerne internet et les TIC de façon générale, le taux de pénétration ou plus exactement le taux d’accès ne peut être calculé sur une base arithmétique aussi simple. La contestation s’appuie sur une source au sein de l’ARTCI (l’Autorité de Régulation des Télécommunications de Côte d’Ivoire) qui souligne « que plusieurs facteurs entrent en ligne de compte » (Suy, 2018).
60Il s’agit entre autres des utilisateurs effectifs d’internet (real time users), des abonnés ayant une consommation régulière des produits du web, des antennes relais fonctionnant effectivement, de la nature effective des terminaux connectés, des utilisateurs individuels et des entreprises connectées sans oublier les souscriptions aux forfaits internet mobile et fixe effectuées par les abonnés (Internet subscribers). Seuls des équipements de pointe et des rapports très détaillés des FAI (Fournisseurs d’Accès Internet) permettent de déterminer le taux de pénétration d’internet.
61A partir des données publiées sur le site de l’ARTCI cite une source qui indique que l’instance de régulation a consolidé des chiffres qui sont différents de ceux avancés par l’Agence Panafricaine de Presse. Les tableaux récapitulatifs des abonnés à Internet en Côte d’Ivoire publiés le 30 septembre 2017 et actualisés le Jeudi 14 Décembre 2017 donnent ces deux graphiques ci-dessous.
Graphique 4 : Parc d’abonnés à Internet fixe en 2017.
Graphique 5 : Parc d’abonnés à Internet mobile en 2017.
62Les graphiques repris par Eburnietoday.com nous donnent de constater que le nombre d’abonnés total à internet en Côte d’Ivoire est de 17.054.422 pour un taux de pénétration estimé pour le filaire et le WI-FI à 0,48% et le mobile à 68,58% soit un total de 69,06%. L’Union Internationale des Télécommunications (UIT) indique dans ses fiches de données les plus récentes sur la Côte d’Ivoire (2017) que le taux de pénétration d’internet se situe autour des 26%.
63Ce chiffre est sensiblement le même que celui publié par la CIA (Central Intelligence Agency). Sur son site, dans la section World Factbook, l’agence américaine crédite la Côte d’Ivoire d’un taux de pénétration d’internet de 26,5% mais sur la période mi-2016. Les derniers chiffres de la Banque Mondiale quant à eux datent de 2016 et indiquent que le taux de pénétration d’internet est fixé à 22%. Une autre source, l’Internet Live Stats (membre du projet Real Time Statistic) estime que le taux de pénétration d’Internet en Côte d’Ivoire est seulement de 22%. Le rapport 2017 repris par la version en ligne du magazine Jeune Afrique et l’Agence Ecofin classe la Côte d’Ivoire au 16ème rang africain. Hootsuite, la plateforme de social management qui propose chaque année les grandes tendances du web et du développement numérique avance également le chiffre de 22% de taux de pénétration d’Internet en Côte d’Ivoire dans son rapport « Digital in 2017 : Western Africa, a study of internet, social media, and mobile use throughout the region ».
64Plus loin, des informations de l’Internetworldstats.com (IWS) / AfricaScope, précisent qu’en 2016, la Côte d’Ivoire qui a une population estimée à 23.740.424 d’habitants, seulement 5.230.000 habitants se connectent régulièrement à l’Internet, soit un taux de 22% de la population ivoirienne. La population ivoirienne connectée utilise à 73% le mobile pour accéder à l’Internet et 34% le PC du bureau. L’activité régulière des internautes ivoiriens est la consultation des réseaux sociaux à 81%. La population utilise Internet à travers les réseaux sociaux pour échanger entre amis, prendre les nouvelles de la famille via Whatsapp ou Messenger (55%). Egalement pour rechercher des informations professionnelles (41%) ou encore télécharger des fichiers audio ou vidéo (40%) et enfin pour consulter des sites d’actualités (40%).
65L’Internet a connu depuis 1998, période de son introduction en Côte d’Ivoire, une lente diffusion et donc une difficulté d’accès pour l’ensemble de la population ivoirienne. Les causes sont nombreuses : les coûts des terminaux et ceux de la connexion trop élevés au regard des moyens financiers des populations ivoiriennes, ainsi que le faible taux d’alphabétisation du pays. Cependant, des actions sont menées par la gouvernance pour favoriser un accès plus facile à l’Internet et réduire la fracture numérique.
