French Journal For Media Research

Vindicien V. Kajabika

Cindy Felio  et Loïc Lerouge (2015), Les cadres face aux TIC. Enjeux et risques psychosociaux au travail (sous la coord. de), Paris : L’Harmattan, 292p.

1Expression principalement utilisée dans le monde universitaire, TIC est un acronyme de Technologies de l’Information et de la Communication utilisé pour désigner le domaine de la télématique, c’est-à-dire les techniques de l’informatique, de l’audiovisuel, des multimédias, d’Internet et des télécommunications notamment qui permettent aux utilisateurs de communiquer, d’accéder aux sources d’information, de stocker, de manipuler, de produire et de transmettre l’information sous toutes les formes : textuel, musical, sonore, imagée, visuelle (vidéo) et en interface graphique interactive (IHM1), entre autres.

2Ces technologies de l’information et de la communication ouvrent dorénavant des problématiques résultant de l’intégration des techniques au sein des systèmes institutionnels recouvrant notamment les produits, les pratiques voire les procédés potentiellement générés par cette intégration (Bérard, 2016, p.78). Même si aujourd’hui on a tendance à s’émerveiller des possibilités qu’offrent les TIC dans le quotidien des usagers, il faudrait se souvenir que tous les progrès techniques n’ont pas été réalisés en une journée ou d’une seule baguette magique. Ils sont le fruit d’une longue évolution connue années après années, siècles après siècles. De fait, après les premiers pas vers une société de l’information qui ont été marqués par l’apparition de l’écriture en Mésopotamie (à la fin du quatrième millénaire avant Jésus-Christ), puis l’invention de l’imprimerie par Johannes Gutenberg en 1468, de grandes étapes ont été marquées par le télégraphe électrique mis au point par Claude Chappe en 1838, puis le téléphone imaginé par Alexander Graham Bell un certain 14 février 1876 et la radiotéléphonie inventée par Guglielmo Marconi en1895. L’informatique, dont les principaux pionniers sont Alan Turing (1949), John von Neumann (1945) et Kurt Gödel (1930), a pris son essor grâce notamment aux circuits imprimés chez les constructeurs de matériels et équipements technologiques. La télévision dont les principaux inventeurs connus sont John Baird (1926) et Karl Ferdinand Braun, (1897), le Minitel de Jean-Yves Pouchard, (1980), l’Internet dont les acteurs fondateurs seraient Léonard Kleinrock, (1961) et Thimothy John Berners-Lee (1990), puis les télécommunications mobiles ont associé l’image au texte et à la parole ; l’Internet et la télévision devenant d’ailleurs accessibles sur le téléphone portable inventé par Martin Cooper en 1983, ledit téléphone qui a fait aussi office d’appareil photo, technologie imaginée bien plus tôt par Joseph Nicéphore Niépce en 1839.

3Le rapprochement de l’informatique, de l’audiovisuel et des télécommunications dans la dernière décennie du XXème siècle a bénéficié de la miniaturisation des composants permettant de produire des appareils « multifonctions » à des prix accessibles dès les années 2000. L’augmentation rapide du nombre d’accès à l’Internet à haut débit (par ADSL, via les réseaux de la télévision par câble ou avec les réseaux de lignes terminales en fibre optique) a favorisé la diffusion de contenus audiovisuels à des prix abordables puisque cela a très rapidement fait baisser les prix des TIC, très élevés, à l’origine.

4Avec le déploiement d’Internet et du WEB 2.0, les usages des TIC se sont développés et la grande majorité des citoyens des pays industrialisés principalement a désormais commencé à utiliser ces outils pour accéder à l’information, de quelque manière que ce soit. Aujourd’hui, plus qu’hier, un grand nombre d’internautes, via des sites, des blogs ou des projets tels que Wikipédia, ajoute de l’information au média Internet.

5Par voie de conséquence, le nombre de services disponibles explose et génère des emplois liés à ces technologies pour 3,2% du PIB français vers 2010 et pour beaucoup plus de 5,5% en 2015. Les emplois de cette filière nécessitent de plus en plus de compétences en communication, en marketing et en vente ; la technique n’étant finalement qu’un support de communication et d’organisation. Cela entraîne de nombreuses modifications dans les projets professionnels recherchés par les entreprises selon l’Observatoire International des Métiers Internet, qui analyse les profils et les compétences recherchés par le marché de l’emploi en Europe et dans les pays développés, plus largement.

6Par ailleurs, les technologies de l’information et de la communication sont tellement omniprésentes dans les sociétés d’aujourd’hui que toutes les catégories sociales sont, d’une certaine manière, influencées par leurs usages, au point même que, comme le laisse entendre l’ouvrage Les cadres face aux TIC. Enjeux et risques psychosociaux au travail, les cadres voient leurs comportements impactés par les TIC jusqu’à donner lieu à de nouveaux enjeux et risques psychosociaux au travail.

