French Journal For Media Research

Brahim Abaragh

Marc-François Bernier (2021), Les journalismes : information, persuasion, promotion, divertissement, Presses de l'Université Laval, 137 p.

1Dans son ouvrage en cinq chapitres, Marc-François Bernier inventorie les différents journalismes existant dans la sphère médiatique dans une approche aussi bien diachronique que synchronique tout en démêlant la nature des relations qu’entretient chaque genre journalistique avec son environnement politique et socio-économique. Ces relations complexes et parfois conflictuelles décrivent un monde tiraillé entre l’éthique et les intérêts personnels mettant le journaliste dans un engrenage bien intriqué l’invitant à investir des stratagèmes capables de réajuster la situation et retrouver le juste équilibre garant de son identité professionnelle.

2Dans son premier chapitre, l’auteur démontre comment la pluralité des identités journalistiques affermit la mobilité et les mutations constantes des intentions et des buts de la production médiatique en rupture avec la notion de l’idéal-typique d’un journalisme d’informations adressé à l’intérêt de la foule. Les journalismes sont donc multiformes dans leurs pratiques, intentions et réception en fonction de l’idéologie et des régimes politiques. Ceci pousse les auteurs des différents journalismes à éviter de jouer avec la confiance que leur accorde le récepteur et adoptent des solutions ré-équilibrantes capables d’assurer un minimum de fiabilité caractéristique et garant de leur identité journalistique. Cette réalité multiforme n’est que le miroir d’un système de gestion de l’information imprégné par des intentions idéologiques poussées à ses fins.

3L’auteur commence le deuxième chapitre par la description des journalismes d’informations et leurs objectifs purement factuels répondant à un idéal qui prône l’objectivité, la transparence et la clarté dans leur communication avec le grand public qui a soif d'informations non biaisées, mais qui sont pourtant, par souci financier, étayés par d’autres type de journalismes de promotion ou de persuasion. Cela les rend moins imperméables à l’intentionnalité matérielle. L’information naïve n’existe donc pas tant que d’autres entités plus au moins structurées s’efforcent de s’imposer dans ce genre de journalisme au risque de biaiser l’information. En effet, la structure sociale et politique représentée par les différents partis politiques et incorporations professionnelles et idéologiques permet la préparation d’un terrain d’opinion propice à la volonté de manipuler l’information et la transfigurer à des buts intentionnels. Ceci permet d’essayer d’influencer les journalismes d’opinion et tacheter leur objectivité. La question de la déontologie est au cœur même de la pratique journalistique soucieuse de gagner la confiance du lecteur. Or, d’autres paramètres de société entrent en jeu et font que certaines règles sont transgressées, contraignant ainsi les journalistes à réajuster leur méthode de travail pour assurer la continuité des entreprises qu’ils représentent. Parler par conséquent d’un journalisme d’informations pur et sain ne pourrait exister que si la structure juridique et sociale intervient pour l’autonomisation des métiers de journaliste.

4Les journalismes de persuasion ou d’influence, cités au troisième chapitre, dérogent à la règle de l’impartialité vu l’objectif de ces productions visant à pousser le récepteur à changer d’avis sur des affaires politiques, sociales ou culturelles. Ces journalismes peinent à trouver l'équilibre entre le souci de garder l’image d’un journalisme objectif et la satisfaction des entreprises qui les financent. Cet interventionnisme n’est autre que le résultat des différents appareils idéologiques à vouloir manipuler l’information et l’interpréter en fonction de leurs intérêts. Par contre, ces journalismes ne peuvent se passer des piliers normatifs de la vérité, de l’argumentation, de la rigueur du raisonnement et de l’exactitude factuelle afin d’éviter de tomber dans la propagande et nuire à la démocratie par la désinformation et la manipulation du récepteur.

5L’avant dernier chapitre tarde à expliquer les enjeux parfois conflictuels que peuvent présenter les journalismes de promotion déchirés entre la déontologie médiatique et les intérêts particuliers. Les journalistes de ce cas de figure essaient de trouver un équilibre entre les normes de l’écriture journalistiques et la promotion des intérêts des tiers. Si l’équilibre est mal assuré, les journalismes de ce genre tomberont dans le dérapage et seront considérés comme de simples rédacteurs publicitaires.

6Enfin dans le dernier chapitre, l’auteur liste les différents journalismes de divertissement qui sont associés à l’information superficielle dont le but est de distraire le récepteur. Or, actuellement, ce genre de pratique médiatique n’est pas innocent car d’autres types de journalismes l'infiltrent pour essayer d’attirer l’attention du grand public vers des faits de société. Les journalismes de divertissement n’échappent pas aux obligations factuelles pour ne pas tomber dans la fiction. Dans une grande proportion de cas, ce genre de journalisme est piégé par le manque de rigueur et d’intégrité surtout quand ils abordent "la vie des choses".

7Qu’ils soient journalismes d’informations, de persuasion, de divertissement ou d’opinion, ils n’échappent pas à un pourcentage de complicité avec les organisations existantes qui les financent ou assurent leur existence. Cet aspect contraignant ne devrait pourtant pas rejeter l’aspect rigoureux des journalismes car, que l’on le veuille ou pas, la société en elle-même est protéiforme et chaque lecteur cherche à lire ce qu’il veut lire et tend à rechercher des interprétations qui correspondent aux siennes, d’où la pluralité des pratiques journalistique et la diversité des idéologies qui les sous-tendent. L’auteur de cet ouvrage insiste sur le fait qu’au-delà des contraintes qui échappent de temps en temps à la volonté des journalistes, figurent les critiques du public avisé qui fonctionnent comment agents de changement continu. Un arsenal juridique solide et protecteur pourrait de son côté assurer cette liberté du journaliste à s’échapper de la mainmise des particuliers pour un résultat convaincant et fiable.

8Dans son ouvrage, Marc -François Bernier a essayé de décrire d’une manière subtile les relations complexes et parfois compliquées qu’entretiennent les différents journalismes entre eux. Entre le souci d’un métier qui suppose la rigueur, la fiabilité et l’impartialité figurent des entités particulières, généralement puissantes, ayant l'ambition de manipuler l’opinion publique pour des intérêts de tout ordre. Cet interventionnisme force le journaliste à adopter des stratégies plus au moins diplomates pour garantir un minimum d’obligation déontologique afin de ne pas perdre la confiance du récepteur. L’ouvrage gagnerait, à travers cette approche, à illustrer par des exemples d’articles plus clairs la complexité existante entre les différents journalismes tout en essayant de proposer un modèle systémique à même de dépasser les impasses dont regorgent les journalismes et les journalistes.

Pour citer ce document

Brahim Abaragh, «Marc-François Bernier (2021), Les journalismes : information, persuasion, promotion, divertissement, Presses de l'Université Laval, 137 p.», French Journal For Media Research [en ligne], Browse this journal/Dans cette revue, 15/2021 Varia, Note de lecture, mis à jour le : 11/05/2021, URL : http://frenchjournalformediaresearch.com/lodel-1.0/main/index.php?id=2118.

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