66Face à cette réalité, la Côte d’Ivoire a crée l’Agence Nationale du Service Universel des Télécommunications et TIC en Côte d’Ivoire (ANSUT20). Le Service Universel ici c’est l’ensemble des exigences d’intérêt général des Télécommunications/TIC visant à assurer partout en Côte d’Ivoire, l’accès de tous, aux prestations essentielles de télécommunications/TIC de bonne qualité et à un prix abordable. Il est assuré dans le respect des principes d’égalité, de continuité, d’adaptabilité et d’indépendance. L’ANSUT a initié un projet de formation « AnsutBlogCamp21 » sur les usages du numériques en partenariat avec l’Union Nationale des Blogueurs de Côte d’Ivoire (UNBCI).
67La « fracture numérique interne » (Diakhaté, 2014) étant bien visible en Côte d’Ivoire, entre la capitale économique Abidjan et les régions, les zones urbaines et les villages, l’ANSUT initie une caravane à l’intérieur du pays afin de réduire cette inégalité dans l’accès à la technologie. Pour Raïssa Yao, journaliste Web et membre de la caravane, « tous les évènements liés au numérique se passent uniquement à Abidjan alors que la Côte d’Ivoire c’est aussi Waraniéré, Bouaké et Man. Il fallait donc briser cette fracture numérique d’où le projet AnsutBlogCamp. L’idée est de former des jeunes qui à leur tour formeront d’autres personnes jusqu’à ce qu’un grand nombre puisse avoir la culture d’Internet d’où le thème : les TIC pour l’autonomisation de nos communautés22 ».
68Il n’empêche que pour Foster N’cho, la citoyenneté numérique est bien réelle en Côte d’Ivoire,
69« le numérique a permis aux populations ivoiriennes d’être plus citoyens que jamais, de contester des décisions qui impactent négativement les populations, des décisions qui empêchent une sociabilité vraie. Le numérique est aussi l’un des principaux facteurs de cohésion et de compréhension de la vie politique ivoirienne. Avec le développement des TIC, vous pouvez constater que les ivoiriens peuvent et savent se parler sans forcément aller aux poings, sans être des ennemis23 ».
70S’il est vrai que contrairement au téléphone mobile cellulaire qui connaît un essor fulgurant en Côte d’Ivoire (et en Afrique en général), l’Internet enregistre une expansion moins rapide en dépit d’un engouement certain des populations. Alors à quelles conditions l’action collective engagée par certaines organisations de la société civile pourra-t-elle bénéficier d’une vraie mobilisation citoyenne portée par les technologies du numérique ?
Défis liés à la citoyenneté numérique dans l’espace public ivoirien
71Pour une bonne compréhension des multiples et divers obstacles à la diffusion de l’Internet dans l’espace public ivoirien, une analyse des actions visant à favoriser son expansion s’avère nécessaire. Ainsi, après avoir identifié les freins liés au développement de l’Internet, Alain François Loukou (2012), dans une étude sur la diffusion de l’Internet en Côte d’Ivoire en déduit certaines implications de sa lente diffusion par une fracture numérique géographique évidente, socioéconomique réelle et un risque d’accentuation dans la fracture de développement.
72D’abord, l’auteur observe une très nette fracture numérique entre Abidjan et le reste du pays. A partir du modèle dit de Larry Press [ou global Diffusion of the Internet (GDI)], il indique sur la base des données disponibles que pour l’instant l’espace géographique de la distribution de l’Internet en Côte d’Ivoire, reste principalement limité au territoire de la capitale économique (Abidjan) et à celui de quelques grandes villes de province. Il conclut que l’Internet est donc encore un phénomène essentiellement urbain en Côte d’Ivoire.
73Ensuite, au plan social et économique, il note une réelle fracture numérique dans l’utilisation de l’Internet. Jusqu’ici, nombre d’ivoiriens n’ont jamais eu le moindre contact avec l’Internet, ou alors très rarement. Cette situation résulte à la fois de la répartition géographique déséquilibrée des équipements, du faible pouvoir d’achat de la population ainsi que de l’analphabétisme d’une frange importante de cette population.
74Enfin, il fait remarquer que dans une société de l’information qui s’affirme partout et une économie de plus en plus numérique, l’Internet devient un outil indispensable de développement. Aussi, les différentes formes de fracture numérique constituent-elles des sources de fracture de développement (disparité de niveaux de développemnt).
75Si la « fracture numérique » ne paraît pas opératoire, car elle désignerait essentiellement un problème d’accessibilité, il apparaît que, pour penser les inégalités grevant les pratiques numériques, et leur traitement, la confusion de leurs ressorts politiques et sociaux ne l’est davantage (Greffet, Wojcik, 2014).