7Toujours est-il que sous la direction de Cindy Felio et Loïc Lerouge, les 286 pages de cet ouvrage, réalisées grâce à seize contributions, tentent de répondre à la question relative aux conditions de travail mettant en exergue les exigences auxquelles les salariés, en général, et les cadres, en particulier, sont soumis suite au recours quasi-permanent aux technologies de l’information et de la communication. Cet objectif est poursuivi en même temps qu’il essaie d’analyser les différents indicateurs d’intensité de travail.

8En vue d’illustrer l’hypothèse de l’influence tout à fait inéluctable des TIC dans l’organisation du travail des cadres, cet ouvrage, qui constitue le support de la troisième journée d’études de l’ORRPSA2, est divisé en trois chapitres, à savoir :

9Intitulé « Enjeux psychosociaux des TIC : esquisse de problématisation », le premier chapitre vise à problématiser les enjeux psychosociaux des technologies de l’information et de la communication, au prisme de perspectives complémentaires : Loïc Lerouge présente un état des lieux de la prise en charge de cette question par le Droit ; s’ensuit ensuite une section qui propose  une théorisation des TIC en tant que facteurs médiateurs de risques psychosociaux dans laquelle Cindy Felio, puis Marc-Eric Bobillier Chaumon et ses collaborateurs analysent la manière dont ces environnements numériques contribuent à l’évolution du métier et des pratiques professionnelles des cadres.

10Le rapport ambivalent qu’entretiennent les cadres face aux outils de communication numériques est étayé dans le deuxième chapitre, à travers trois points traitant respectivement de la question du déplacement des frontières temporelles et des conséquences de l’usage des TIC en termes de qualité de vie au travail présentée par Denis Bérard, du contexte économique légitimant les usages excessifs et obstacle à la liberté d’agir des individus et des organisations étudié par Thierry Venin et la prégnance de la représentation sociale du « bon cadre » sur les comportements à l’égard des dispositifs, un volet analysé par Nadège Soubiale.

11Le troisième et dernier chapitre « La question de la régulation des usages numériques au travail » cherche à analyser les tâtonnements aussi bien que les formes existantes de régulations des pratiques numériques au sein de la sphère professionnelle, qu’elles soient organisationnelles (avec le point de vue des DRH3 sur la question, recueilli par Feirouz Boudokhane-Lima), individuelles et défensives, à la lumière des travaux de Chantal Aurousseau (1999) portant sur les compétences relationnelles, de médiation experte, telle que la méthode du groupe de co-développement professionnel approfondie et systématisée par Nathalie Lafranchise et Maxime Paquet ou de médiation familiale, comme le rôle de la sphère privée pouvant jouer un rôle facilitateur ou d’empêchement des activités réalisées à domicile, avec l’exemple de la formation à distance étayée par Clément Dussarps.   

12C’est grâce à cette répartition des matières coulée dans une quasi-parfaite partition de fond, s’appuyant sur une clarté d’expression formelle doublée d’une simplicité de langage et précision descriptive que l’ouvrage Les cadres face aux TIC. Enjeux et risques psychosociaux au travail dirigé par Cindy Felio et Loïc Lerouge peut, à juste titre, prétendre avoir atteint son objectif et éclairer la lanterne des lecteurs en extrapolant toutes les applications socio-professionnelles résultant du recours et de l’usage presqu’obsessionnel des technologies de l’information et de la communication dans nos sociétés contemporaines.


Vindicien V. Kajabika

13Chercheur au CIM-CEISME, Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle

14vuninga@yahoo.fr

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Références bibliographiques

16Aurousseau, C., 1999, « Les ancrages organisationnels, individuels et sociaux des violences hiérarchique et organisationnelle vers une approche globale », Thèse de doctorat en Communication, Université du Québec à Montréal.

17Bérard, D., 2015, « L’irruption des TIC et l’éclatement de l’espace-temps du travail : travailler sans limites ? », in Felio, C., Lerouge, L., dir., (2015), Les cadres face aux TIC. Enjeux et risques psychosociauxau travail, Paris, L’Harmattan, p. 75-90.

Pour citer ce document

Vindicien V. Kajabika, «Cindy Felio  et Loïc Lerouge (2015), Les cadres face aux TIC. Enjeux et risques psychosociaux au travail (sous la coord. de), Paris : L’Harmattan, 292p.», French Journal For Media Research [en ligne], Browse this journal/Dans cette revue, 7/2017 Mises en scène du politique contemporain, Notes de lecture/Book Review, mis à jour le : 22/12/2016, URL : http://frenchjournalformediaresearch.com/lodel-1.0/main/index.php?id=1240.

 

 

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