76Plutôt, s’agirait-il de raffiner ce concept initial et/ou d’évoquer simplement les inégalités numériques en vue de prendre en considération l’appropriation des dispositifs techniques par les individus (George, 2004) et notamment le contexte, l’intensité, la fréquence et surtout les types d’utilisation et les capacités des usagers. Ainsi, Hargittai (2002) a développé le concept de fracture numérique de second degré, qui porte sur les disparités d’usages précisément liées à des inégalités sociales. Fabienne Granjon montre que l’équipement, l’accès, la maîtrise technique ne suffisent pas nécessairement à réduire une « fracture » qui renvoie en fait aux dispositions (au sens bourdieusien du terme) à actualiser les potentialités offertes par Internet24.
77Par ailleurs, les organisations de la société civile engagées dans le processus électoral doivent gagner la confiance des parties prenantes en vue de garantir l’implémentation de leurs projets d’observation et de veille du processus via les technologies du numérique. En effet, l’Observatoire Ivoirien des Droits de l’Homme (OIDH) soutient n’avoir pas été associé à la Plateforme de la société civile pour l’Observation des Elections en Côte d’Ivoire (POECI) et déclare que son organisation n’a pas non plus participé à l’observation de l’élection présidentielle de 2015. Le Président de l’OIDH en donne les raisons, « il n’y avait pas d’enjeux pour la démocratie au vu de la composition de la Commission Electorale Indépendante (CEI) que nous avons toujours dénoncée, au vu du traitement équitable des candidats et plus généralement au vu de la situation sociopolitique qui prévalait dans le pays (réconciliation nationale en panne, justice sélective, etc.) 25».
78Dans un autre registre, le National Democratic Institute qui appuie la POECI est accusée par un parti politique d’opposition de partialité. Pour Nathalie Yamb, Conseillère exécutive du Président de Liberté et Démocratie pour la République (LIDER), « la nuisance du NDI, qui a fait fi de toute notion de droit ou de démocratie pour aider le pouvoir en place à violer les lois électorales de Côte d’Ivoire afin de permettre le passage en force de Ouattara en octobre 2015, est encore trop récente dans la mémoire collective des ivoiriens », dénonce-t-elle dans un communiqué relayé par la presse (Connectionivoirinne.net du 16 fevrier 2016).
79D’une part, la crédibilité des mobilisations citoyennes réside également dans leur indépendance vis-à-vis des sources de financement. Comment en effet trouver des fonds pour fonctionner sans perdre leur indépendance et éviter ainsi les risques de manipulation ? En acceptant de l’argent de sources étrangères, le risque est réel de se voir accuser de manipulation par des agents étrangers, parfois même par des entreprises ou des groupes de pression ayant un intérêt particulier à déstabiliser le pays. Alors que la démocratie et le gouvernement représentatif ont besoin d’une société civile forte et active, comme le souligne Jean Cohen (2001), pour rester démocratiques et représentatifs.
80D’autre part, l’accès à l’éducation, à l’information et l’éducation aux médias sont des facteurs importants et sans doute indispensables à l’émergence d’une société civile forte et crédible et favoriser par conséquent des mobilisations citoyennes. A titre d’exemple, Raïssa Yao qui a pris part à la première caravane de l’AnsutBlogCamp en tant que formatrice sur l’écriture Web se rappelle qu’à l’étape de Daloa, une ville située dans le centre-ouest de la Côte d’Ivoire et réputée comme un lieu stratégique pour les jeunes africains candidats à la migration clandestine, « ce jour-là, ces jeunes qui venaient de prendre conscience de l’opportunité que leur offrait Internet ont pris l’engagement non seulement de donner une autre image à la cité des antilopes mais également profiter d’Internet pour vendre leur vile et leurs différentes activités au lieu de se livrer à la mer26 ».
81En somme, de nombreux défis restent liés à l’utilisation des technologies du numérique dans les processus électoraux. Même si l’on parvient à gagner la confiance des parties prenantes (surtout les candidats, les partis politiques) en réduisant la vulnérabilité des TIC, à garantir la capacité nécessaire de chacun des utilisateurs pour une utilisation optimale des ressources numériques, à maîtriser les coûts liés à leur utilisation et à surmonter les limites liées au faible taux de pénétration et d’utilisation de l’Internet dans nos sociétés, il ne faut surtout pas non plus surestimer leur apport dans les formes de mobilisation citoyenne.
82Bien que les technologies du numérique aident à résoudre un certain nombre de problèmes que pose la gestion des élections, leur potentiel est loin d’être épuisé. C’est pourquoi, il faut s’assurer de certaines précautions nécessaires « pour éviter que leur utilisation ne deviennent un cauchemar » (Hounkpe, 2017 : p. 14).
83Le développement des ressources socionumériques entraine des dérives que l’on constate dans certaines pratiques. Le phénomène de la cybercriminalité est devenue en Côte d’Ivoire, en l’espace de quelques années un véritable problème de société. L’usage des TIC connaît assurément des déviations dangereuses. La notion d’usage, selon les contextes d’analyse et les cadres théoriques mobilisés renvoie à un continuum de définitions, allant du pôle de la simple « adoption » au pôle de l’ « appropriation » (Breton, Proulx, 2002 : p. 255). Sur ce dernier point, les auteurs évoquent trois conditions sociales à réunir
84« il s’agit pour l’usager, premièrement de démontrer un minimum de maîtrise technique et cognitive de l’objet technique. En deuxième lieu, cette maîtrise devra s’intégrer de manière significative et créatrice aux pratiques quotidienne de l’usage. Troisièmement, l’appropriation ouvre vers des possibilités de détournements, de contournements, de réinventions ou même de participation directe des usages à la conception des innovations » (Breton, Proulx, 2002 : p. 255-256).
85Les usages d’Internet détournés à des fins d’escroquerie, d’arnaque et de chantage en tous genres par certains jeunes usagers ivoiriens dévoilent la « face ténébreuse » des réseaux sociaux et engendrent ainsi des conséquences négatives pour le pays et son économie.
86Par ailleurs, il faut relever ici cette vision « orwelienne » des technologies qui loin de la perspective athénienne, reposant sur une conception égalitaire et libératrice des réseaux numériques met à l’index un système de contrôle et de violations des libertés individuelles et privées. Sur ce sujet, la protection des données personnelles est au cœur du scandale de la société britannique Cambridge Analytica (CA) sur les données d’utilisateurs de Facebook. De fait, cette firme est accusée d’avoir collecté et exploité sans leur consentement les données personnelles de quelques 87 millions d’utilisateurs de Facebook à des fins politiques. Ces informations auraient été utilisées pour élaborer un logiciel permettant de prédire le vote des électeurs afin d’influencer la campagne présidentielle américaine de 2016, remportée par le républicain Donald Trump27.
87La construction d’un espace public numérique ouvert, pluriel et participatif doit nécessairement prendre en compte la sensibilisation aux enjeux de la société numérique et de la participation citoyenne, la structuration des réseaux nationaux/internationaux et d’éco-systèmes locaux d’acteurs citoyens et le développement d’une culture de la donnée publique ouverte et des usages que l’on peut en faire.
Conclusion
88Il y a certes un engouement des individus et du public autour des technologies du numérique en Côte d’Ivoire en dépit des obstacles liés à sa large diffusion sur l’ensemble du territoire. La deuxième caravane de l’AnsutBlogCamp qui a sillonné plusieurs villes de l’intérieur constate un enthousiasme réel. Néanmoins, le premier responsable de l’ANSUT relève que « beaucoup reste à faire sur le chantier de la vulgarisation des TIC en Côte d’Ivoire », rapporte koaci.com. C’est pourquoi, il exhorte les jeunes à demeurer dans cet élan d’apprentissage des TIC.
89A la suite de notre travail, il est possible d’affirmer que la Côte d’Ivoire ne dispose pas encore d’une citoyenneté à l’ère du numérique capable de soutenir efficacement des formes de mobilisations collectives. L’impact supposé ou réel des technologies du numérique dans certaines mobilisations collectives ne doit pas nous conduire à emprunter des raccourcis dans notre contexte en particulier.
90Tout en essayant d’éloigner notre démarche de toute forme de mimétisme technologique (Lambert, 1979), nous admettons que les rapports complexes noués par Internet avec le fonctionnement de la démocratie ouvrent plusieurs champs de recherche. Alors, leur mise en perspective avec les contextes africains ne méritent-elles pas des approches moins prophétiques pour l’heure ? Au-delà des nouvelles techniques de concertation, suffit-il de créer des communautés virtuelles pour créer de véritables destins communs ?
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Notes
1 « Y’en a marre » est le premier mouvement citoyen africain qui a servi d’exemple à ses voisins. Formé en 2011 par un groupe de rappeurs et de journalistes sénégalais afin d’encourager les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales et à exercer leur droit à la liberté d’expression, le mouvement a contribué à empêcher la candidature de l’ancien président Abdoulaye Wade et à imposer l’alternance politique. Trois de ses fondateurs ont été arrêtés en février 2012 pour avoir participé à l’organisation d’un sit-in pacifique contre le gouvernement. Y’en a marre est demeuré actif depuis l’élection : il anime des réunions et exhorte le nouveau gouvernement à lancer les réformes promises, notamment dans le domaine foncier – les premiers concernés étant les pauvres qui vivent en milieu rural.
2 Son nom illustre sa vocation à « nettoyer » le pays de la corruption politique mais fait aussi référence aux opérations de propreté que la population mène régulièrement dans les quartiers. Pour symboliser cela, les membres du groupe manifestent avec de véritables balais. Le mouvement « Balai Citoyen » est au centre de la lutte pour le changement démocratique au Burkina Faso et a encouragé la jeunesse burkinabé à prendre son destin en main. Fondé par deux artistes, le rappeur Smockey et le reggaeman Sam’s K le Jah, ce mouvement connait une grande popularité et a contribué à la chute du président Blaise Compaoré en octobre 2014.
3 Filimbi signifie “sifflet”, en swahili. Lors d’une rencontre organisée sur l’île de Goré au Sénégal en décembre 2015, Filimbi a largement contribué à la création du Front citoyen 2016, vaste regroupement d’ONG des droits de l’homme, de mouvements citoyens, de partis politiques et de personnalités publiques exigeant la tenue des élections dans les délais prévus par la Constitution congolaise et s’opposant à la prolongation du mandat de Kabila. Certains militants de Filimbi sont en prison, d’autres vivent soit à l’étranger ou en RDC de manière clandestine, vu les menaces qui pèsent sur eux.
4 Akendewa est une organisation de la société civile ivoirienne et veut dire araignée enAkan, langue locale ivoirienne.
5 Rapport Mesurer la société de l’information, IUT, 2014.
6 Sub-Saharan Africa Mobile Economy 2013, GSMA, 2013.
7 Avec Facebook, des jeunes sont en train de redéfinir le e-commerce en Côte d’Ivoire, TIC edu forum, 17 aout 2015.
8 Cyriac Gbogou, entretien rapporté par Cédric Kalonji, Philippe Couve et Julien Le Bot, 2016.
9 Ruben Boni est membre de la Brigade numérique. Son témoignage est disponible sur le blog d’Akendewa via le lien www.brigade.akendewa.org, publié le 8 novembre 2015.
10 Foster N’cho est manager général d’une entreprise spécialisée en marketing et communication innovante. Il est également chef de projet de la caravane ANSUT BLOG CAMP qui a pour mission d’informer et former les populations ivoiriennes à l’usage et à la vulgarisation des outils TIC pour leur autonomisation.
11 Entretien, Abidjan, mai 2018.
12 Charlène Kodia est membre de la Brigade numérique. Son témoignage est disponible sur www.brigade.akendewa.org, publié le 8 novembre 2015.
13 Tiré du nouchi, un argot urbain ivoirien qui signifie élections sans palabres, sans bagarre.
14 « élection c’est pas gnaga » signifie en argot ivoirien « élection c’est pas la guerre ».
15 Disponible sur www.sportanddev.org , publié le 27 février 2017.
16 Ibidem.
17 Entretien, Abidjan, mai 2018.
18 Sarah Sanogo est membre de la Brigade numérique. Son témoignage est disponible sur www.brigade.akendewa.org, publié le 9 novembre 2015.
19 Formule traduite par « militantisme mou » ou « activisme faible ».
20 L’ANSUT a pour mission de mettre en place un écosystème pour que les populations puissent consommer ou utiliser convenablement tous les services liés au numérique. Notamment la mise en œuvre du projet un citoyen un ordinateur une connexion internet, l’accompagnement des structures étatiques qui veulent passer au numérique. Par exemple l’installation de la fibre optique sur tout le territoire national, la fourniture sur l’ensemble du territoire national de services de téléphonie, de transmission de données et de l’accès à Internet haut débit.
21 Ce projet ambitionne de pour jouer un rôle important dans le processus de transformation numérique en Côte d’Ivoire, celui d’informer et d’initier les populations sur les e-services développés par le ministère de l’Économie numérique via l’Ansut, mais aussi les bons usages du numérique en terme d’enjeux de développement économique et social (création d’emplois et entrepreneuriat) en Côte d’Ivoire.
22 Entretien, Abidjan, mai 2018.
23 Entretien, Abidjan, mai 2018.
24 Cf « Fractures numériques : infrastructures, inclusion, appropriation », séminaire du réseau « Démocratie électronique » (DEL), Paris, 4 février 2009 lors duquel Jouët a discuté plusieurs textes de Granjon : http://www.reseaudel.fr/seminaire-del-granjon-jouet-2009/.
25 Entretien, Abidjan, mai 2018.
26 Entretien, Abidjan, mai 2018.
27 www.lexpress.fr, 14 mai 2008.
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